Des composites auto-cicatrisants allongent la vie des objets
CompPair, une spin-off de l’EPFL, amène sur le marché des matériaux composites qui se réparent en quelques minutes grâce à un chauffage local entre 100 et 150 degrés. Un procédé qui peut être répété au même endroit plus de 60 fois sans altérer les propriétés du matériau. La start-up vient d’obtenir un premier tour de financement.
Aujourd’hui, près de 20 millions de tonnes de matériaux composites polymères sont produites chaque année dans le monde. Ce marché progresse de quelque 5% par an selon l’organisation mondiale de la branche (JEC), en raison de la capacité de ces matériaux à allier idéalement performance, légèreté et facilité de mise en forme. Cet engouement impose toutefois aux industriels la mise en place rapide de solutions pour minimiser l’impact écologique de ces objets omniprésents dans l’aéronautique, l’automobile, le sport ou encore l’éolien, et qui sont actuellement difficilement recyclables. Dans cette optique, CompPair, une spin-off de l’EPFL, développe des matériaux auto-cicatrisants en quelques minutes qui permettent d’allonger considérablement le cycle de vie des objets. Plusieurs études ont montré que le procédé de réparation peut être répété au même endroit plus de 60 fois sans altérer les propriétés du matériau. La start-up vient de boucler son premier tour de financement pour un peu moins d’un million de francs. Une première étape importante pour l’entreprise qui va renforcer son équipe, agrandir ses locaux et surtout étendre sa capacité de production afin de pouvoir sécuriser son entrée sur le marché.
Diviser par 400 le temps de réparation
« Une connaissance travaille sur les bateaux de la Coupe de l’America. Le temps nécessaire, après chaque course, pour localiser les avaries et les réparer est énorme. Il se compte en heures, voire en jours, puisqu’il faut sur chaque impact rajouter un patch de matériau, cuir puis polir. Avec notre système, nous pouvons diviser le temps de réparation en moyenne de 400 fois», note Amaël Cohades, CEO de la spin-off. La démonstration effectuée dans les locaux de l’entreprise est éloquente : une minute de chauffage au moyen d’un pistolet à air chaud suffit à éliminer en profondeur la déformation provoquée par une boule de pétanque lancée à pleine puissance sur une plaque de matériau composite. Plusieurs articles parus dans JEC Magazine et Frontiers montrent qu’une fois réparée, la partie endommagée est aussi résistante qu’à l’origine.
Sortie du Laboratoire de mise en œuvre des composites à haute performance (LPAC) de l’EPFL il y a une année, l'entreprise propose une première famille de produits, appelée HealTechTM sous forme de textiles pré-imprégnés. Ces derniers peuvent être superposés, mis en forme et cuits par les fabricants de pièces, comme cela se fait conventionnellement. « Nous proposons différentes architectures de fibres destinées à l’élaboration de toutes sortes d’objets dont du matériel sportif, des éoliennes, des coques de bateaux etc. », souligne Amaël Cohades en présentant une palette d’échantillons de diverses textures élaborés en fibre de verre ou de carbone. L’entreprise travail avec plusieurs entreprises pour l’implémentation de ces produits dans leurs applications.
Mais comment fonctionne ce matériau breveté qui s’auto-répare à l’instar d’une plaie sur le corps humain ? « La clé de notre technologie se trouve dans la résine unique que nous avons développée. L’action physique qui se passe durant la cicatrisation est l’activation d’une partie de la résine qui subit une transformation de phase et permet de réparer les fissures », note Robin Trigueira, cofondateur et CTO. « De plus nos matériaux ont la particularité de se réparer sans perdre leurs propriétés structurelles, ce qui permet une plus vaste palette d’utilisations puisqu’il n’y a pas de risque de déformation. »
Introduire l’économie circulaire dans le domaine des composites
S’insérant dans la perspective d’une économie circulaire au sein du marché des matériaux composites, la spin-off a reçu le soutien de Tech4Impact, un programme d’accélération de l’EPFL pour les innovations durables. Ses premiers produits font partie des “1000 Efficient Solutions”, un label très sélectif de la Fondation Solar Impulse qui valide la viabilité écologique et économique d’une technologie. L’innovation pourrait par exemple permettre de réduire l’impact environnemental des éoliennes. « Elles représentent actuellement un coût de maintenance de plusieurs dizaines de milliards de francs par an dans le monde, note le CEO. De plus, les pales en fin de vie sont difficilement recyclables ». En Chine par exemple, un marché qui représentait 4,44 millions de tonnes de composites en 2017, une nouvelle obligation plus stricte portant sur le recyclage des déchets éoliens pourrait prochainement voir le jour.
Les textiles pré-imprégnés de CompPair s’appliquent également aux objets en composite du quotidien. À quand un tennisman muni d’un pistolet à air chaud pour réparer sa raquette mise à rude épreuve ? « C’est envisageable car une réparation régulière de la résine permet de retrouver les propriétés de base d’une pièce neuve », souligne Robin Trigueira. Pour autant que le sportif ne brise pas sa raquette de rage sur un point perdu, car cette auto-réparation a pour l’instant un ennemi : la rupture complète des fibres.
Soutenue jusqu’à présent par de très nombreux programmes de démarrages, CompPair prépare, grâce à cette levée de fonds de 950'000 frs, une extension de la capacité de production ainsi qu’une nouvelle famille de produits pour des applications nécessitant des conditions de production différentes.