Démocratisée, la mesure du radon défie l'immobilier

Joan Rey sur le campus de l'EPFL avec des outils du commerce servant à mesurer le radon.© EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Pour sa thèse de doctorat en génie civil, Joan Rey a testé la fiabilité d'outils du commerce et celle de l'intelligence artificielle pour mesurer et prédire les niveaux de radon dans les bâtiments. Il partage ses conclusions dans une chronique parue dans trois quotidiens romands.
Le radon, gaz radioactif d’origine naturelle et polluant de l’air intérieur, constitue un risque majeur pour la santé publique en Suisse. Présent dans l’ensemble du parc immobilier du pays, il est responsable de près de 300 décès annuels dus au cancer pulmonaire. Depuis les années 1990, les autorités suisses coordonnent leurs efforts pour lutter contre l’exposition de la population à ce danger invisible et inodore. Car seule une mesure du gaz peut révéler sa présence. Face à cet enjeu sanitaire, la fiabilité de la mesure du radon est donc capitale.
En Suisse, la mesure officielle du radon reconnue par l’Office fédéral de la santé publique dure une année. Elle peut être réduite à trois mois si elle se déroule en période de chauffe. Les appareils utilisés doivent figurer sur une liste de l’Institut fédéral de métrologie. Cependant, l’essor des objets connectés et leur popularité croissante bouleversent le cadre réglementaire. De nombreux appareils électroniques dédiés à la mesure du radon font leur apparition sur le marché, suscitant des interrogations sur la fiabilité des données qu’ils produisent.
Comparer pour mieux comprendre
Dans le cadre de ma thèse, des tests effectués tant en laboratoire que dans des bâtiments montrent que les appareils d’entrée de gamme offrent globalement des résultats satisfaisants, et ceci, en dépit de grandes disparités de performance. Cependant, mon analyse révèle que ces appareils peinent à suivre l’évolution temporelle des concentrations du gaz : leurs performances diminuent lorsque les niveaux de radon sont faibles, c’est-à-dire proches de la valeur de référence de 300 Bq/m3, valeur déterminante pour une décision de rénovation. Cela souligne l’importance pour toutes les personnes, qu’elles soient professionnelles ou non, de bien comprendre les limites des appareils utilisés et d’interpréter les résultats avec discernement.
Une première application de l’IA s’est révélée correcte dans 85% des cas.
Vers une prédiction du risque?
L’émergence de l’intelligence artificielle (IA) a récemment conduit à diverses tentatives au niveau européen visant à prédire les niveaux de radon dans les bâtiments. Dans le cadre de ma thèse, une première application de l’IA dans le contexte suisse a permis de détecter correctement dans 85% des cas si l’exposition annuelle est inférieure ou supérieure au niveau de référence en vigueur. Je poursuis actuellement des recherches à la Haute école d'ingénierie et d'architecture (HEIA-FR) qui permettront d’améliorer cette précision, offrant ainsi une évaluation complémentaire à la mesure directe du radon.
La fiabilité de la mesure du radon se confronte aussi à des enjeux sociétaux, comme le fait d’obtenir des résultats rapides, particulièrement avant une transaction immobilière ou une rénovation énergétique. Garantir cette fiabilité implique donc de poursuivre la recherche, d’adapter la réglementation et de sensibiliser à la fois le grand public et les professionnels à cette problématique cruciale.
Joan Rey, chercheur et docteur en ingénierie civile et environnementale, Smart Living Lab, EPFL Fribourg & HEIA-FR
- Cette chronique est parue en mai 2025 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître auprès du grand public la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction.