«Dans le sud, parler du réchauffement climatique n'est pas suffisant»

Arindam Roy © 2021 EPFL / Alain Herzog

Arindam Roy © 2021 EPFL / Alain Herzog

En parallèle à son postdoctorat à l’EPFL, Arindam Roy multiplie les actions de communication sur le changement climatique dans sa langue maternelle, le bengali. Dans ses workshops, vous ne trouverez pas d’ours polaires sur une banquise, mais des solutions concrètes aux problèmes rencontrés par les populations du sud.

Fervent partisan de la sensibilisation et de l'éducation au changement climatique, Arindam Roy s’implique activement dans la communication des connaissances scientifiques au public. En 2019, il crée une plateforme de communication sur le changement climatique en bengali, une langue parlée par 250 millions de personnes. Il continue depuis à l’alimenter et la mettre à jour avec les derniers rapports du GIEC notamment. «J’avais remarqué que ces rapports n’existaient pas en bengali. Pourtant les régions où cette langue est parlée, c’est-à-dire la partie orientale de l’Inde dont je suis originaire et le Bangladesh principalement, sont parmi les plus vulnérables au changement climatique et ils ne parlent pas anglais».

Arindam Roy propose également des workshops interactifs sur l’adaptation au changement climatique tous les samedis matin. «J’en suis à plus de 50 animations de workshops. C’est pour moi quelque chose de très enrichissant. J’apprends beaucoup en écoutant les expériences des participants, qu’ils soient étudiants, agriculteurs, pêcheurs ou membres d’ONG.»

Extrait de la plateforme de communication sur le changement climatique en bengali crée par Arindam Roy

Adapter son message selon son interlocuteur, donner des exemples concernant et des solutions adaptées aux problèmes de chacun, voilà quelques-uns des crédos d’Arindam Roy. «Grâce aux workshops, j’ai pu constater par moi-même que de parler du réchauffement climatique n’était pas un moyen efficace de mobiliser les gens sur le changement climatique. Pour une personne qui vit près des tropiques et qui supporte souvent des températures estivales entre 45 et 50 degrés, le fait que la température moyenne mondiale augmente de deux degrés ne va pas particulièrement les alerter.» Le scientifique a récemment publié un texte Opinion à ce sujet dans le journal de la Thomson Reuters Foundation.

Sauver des vies et des moyens de subsistances

Lorsqu’il aborde les changements climatiques, Aridam Roy présente plutôt les événements extrêmes comme les cyclones, les fortes pluies ou tout ce qui aura un impact sur les moyens de subsistance de ses auditeurs. «Les événements extrêmes vont se multiplier et s’intensifier. En 1970, le cyclone appelé Bhola a par exemple survolé le Bangladesh et tué un demi-million de personnes. En 2019 et 2020, nous avons eu quatre cyclones, dont certains avaient une intensité plus élevée que Bhola. Mais cette fois-ci, les morts ont pu être évitées. De nos jours, la technologie permet de prédire l’apparition des cyclones. Quinze jours en avance, la population est prévenue et évacuée. Le problème est qu’on sauve des vies, mais pas les moyens de subsistance.» Pour Aridam Roy, l’idée est donc de proposer des alternatives aux moyens de subsistance vulnérables. Par exemple, dans une région dans laquelle on peut prédire qu’il y aura de plus en plus de sécheresses, il sera conseillé de troquer la culture de la canne à sucre très demandeuse en eau, pour une culture qui en nécessitera moins.

Quand on le questionne sur les origines de cet attrait pour la communication sur le changement climatique, le scientifique évoque ses années passées à voyager dans ces régions vulnérables. «Pour mon doctorat, j’ai passé cinq ans dans la station de haute altitude de Darjeeling, dans l'Himalaya oriental, et j'ai voyagé à travers l'Inde pour prélever des échantillons pour mon travail. Par la suite, j’ai passé deux ans à travailler pour une ONG sur l'adoption du changement climatique dans trois pays (Inde, Bangladesh et Bhoutan). Sur le terrain, je rencontrais des gens et mon rôle était d’évaluer la vulnérabilité des différentes communautés concernant le changement climatique, suggérer et mettre en place des projets. J’ai beaucoup aimé ces échanges et le fait de pouvoir transmettre les connaissances scientifiques à la communauté.»

Contrôle de la qualité de l’air

Faire le pont entre la science et la communauté, le scientifique continue de le faire aujourd’hui. Pour son postdoctorat dans le laboratoire du prof. Athanasios Nenes à l’EPFL dans un projet mené avec le Dr. Satoshi Takahama, il s’intéresse au contrôle de la qualité de l’air en Inde. Ceci dans le cadre du «Clean Air Project in India» (CAP India), un projet suisse de la Direction du développement et de la coopération (DDC) mené avec l’Institut de l'énergie et des ressources indien (TERI). Son but est notamment de développer des méthodes pour le réseau de surveillance de la qualité de l'air dans les villes indiennes, qui sont différentes par rapport à l’hémisphère nord, en termes de population et de répartition de la pollution, d'utilisation des sols et de sources. «J’apprécie l’aspect stratégique du projet, pourquoi pas continuer dans cette voie pour mon futur professionnel. Tout en gardant une activité dans la communication sur le changement climatique, bien sûr.»

Références

Arindam Roy. OPINION: People in the Global South need new messages about climate change. Thomson Reuters Foundation News. 30 July 2021 https://news.trust.org/item/20210730124458-xy0q4/