Dans l'antre du MOOC

© 2014 EPFL

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Les MOOCs, tout le monde en parle. Pour certains, il s’agit du complément indispensable à tout enseignement classique et d’autres y voient LA solution pour une formation de qualité dans les pays émergents. Une chose est sûre, plus de 300’000 étudiants ont déjà suivi l’un des 20 cours online actuellement proposé par l’EPFL, pionnière européenne.
Rencontre avec l’équipe du CEDE pour découvrir la fabuleuse histoire de la création des Massive Open Online Courses à l’EPFL.

Le concept des MOOCs existe depuis plus de vingt ans, mais leur extraordinaire développement appartient à l’histoire récente. Si beaucoup de grandes universités américaines comme Harvard, Stanford ou Yale ont opté pour les MOOCs à partir de 2008 (le MIT dès 2001), le mouvement européen n’a réellement débuté qu’en 2013. A ce titre, l’EPFL s’est rapidement retrouvée en tête de file, le premier MOOC de Martin Odersky (Faculté Informatique et Communications) sur la programmation fonctionnelle ayant été mis en ligne fin 2012 déjà.


Patrick Jermann est le directeur exécutif du Centre pour l’Education à l’Ère Digitale (CEDE) depuis sa création en avril 2013. Une année plus tard, une petite dizaine d’informaticiens, monteurs, coordinateurs vidéo et assistants travaillent quotidiennement à la création des nouveaux MOOCs. Un véritable succès si l’on considère que les 20 MOOCs déjà produits ont été suivi par plus de 330'000 internautes. Mais c'est un succès qui n’est pas tombé du ciel. Il a été forgé dans l’effort, la recherche et l’innovation créative.

Petite présentation en images :


Les débuts

« Lorsque j’ai été nommé directeur exécutif du CEDE, il n’y avait que moi. La direction de l’EPFL venait de prendre la décision de s’investir dans le développement et la création de MOOCs, mais à ce moment-là, il n’y avait rien. Tout était à construire et nous étions les premiers ». Patrick Jermann traverse ses locaux du Rolex Learning Center en direction de la salle de production des MOOCs. Une fois arrivé à destination – un petit local rempli à craquer de matériel vidéo, de spots lumineux, de réflecteurs et de micros – il s’assied et reprend son récit. « Après avoir reçu l’aide d’Olivier Porchet du SAVE (Service Audiovisuel de l’EPFL), j’ai engagé Gilles Raimond, un informaticien passionné de multimédia, Gwénaël Bocquet, un coordinateur vidéo, et quelques étudiants qui nous ont aidé pour le montage. Pendant plusieurs mois, les premiers MOOCs ont été créés en amateur, au plus proche des besoins de l’EPFL. Nous n’avions aucun réel exemple dont on pouvait s’inspirer ».

A ces côtés, Gilles Raimond acquiesce. « Nous n’avions presque pas de matériel, juste une simple tablette WACOM, une camera XA-10, un iMac, un micro-cravate et un vieil ampli. Evidemment l’image était soit trop lumineuse, soit pas assez, il n’y avait qu’un unique angle de vue et plus l’ampli chauffait, plus la qualité du son baissait. C’était… difficile. »


L'un des premiers MOOCs : exemple d'un mauvais cadrage, plan trop serré, on ne voit pas les mains du professeur


Ecueils techniques… et humains

L’équipe s’étoffe et se professionnalise en fonction des défis techniques qui se présentent en file indienne. « Chaque pas en avant générait une trainée de problèmes à résoudre » assure Gilles Raimond avec l’entrain de celui qui se replonge avec plaisir dans le souvenir des problèmes surmontés. « Tout d’abord le son. Plus l’ampli chauffait, plus le son grésillait. J’ai passé des heures à tenter d’améliorer nos premiers enregistrements sonores. Du coup, on a installé de l’isolation phonique et acheté de meilleurs micros. Mais là encore, plusieurs professeurs n’étant pas totalement satisfaits de leurs propres textes s’enregistraient à la maison et nous envoyaient des extraits sonores à intégrer dans la vidéo. Je vous laisse imaginer le raccord » termine-il en rigolant.

Patrick Jermann et les collaborateurs du CEDE ont rapidement compris qu’à l’ère Youtube, un internaute ne restait attentif qu’une dizaine de minutes devant une vidéo à caractère éducatif. C’est pourquoi le modèle retenu pour les MOOCs ne dure que 15 minutes et alterne rapidement phases de présentations et phases d’exercices. « Mais même avec ce modèle, reprend Patrick Jermann, les internautes se lassent rapidement s’il n’y a qu’une seule caméra. Nous avons toujours essayé d’innover et de trouver des angles de vue inédits, comme par exemple celui de voir la main du professeur en transparence lorsque celui-ci écrit sur la tablette ».

Effet de transparence sur les mains du professeur en fin de vidéo (5'07'')

Et des essais, il y en a eu. L’équipe du CEDE a apporté un certain nombre d’améliorations afin d’accompagner au mieux l’étudiant dans son processus d’apprentissage. Citons notamment les rajouts matériels d’un prompteur et d’un écran vert (pratiquement le même système que pour la météo), ainsi qu’une 2ème caméra pour créer un plan de profil avec fond noir et des nouveaux micros à pieds enregistrés avec le flux vidéo via une table de mixage professionnelle.


Patrick Jermann (gauche) en compagnie de Gilles Raimond dans le studio MOOCs

« D’un point de vue technique, on arrive bientôt au maximum de ce que l’on peut espérer. Mais il nous reste encore quelques idées sur lesquelles on travaille, comme un concept de capture sur table qui permet d’écrire sur du papier, montrer des objets et faire des animations en stop motion. Le plus important est de traduire efficacement en vidéo la présence des professeurs lorsqu’ils donnent des explications sans forcément les montrer à l’écran tout le temps», précise encore Patrick Jermann.


Production chronophage

La qualité de la production des MOOCs à l’EPFL s’accompagne d’un invité parfois indésirable : le temps. Réaliser un MOOC signifie mettre en ligne 5 vidéos par semaine durant 7 semaines. Une vidéo durant en moyenne 15 minutes, la durée totale d’un MOOC s’élève à une dizaine d’heures. « Pour la réalisation d’un MOOC de A à Z, il faut compter au minimum une semaine à plein temps pour le professeur et plus de 50 heures de montages pour nos collaborateurs » explique Gilles Raimond. Une plus-value pour l’EPFL qui demande un dévouement important de la part des professeurs.


Un exemple à suivre

Ecole Normale Supérieure (ENS) de Lyon, Université de Ulm, Paris X ou encore le groupe IONIS Education, tous sont venus visiter les locaux du CEDE pour en apprendre davantage sur le processus de création d’un MOOC. Production, sélection des MOOCS, délais, coûts ou technique, toutes les facettes du travail des collaborateurs du CEDE ont été disséquées et analysées par des délégations des plus grandes écoles européennes. Pourquoi ? Patrick Jermann conclut sobrement : « Ils sont venus nous voir parce qu’on a 6 mois d’avance ».

Pour découvrir la liste de tous les MOOCS proposés par l’EPFL : moocs.epfl.ch