Croissance organique

© 2012 EPFL

© 2012 EPFL

L'architecture sort de l'atelier pour entrer dans l'informatique, donnant naissance à de nouvelles formes organiques issues des modèles scientifiques du monde du vivant.

En entrant dans le bureau du professeur d'architecture Jeffrey Huang, dans le bâtiment d'informatique, la première chose que vous verrez après les maquettes sur une table tout le long du mur, c'est une table basse carrée au centre de la pièce. Asseyez-vous et cette table se transforme en une interface graphique interactive. Le professeur saisit la planète terre, l'étire, la fait tourner, fait un zoom sur l'hémisphère nord, trouve la maison de ses parents dans la banlieue de Santa Fe, et oui, il y a une voiture dans l'allée. Si ce n'est pas de l'architecture, cette démonstration illustre mieux que les mots la façon dont l'informatique et la technologie changent notre rapport à l'information et à quelle vitesse on repousse les limites du possible avec chaque nouvelle découverte.

Au travers de ses recherches et de son enseignement, le professeur Huang cherche à trouver à cette révolution technologique inéluctable des applications dans le domaine de l'architecture. En effet, cette dernière prend ses racines dans le concept de l'atelier, du modèle maître-apprenti qui date des débuts des beaux-arts, et du dessin et du traçage laborieux confinés à des formes surtout rectangulaires, qui correspondent aux outils traditionnels de conception et de création industrielle. Dans ce cadre, l'informatique ne joue qu'un rôle secondaire pour matérialiser les rendus de projets ou faire quelques calculs. Mais ce que propose le professeur est tout autre chose: une véritable révolution du projet où l'ordinateur joue un rôle essentiel dans la genèse d'une forme inédite de conception architecturale.

Jeffrey Huang explique que l'utilisation de l'informatique au moment du processus de conception fondamental permet d'envisager de nouvelles formes, géométries et structures, qui seraient impossibles à imaginer ou à dessiner à la main. Il s'intéresse tout particulièrement aux formes inspirées de la nature, car elles sont totalement adaptées à des environnements spécifiques, ce qui est souvent crucial en architecture. Mais sa réflexion va au-delà de la construction de bâtiments imitant des formes naturelles. Il s'agit de prendre comme point de départ à la conception de véritables modèles biologiques (tels que, par exemple, la croissance des plantes ou des cristaux, des algorithmes génétiques ou les modes de colonisation des espèces) développés par les spécialistes de ces domaines.

Ces modèles sont ensuite transformés en algorithmes architecturaux capables d'engendrer des structures organiques répondant à des contraintes spécifiques, avec pour résultat des bâtiments qui s'intègrent de façon unique et durable dans leur environnement physique. Comme les plantes, les bâtiments peuvent ainsi être conçus pour optimiser l'inclinaison et la taille de leurs surfaces afin de tirer le meilleur parti des propriétés photovoltaïques, ou encore pour résister à des conditions atmosphériques ou sismiques particulières, tout en répondant aux exigences relatives à l'espace intérieur ou à la circulation.