Déchiffrer le code de la maladie de Huntington

La structure de la huntingtine (EBI)/iStock photos

La structure de la huntingtine (EBI)/iStock photos

La maladie de Huntington est provoquée par une mutation génétique qui conduit une protéine à se développer dans le cerveau. En une première mondiale, des scientifiques de l'EPFL ont synthétisé et étudié des formes modifiées d'une partie mutante de la protéine, approfondissant ainsi notre compréhension de la manière dont elle contribue à la maladie, tout en suggérant de nouvelles stratégies thérapeutiques pour la soigner.

La maladie de Huntington est un désordre neurovégétatif qui provoque chez les patients la perte de leurs capacités à se mouvoir, à parler, et même à penser. Elle est provoquée par une mutation génétique qui produit une forme anormale de la protéine huntingtine, qui s'agrège et se développe dans des neurones du cortex et du striatum. De petites modifications chimiques sur différentes parties de la huntingtine pourrait diminuer sa toxicité et le phénomène d'agrégation; mais comme de nombreuses enzymes modifient déjà chimiquement la protéine dans le cellule, il a jusqu'ici été difficile de déterminer quelles modifications chimiques pourraient constituer des thérapies futures. Des scientifiques de l'EPFL viennent de développer des méthodes synthétiques qui permettent des modifications chimiques spécifiques à un site de l'huntingtine, sans devoir passer par la nécessité d'identifier les enzymes impliquées. L'étude est publiée dans Angewandte Chemie.

Après avoir été créée par son gène, la huntingtine est sujette à de nombreux changements chimiques, pendant lesquels les enzymes de la cellule y attachent différents groupes chimiques, tels que le phosphate (phosphorylation) et l'acétylène (acétylation). Ces changements sont appelés «modifications post-translationnelles», mais les acteurs moléculaires clés qui les régissent demeurent inconnus.

Pour combler ce déficit de connaissances et explorer le potentiel thérapeutique des modifications post-translationnelles, le groupe de Hilal Lashuel à l'EPFL a fait appel à la chimie et a développé des stratégies de synthèse qui permettent l'introduction ciblée de modifications chimiques. Cette approche élucide l'effet de ces modifications sans qu'il soit nécessaire d'identifier les enzymes-clés qui en sont responsables, et permet, pour la première fois, l'étude de l'interaction entre différentes modifications de l'huntingtine.

La nouvelle stratégie combine la synthèse chimique et bactérienne des protéines pour générer une partie de la huntingtine mutante dans laquelle de nombreuses modifications post-translationnelles importantes se produisent. Ce segment est connu sous le nom de «huntingtine mutante exon1» (Httex1), et il s'est avéré suffisant pour reproduire les traits essentiels de la maladie de Huntington dans des modèles animaux.

Avec cette méthode, les chercheurs ont désormais pu générer toutes les formes modifiées connues de la huntingtine dans des formes très pures et homogènes. «Cela nous a permis d'étudier les effets des modifications post-translationnelles avec un degré élevé de précision et dans des conditions contrôlées», dit Anass Chiki, le doctorant qui a mené l'étude.

Les chercheurs ont exploré comment ces modifications peuvent agir comme des interrupteurs moléculaires qui peuvent être utilisés pour réguler la structure, la fonction et la toxicité de la huntingtine. Dans ce contexte, ils ont fait trois découvertes concernant la relation entre les modifications post-translationnelles de la huntingtine et sa structure.

Premièrement, la phosphorylation de la thréonine sur la position 3 (T3) stabilise une formation hélicoïdale des 17 premiers acides aminés de la huntingtine, et interfère avec sa capacité à s'agréger. Cela pourrait expliquer pourquoi cette modification particulière est réduite dans la maladie de Huntington, et suggère qu'en modulant le niveau de cette modification, on pourrait créer une protection contre cette affection.

Deuxièmement, l'étude a découvert que le fait de remplacer la thréonine par un autre acide aminé (du glutamate ou de l'aspartate) pour simuler la charge du groupe phosphate ne reproduit pas complètement les effets de la phosphorylation originale sur la structure et l'agrégation de la hungtintine. Cet aspect est important pour les biologistes qui, par manque de connaissances sur les enzymes-clés qui régulent la phosphorylation, recourent à cette substitution comme solution de fortune.

Finalement, les scientifiques ont pu, pour la première fois, étudier l'impact de l'acétylation, qui se produit sur trois acides aminés de la lysine de la huntingtine. Tandis que l'acétylation de résidus individuels a affecté la structure ou l'agrégation de la huntingtine, l'acétylation sur une lysine (en position 6) a renversé l'effet protecteur de la phosphorylation T3 lorsque les deux modifications étaient introduites simultanément.

«Nos travaux soulignent combien il est essentiel d'identifier les enzymes qui régulent les modifications de la huntingtine, à la fois pour comprendre sa biologie, et débloquer leur grand potentiel en tant que cibles thérapeutiques fiables pour la maladie de Huntington», dit Hilal Lashuel. «Pouvoir générer toutes les formes modifiées par la maladie avec une pureté élevée ouvre la voie pour démontrer si ces modifications pourraient servir de biomarqueurs de la maladie dans l'optique d'un diagnostic précoce et d'un contrôle de la progression de la maladie.»

Cette étude a été conduite en collaboration avec le groupe du Prof. Giovanni Dietler et d'Annalisa Pastore, et a reçu des contributions du MRC National Insitute for Medical Research (London). Elle a été financée principalement par la Fondation CHDI et le Fonds National Suisse (SNSF).

Référence

Anass Chiki, Sean M. DeGuire, Francesco S. Ruggeri, Domenico Sanfelice, Annalisa Ansaloni, Zhe-Ming Wang, Urszula Cendrowska, Ritwik Burai, Sophie Vieweg, Annalisa Pastore, Giovanni Dietler, Hilal A. Lashuel. Mutant exon1 Huntingtin aggregation is regulated by T3 phosphorylation-induced structural changes and crosstalk between T3 phosphorylaxtion and acetylation at K6.Angewandte Chemie. DOI: 10.1002/anie.201611750