Démêler les fibrilles amyloïdes

Plaques amyloïdes dans la maladie d'Alzheimer ©EPFL/iStock photos (Artur Plawgo)

Plaques amyloïdes dans la maladie d'Alzheimer ©EPFL/iStock photos (Artur Plawgo)

Des chercheuses et chercheurs de l’EPFL ont découvert comment les fibrilles amyloïdes forment des structures complexes. Cette découverte a permis de mieux comprendre des pathologies comme la maladie d’Alzheimer et d’ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine de la science des matériaux.

Les amyloïdes sont des agrégats de protéines qui peuvent se former dans l’organisme, entraînant parfois des affections comme la maladie d’Alzheimer. Ces fibrilles peuvent prendre des formes multiples, appelées «polymorphes», d’où la difficulté à comprendre leur rôle dans la santé et la maladie. Leur capacité à se transformer en différentes structures les rend à la fois intéressantes et complexes à étudier.

Malgré leur importance, les mécanismes précis à l’origine du polymorphisme amyloïde restent méconnus. Traditionnellement, les scientifiques reconnaissent deux principaux types de structures amyloïdes: les rubans torsadés et les fibrilles hélicoïdales. Toutefois, ce point de vue s’élargit à mesure que de nouvelles recherches révèlent davantage de complexité.

Les fibrilles amyloïdes peuvent apparaître avec un grand nombre de molécules différentes, telles que l’insuline. En étudiant les fibrilles d’insuline, des scientifiques de l’EPFL et de l’ETH Zurich ont fait une avancée importante dans la compréhension du polymorphisme amyloïde. Leurs travaux montrent que les fibrilles amyloïdes d’insuline peuvent se tordre et se plier pour prendre des formes complexes à «courbure mixte» en entrelaçant des brins de protéines plus petits d’une manière superposée appelée «entrelacement hiérarchique des protofilaments».

Cette recherche a été menée par les équipes de Giovanni Dietler et de Henning Stahlberg de l’EPFL, et Raffaele Mezzenga de l’ETH Zurich. Elle a été publiée dans la revue Advanced Science.

Pour étudier la formation des fibrilles amyloïdes d’insuline, les chercheuses et chercheurs ont eu recours à la microscopie à force atomique (MFA). Cette technique d’imagerie à haute résolution utilise une minuscule sonde mécanique pour balayer et cartographier la surface d’un échantillon à l’échelle du nanomètre. Avec la MFA, ils ont suivi le processus de fibrillation, en observant son évolution à travers les étapes types de la nucléation, de la croissance et de la saturation.

Grâce à une analyse détaillée, ils ont classé les morphologies des fibrilles en fonction de leur hauteur, de leur pas de croisement et de leur amplitude. Cette approche leur a permis d’identifier un grand nombre de structures de fibrilles multibrins, révélant un ensemble complexe de polymorphisme amyloïde.

L’étude a révélé que les fibrilles amyloïdes d’insuline peuvent former des polymorphes à courbure mixte en entrelaçant des protofilaments et des protofibrilles – les plus petites unités des fibrilles. Les protofilaments sont des unités structurelles de base, constituées de molécules de protéines. Lorsqu’elles s’alignent et se tordent ensemble, elles forment des protofibrilles, qui sont des structures intermédiaires finissant par se combiner pour former des fibrilles matures.

Cet «entrelacement hiérarchique de protofilaments» implique à la fois une torsion et une flexion, créant des structures complexes aux caractéristiques uniques. Les chercheuses et chercheurs ont constaté que ces polymorphes à courbure mixte sont plus fréquents qu’on ne le pensait, en particulier pendant les périodes d’incubation prolongées.

Ils ont également découvert que la plupart des protofilaments et des fibrilles d’insuline présentent une torsion vers la gauche, une caractéristique qui persiste au fur et à mesure de la maturation des fibrilles, ce qui ajoute la couche de chiralité (gaucher ou droitier) à notre compréhension du polymorphisme amyloïde.

L’étude a des répercussions importantes sur le traitement des maladies liées aux amyloïdes. En clarifiant le processus complexe d’entrelacement des protofilaments, elle identifie de nouvelles cibles pour les interventions thérapeutiques. Au-delà de la médecine et du développement de médicaments, ces résultats pourraient aboutir à la mise au point de nouveaux matériaux basés sur les fibrilles amyloïdes, avec des applications potentielles dans les domaines de la biotechnologie et de la science des matériaux.

Autres contributeurs

  • Universidad Autónoma de Madrid
  • Université d’Amsterdam
  • Université College London
  • Université de Lausanne
  • Université de Zurich
  • Université de Cambridge
  • Université College London
  • Université et centre de recherche de Wageningue

Financement

  • Ministerio de Ciencia e Innovación
  • Fonds social européen Plus (ESF+)
  • Bourse Ramón y Cajal
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Références

Jiangtao Zhou, Salvatore Assenza, Meltem Tatli, Jiawen Tian, Ioana M. Ilie, Eugene L. Starostin, Amedeo Caflisch, Tuomas P. J. Knowles, Giovanni Dietler, Francesco S. Ruggeri, Henning Stahlberg, Sergey K. Sekatskii, Raffaele Mezzenga (2024). Hierarchical Protofilament Intertwining Rules the Formation of Mixed‐Curvature Amyloid Polymorphs. Advanced Science 20 juin 2024. DOI: 10.1002/advs.202402740


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: Sciences de Base | SB

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