Des appareils médicaux conçus pour les pays en développement

Klaus Schönenberger dans l'unité de réparation d'un hôpital au Cameroun
EssentialMed, start-up du PSE, a pour but de créer des appareils médicaux spécialement conçus pour les pays pauvres, notamment grâce au savoir-faire de trois laboratoires de l’EPFL et du Paul Scherrer Institut.
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 70% des appareils médicaux achetés par les pays en voie de développement, ou résultant de dons, ne seront jamais fonctionnels faute de connaissances pour l’installation, d’un câble électrique manquant, ou l’absence d’un personnel qualifié par exemple. Et les 30% restant passent le plus souvent à la trappe dès qu’il s’agit de racheter des fournitures ou des pièces de rechange. La grande majorité des habitants de ces pays n’a pas accès à des dispositifs aussi essentiels qu’un appareil de radiologie à rayons X, une couveuse pour nouveau-né ou des équipements d’anesthésie. EssentialMed, start-up établie depuis septembre 2010 au Parc scientifique d’Ecublens (PSE), a pour but d'améliorer cette situation.
Vaste projet, car pour être efficace le dispositif doit être adapté au contexte dans lequel il sera utilisé. «Cela implique de repenser entièrement chaque appareil en intégrant dès la conception des parades. Il s'agit de faire face aux problèmes récurrents de ces pays: un réseau électrique très souvent défectueux et source de surtensions qui anéantissent l’appareil, un manque de ressources financières pour l’achat de l’appareil et de la fourniture nécessaire à son fonctionnement, une utilisation souvent trop complexe pour un personnel au faible niveau de formation ou le vol», souligne un des fondateurs, Klaus Schönenberger, qui a passé une dizaine d’années dans l’équipe dirigeante d’une multinationale produisant des appareils médicaux. C’est dans cette perspective que la société a signé un accord de collaboration avec l’EPFL. L’unité de coopération et la Chaire UNESCO en technologies pour le développement travaillent en étroite collaboration avec cette start-up bien particulière, puisqu’elle est constituée en fondation et n’a pas de but lucratif. «Il faut soutenir non seulement le progrès, mais également l’accès à ce qui a été inventé», a déclaré Patrick Aebischer lors du lancement de la start-up sur le site du PSE .
Trois laboratoires de l’EPFL impliqués
Première cible: un appareil à rayon X. «On parle souvent des maladies infectieuses lorsqu’on pense aux problèmes sanitaires des pays du Sud, mais les accidents de la route sont malheureusement parmi les premières causes de mort ou de handicap. D’ailleurs 90 % d’entre eux ont lieu là-bas», explique Klaus Schönenberger. Or deux-tiers de l’humanité n’a pas accès à l’imagerie médicale, pourtant essentielle dans ces circonstances. Le travail a été décomposé en différents «noyaux technologiques»: source à rayons X (le tube), le détecteur à rayons X (formation de l’image), le module d’alimentation électrique, le stand mécanique, le système de traitement d’image et interface utilisateur. Il s’agira d’un appareil incluant une solution pour continuer de fonctionner en dépit de fréquentes ruptures d’approvisionnement électrique. Le dispositif doit être robuste et nécessiter peu d’entretien et doit permettre de faire des images en dépit de températures élevées, d’un important niveau d’humidité et de poussière et l’absence de maintenance.
Trois laboratoires de l’EPFL vont apporter leur savoir-faire pour relever ce défi: le Laboratoire d’électronique industrielle, le Laboratoire de technologie des composites et polymères ainsi que le Laboratoire de communications audiovisuelles. Le Paul Scherrer Institut de Villigen, apporte ses compétences en rayons X, et considère ce projet comme de grande importance. La HEIG-VD à Yverdon collaborera également à ce projet ainsi que l’Institut Tropical et de la santé publique de Bâle. Ingénieurs du monde propose d'ailleurs trois stages pour étudiants en lien avec cette start-up liés avec les laboratoires de l'EPFL. «L’objectif est de parvenir à un prototype opérationnel d’ici trois ans, mais la fondation cherche encore des partenaires financiers -des fondations, des sponsors ou des philanthropes- également motivés par ce challenge.» Le but est de rendre l’appareil adapté aux pays en développement, mais également de diminuer son prix et celui des fournitures par dix. La mise à disposition de l’équipement dans les pays cibles comprendra l’appareil, ainsi qu’un suivi sur place, la formation des utilisateurs de la mise en fonction jusqu’à la fin de sa durée de vie. Appliquer ce même Modus operandi à d’autres appareils est déjà prévu, par exemple pour des appareils essentiels à la survie des nouveau-nés.