Des astrophysiciens comblent des lacunes de l'Histoire de l'Univers

A l’initiative de chercheurs de l’EPFL, des scientifiques ont analysé, dans le cadre d’un vaste programme de relevés cosmologiques, plusieurs millions de galaxies et de quasars, retraçant ainsi une histoire plus continue de l’Univers et offrant une meilleure compréhension des mécanismes de son expansion. EBOSS, le dernier sondage cosmologique établi sur 6 ans, a été initié et mené en partie par l'astrophysicien de l'EPFL Jean-Paul Kneib.


C’est la plus grande carte en 3D de l’Univers réalisée à ce jour. Elle est le fruit de la collaboration, sur plus de vingt ans, de plusieurs centaines de scientifiques issus d’une trentaine d’institutions différentes de par le monde, tous réunis au sein du «Sloan Digital Sky Survey» (SDSS) et autour d’un télescope optique dédié au projet situé au Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Rendu public aujourd’hui sous la forme de plus de vingt publications scientifiques, ce dernier travail de cartographie présente un relevé astronomique inédit et ambitieux. Résultant de l’analyse de plusieurs millions de galaxies et de quasars, il permet de combler certaines lacunes de l’histoire cosmologique et, également, de mieux comprendre les mécanismes de l’expansion de l’Univers.

L’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) est directement impliquée dans cet important projet. Ces analyses proviennent notamment du dernier sondage cosmologique du SDSS, nommé «The extended Baryon Oscillation Spectroscopic Survey» (eBOSS), qui comprend plus de 100 astrophysiciens. Plusieurs chercheurs de l’École en font partie. Jean-Paul Kneib, qui dirige le Laboratoire d’astrophysique (LASTRO) en est même l’initiateur et en a été le chercheur principal (PI), pendant plusieurs années.

«En 2012, j’ai lancé le projet eBOSS avec l’idée de produire une cartographie 3D de l’Univers la plus complète le long de la ligne de vie de l’Univers, en utilisant pour la première fois de nouveaux traceurs que sont les galaxies formant activement des étoiles et les quasars, rapporte Jean-Paul Kneib. C’est un grand plaisir de voir aujourd’hui l’aboutissement de ces travaux».

Grâce aux nombreux travaux théoriques menés au fil du temps sur le Big Bang, ainsi que l’observation du fond diffus cosmologique, les premiers instants de l’Univers sont relativement bien connus. Les études réalisées sur les galaxies et les mesures de distance avaient également donné une bonne compréhension de l’expansion de l’Univers qui s’est produite au cours de ces derniers milliards d’années.

«Il restait toutefois un manque de données entre le début de l’Univers et la période actuelle, qu’il aura fallu cinq ans de travail pour combler, relève Kyle Dawson, de l’Université de l’Utah et l’un des leaders du projet. L’annonce d’aujourd’hui représente donc l’une des avancées les plus importantes de cette dernière décennie en terme d’observation cosmologique.»

«Combinées avec les données obtenues par le SDSS lors des précédentes expériences, les analyses détaillées du programme eBOSS nous fournissent les mesures les plus précises et sur une période cosmologique la plus longue jamais relevées, ajoute Will Percival, de l’Université de Waterloo et l’un des chercheurs impliqués dans eBOSS. Ce travail nous offre ainsi tout simplement l’histoire de l’expansion de l’Univers la plus complète à ce jour.»

La carte ainsi finalisée montre des filaments de matière et des vides qui définissent plus précisément la structure de l’Univers dès ses prémices, c’est-à-dire lorsqu’il n’avait que 380'000 ans. De là, les chercheurs ont mesuré quels étaient les schémas récurrents dans la distribution des galaxies, identifiant ainsi plusieurs paramètres cosmologiques clés, que sont notamment la densité de matière et d’énergie noires dans l’Univers, ceci avec un large degré de précision.

Pour réaliser ce relevé, les équipes impliquées dans le projet eBOSS se sont intéressés à différents traceurs révélant la distribution de masse dans l’Univers. Pour la partie de la carte relative à l’Univers d’il y a six milliards d’années dans le passé, les chercheurs ont observé les galaxies les plus anciennes et les plus rouges. Pour les époques plus lointaines, ils se sont concentrés sur les galaxies les plus jeunes, les bleues. Pour remontrer au plus loin, c’est-à-dire jusqu’à onze milliards d’années, ils ont utilisé des quasars - des galaxies dont le trou noir super-massif, en leur centre, est rendu extrêmement lumineux par la matière qui y est engloutie.

Une expansion plus lente ?

L'histoire mise en lumière par cette carte révèle qu’à un certain moment, l’expansion de l’Univers s’est accélérée et a, depuis, continué à le faire. Ceci semble être dû à la présence d’énergie noire, un élément invisible qui s'intègre naturellement à la théorie générale de la relativité d’Einstein mais dont l'origine n'est pas encore comprise.

Lorsque les observations de eBOSS sont mises en perspectives des études menées jusqu’alors sur les premiers temps de l’Univers, des décalages apparaissent dans le modèle pour ce qui est de la mesure de la vitesse d’expansion. Celle communément admise actuellement, que l’on appelle la «constante de Hubble», est 10% plus lente que la valeur calculée à partir des distances entre les galaxies les plus proches de la nôtre. Or, la haute précision et la grande variété des données du programme eBOSS rendent peu probable que cette différence soit due au hasard.

Il n’y a à ce jour pas d’explication communément admise pour ces désaccords entre les différentes mesures de la vitesse d’expansion, mais le fait qu’une forme encore inconnue de matière ou d’énergie issue de l’Univers primordial puisse avoir laissé des traces dans notre histoire est une intéressante possibilité.


Auteurs: Sarah Perrin, Hillary Sanctuary, Com. SDSS

Source: EPFL