Des chercheurs dessinent les bases d'une colonie martienne

Vue d'artiste de la base martienne. © EPFL

Vue d'artiste de la base martienne. © EPFL

Des scientifiques de l’EPFL ont imaginé les étapes de la construction d’une base autonome habitable à long terme sur Mars. Autant d’indicateurs pour définir les priorités des programmes d’exploration martienne et du système solaire.

Si la vie a un jour existé sur Mars, c’est à ses pôles qu’on pourrait bien retrouver sa trace. Précisément, dans les dépôts polaires stratifiés (polar layered deposits), ces couches de glaces et de poussières superposées au fil des millénaires. C’est donc là qu’il faudrait installer une base martienne pour les besoins de la science autant que pour ceux des futurs colons, estiment des chercheurs de l’EPFL. Ils ont imaginé la stratégie, les technologies et les étapes nécessaires pour monter une base scientifique habitable à long terme, autonome et durable. Leur travail, prochainement publié dans la revue ACTA Astronautica, est présenté aujourd’hui aux Entretiens internationaux du tourisme du futur, à Vixouze, en France.

«Même si les pôles imposent davantage de contraintes au départ, ils sont plus avantageux à long terme, car on y trouve des ressources potentiellement exploitables», assure Anne-Marlene Rüede, premier auteur et qui poursuit un mineur en technologies spatiales à l’EPFL Space Engineering Center (eSpace). Les chercheurs voient à très long terme – une colonisation sur plusieurs générations -, mais n’en sont pas moins allés très loin dans les détails de la mission. «Notre ambition est d’établir une stratégie en fonction de différentes technologies sélectionnées à développer et de proposer un scénario test afin que dans 20 ans, il y ait des programmes capables de mener une telle expédition», précise l’étudiante.

La base avant l’équipage

Concrètement, la mission projette d’envoyer un équipage de six personnes au pôle Nord de Mars durant l’été polaire – pour bénéficier des 288 jours de lumière en continu – et de le ramener sain et sauf sur Terre. Sa première originalité est de concevoir une mission en deux temps. Soit envoyer d’abord une structure habitable minimale à travers une mission robotique et tester l’utilisation des ressources in situ pour la préparer à l’arrivée de l’équipage. C’est la solution trouvée pour minimiser la charge utile à transporter et garantir la sécurité des humains. Même si les lanceurs pour apporter les quelques 110 tonnes restent encore à développer.

Pour assurer une survie de 9 mois, et davantage à long terme, l’idée est d’exploiter au maximum le potentiel des ressources martiennes, à commencer par l’eau. La présence de glace permet théoriquement de produire de l’eau, de l’oxygène et du nitrogène. Des éléments indispensables à la survie humaine. Les différents composants dans l’atmosphère (CO2 surtout) et le sol martiens (silice, fer, aluminium, soufre…) peuvent potentiellement contribuer à produire des matériaux tels que des briques, du verre, des plastiques ou des carburants comme l’hydrogène ou le méthanol. Autant d’éléments vers la durabilité et l’indépendance.

En revanche, à ce stade, pour l’approvisionnement en énergie et en nourriture, l’équipage devra compter sur les apports terrestres, avec un réacteur au thorium et des batteries par exemple pour l’énergie, et de la nourriture lyophilisée…

Un igloo de 3 mètres d’épaisseur

La base elle-même comportera trois modules : le module central, les capsules et le dôme. Le premier, de la forme d’un silo de 12,5 mètres de haut et de 5 mètres de diamètre, constitue l’espace minimum de vie et contient tous les éléments essentiels. Les trois capsules déployées autour de l’élément central servent de sas entre l’intérieur et l’extérieur. Ces éléments arriveront lors de la mission robotique. Un dôme, composé d’une membrane en fibre de polyéthylène recouverte d’une couche de glace d’environ 3 mètres d’épaisseur, recouvrira l’îlot central tel un igloo, offrant un espace de vie supplémentaire. Il constitue aussi une seconde barrière de protection notamment contre les radiations et les micrométéorites et aide à conserver une pression constante au sein de l’habitat.

Une grue céleste

Une autre innovation est l’établissement d’une station orbitale autour de Mars (2ème voyage), intermédiaire entre les navettes spatiales et la surface martienne. Les chercheurs ont ainsi dessiné une grue aérienne capable de transporter de la station orbitale à la surface les différents éléments qui arrivent de la Terre. «Cette grue aérienne réutilisable et rechargeable en carburant fabriqué sur Mars permet de réduire la charge à apporter de la Terre, explique Claudio Leonardi, un des auteurs. Avec un principe d’amarrage similaire à celui de la Station spatiale internationale, elle se trouvera sur l’écliptique d’arrivée des cargos en provenance de la Terre et pourra ainsi « descendre » les différents modules sur Mars ainsi que le transfert de l’équipage.» Son originalité est d’avoir des moteurs en dessus de son centre de gravité et d’être réutilisable pour 6 missions. Le carburant pour la montée serait « in situ » et celui pour la descente proviendrait de la terre.

«Il faut une première mission où tout doit être fait pour la première fois. Et mieux elle est pensée au départ, mieux on pourra faire dès le début et ouvrir la porte à la colonisation», estiment les chercheurs sans toutefois prendre position sur l’opportunité de coloniser Mars. D’autant plus que l’intérêt de cette recherche est de proposer des solutions applicables à des missions robotiques en générale, martiennes, mais aussi lunaires, terrestres ou autres.

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Arrivée du module d'équipage, vue d'artiste. © EPFL
Arrivée du module d'équipage, vue d'artiste. © EPFL
Base martienne, vue d'artiste. © EPFL
Base martienne, vue d'artiste. © EPFL
Arrivée du module habitable, vue d'artiste. © EPFL
Arrivée du module habitable, vue d'artiste. © EPFL
Départ de la grue, vue d'artiste. © EPFL
Départ de la grue, vue d'artiste. © EPFL
Mise en orbite de la grue, vue d'artiste. © EPFL
Mise en orbite de la grue, vue d'artiste. © EPFL

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