Des chercheurs identifient un obstacle au vaccin anticancéreux

Des cellules lymphatiques (en rouge) assaillies par des lymphocytes (en vert) © 2012 EPFL

Des cellules lymphatiques (en rouge) assaillies par des lymphocytes (en vert) © 2012 EPFL

Le futur des prometteurs vaccins anticancéreux se précise. Grâce au système lymphatique, les tumeurs peuvent tromper le système immunitaire du patient et échapper à la destruction. Une découverte publiée dans «Cell reports».

Les cellules tumorales présentent à leur surface des marqueurs et antigènes, qui les rendent identifiables pour notre système immunitaire. C’est sur la base de ce constat que des vaccins anticancéreux ont été developpés ces dix dernières années. Il s’agit d’éduquer les cellules immunitaires des patients en les exposant à des antigènes tumoraux. Cette piste a soulevé de grands espoirs. Une telle thérapie, en ciblant exclusivement les cellules cancéreuses, pourrait permettre de supprimer les effets secondaires de la chimiothérapie et de la radiothérapie.

Comme des soldats qui défendent une forteresse
Cependant, les essais cliniques concernant les vaccins n’ont pas été des plus encourageants. En effet, les tumeurs possèdent de nombreux mécanismes qui leur permettent d’échapper aux lymphocytes T – un type de cellules immunitaires - même lorsque ceux-ci ont été sensibilisés. Ces mécanismes de résistance restent globalement mal compris. Cependant, dans un article qui paraît cette semaine dans Cell Reports, les laboratoires de Melody Swartz à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de Stéphanie Hugues à l’Université de Genève (UNIGE) font une percée significative. Les chercheuses sont parvenues à comprendre comment les vaisseaux lymphatiques entourent la tumeur et repoussent les attaques des lymphocytes T, à l’image de soldats qui défendent une forteresse.

De nombreuses recherches montrent que les tumeurs peuvent favoriser le développement de vaisseaux lymphatiques autour d’elles. Jusqu’ici, on présumait que ces vaisseaux lymphatiques offraient simplement une échappatoire aux cellules cancéreuses, en les transportant plus loin, favorisant la formation de métastases. La recherche, menée par Amanda Lund, a montré un autre rôle des vaisseaux lymphatiques, plus inattendu. En effet, ces derniers suppriment la réaction de défense immunitaire, en éliminant les lymphocytes T ou en les épuisant avant qu’elles n’atteignent la tumeur.

Les recherches ont porté sur un type de tumeur qui exprime une large quantité d’une molécule appelée VEGF-C, connue pour stimuler la croissance des vaisseaux lymphatiques. Les chercheurs ont modifié les cellules cancéreuses, de sorte qu’elles expriment un antigène étranger. Puis, ils ont comparé l’efficacité d’un vaccin mis au point pour sensibiliser les lymphocytes T, afin qu’ils détruisent les cellules porteuses de cet antigène, en présence ou en l’absence de la molécule VEGF-C. La suppression de cette molécule a permis d’augmenter significativement l’efficacité du vaccin : le développement de la tumeur a été divisé par quatre.

Une faiblesse du système de défense immunitaire contre le cancer
Les chercheurs ont démontré que les cellules dite «endothéliales», qui tapissent les vaisseaux lymphatiques, récupèrent les antigènes spécifiques des tumeurs et les présentent aux lymphocytes T, d’une manière telle que ces derniers sont épuisés ou détruits. Selon Melody Swartz, ces recherches prouvent qu’en ciblant d’abord les vaisseaux lymphatiques associés à la tumeur, on pourrait en théorie augmenter de manière significative l’efficacité des vaccins anticancéreux. «Ce serait comme retirer les soldats de la forteresse avant d’envoyer une armée d’assaillants, explique-t-elle. Si on bloque la fonction suppressive des vaisseaux lymphatiques, nos données suggèrent que les lymphocytes T qui éliminent la tumeur feraient leur travail beaucoup plus efficacement.» A l’avenir, des essais cliniques seront nécessaires pour expérimenter cette théorie.


Auteur: Laura Spinney

Source: EPFL