De Svalbard à l'Antarctique: préserver la mémoire climatique du monde

© Bruno Jourdain/Ige/CNRS

© Bruno Jourdain/Ige/CNRS

Le professeur Jérôme Chappellaz, glaciologue et climatologue à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (ENAC), est à la tête de l’initiative Ice Memory, qui vise à sauvegarder la mémoire climatique de la planète. Son travail a récemment été mis en avant dans plusieurs grands médias français, dont Les Echos, La Croix et Le Temps, soulignant l’importance scientifique et sociétale de la préservation des glaciers dans le monde entier.

Des expéditions extrêmes pour capturer l’histoire du climat

Ice Memory a pour objectif de prélever et conserver des carottes de glace issues de glaciers menacés par le réchauffement climatique. En mai 2017, une équipe de quinze scientifiques, dont des membres de l’Université Grenoble Alpes et du CNRS, a passé près de deux semaines au sommet du glacier Illimani en Bolivie, à 6 300 mètres d’altitude, pour forer les glaces dans des conditions extrêmes. Ces carottes contiennent des données atmosphériques et environnementales remontant sur plusieurs siècles, essentielles pour comprendre les cycles climatiques passés.

Le professeur Chappellaz, cofondateur de l’initiative en 2015 avec des collègues internationaux, souligne l’urgence de préserver ces archives gelées avant qu’elles ne disparaissent. Depuis sa création, Ice Memory a étendu ses missions aux glaciers des Alpes, des Andes, du Caucase et de l’Altaï, et continue de sélectionner des sites menacés à travers le monde.

Préserver le climat du Svalbard

En 2023, une expédition conduite dans l’archipel du Svalbard a permis à l’équipe de prélever deux carottes de glace d’environ 125 mètres sur le glacier Holtedahlfonna. L’une sera analysée immédiatement, tandis que l’autre sera conservée dans une grotte spécialement aménagée à la station Concordia en Antarctique, assurant une conservation naturelle à -50 °C pour les siècles à venir.

L’équipe a travaillé dans des conditions extrêmes, à plus de 1 100 mètres d’altitude, avec des températures comprises entre -25 °C et -5 °C, et a dû naviguer entre des crevasses dangereuses.

Un effort scientifique international

La fondation Ice Memory réunit sept grandes institutions internationales, dont le CNRS, l’IRD, l’Université Grenoble Alpes, l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), le CNR italien, l’Université Ca’ Foscari de Venise et le Paul Scherrer Institute (PSI) en Suisse. Les missions reposent sur le financement public, l’expertise scientifique et le mécénat, pour relever les défis logistiques et techniques du forage en milieu polaire et en haute altitude.

Le travail de Chappellaz souligne l’importance de la coopération internationale en sciences climatiques. En préservant des carottes de glace issues de glaciers menacés, Ice Memory offre aux scientifiques de demain des archives de longue durée sur l’histoire climatique et environnementale de notre planète.