«Créer ensemble quelque chose que nous ne pourrions créer seuls»
En 2023 et 2024, le professeur de l’EPFL Mark Pauly a accueilli deux artistes dans son laboratoire, leur donnant ainsi l’occasion de s’inspirer de ses recherches, tout en tirant parti de leur créativité. Leurs œuvres seront exposées à l’EPFL Pavilions à partir du 17 octobre.
Lorsque Mark Pauly, responsable du Laboratoire d’informatique géométrique, se rend dans un musée d’art, il y trouve souvent l’inspiration pour un nouveau projet de recherche. «Je veux savoir comment l’artiste a fait cela et s’il existe des principes mathématiques ou géométriques sous-jacents.»
Il n’est donc pas surprenant que Mark Pauly ait voulu inviter des artistes à travailler dans son laboratoire. La première artiste, Alison Martin, a fait une résidence directe au Laboratoire d’informatique géométrique. Elle est arrivée sur le campus au printemps 2023 et a créé el.ba, une exploration sculpturale de formes minimales qui étudie comment une structure souple et un tissu élastique peuvent être agencés dans un équilibre délicat des forces. Elle a aussi travaillé avec Mark Pauly sur le projet BamX! et a co-créé plusieurs pavillons en bambou à Lausanne et à Quito, en Équateur.
Mark Pauly a ensuite choisi Josua Putzke, un artiste berlinois, pour rejoindre son laboratoire début 2024 dans le cadre du programme d’artistes en résidence «Enter the Hyper-Scientific» du Collège des humanités de l’EPFL. Josua Putzke est un créateur qui travaille avec les outils de l'art, du design, de la science et de l'artisanat traditionnel, et qui s'inspire beaucoup du langage universel de la géométrie - ce qui fait de lui et de Pauly une excellente collaboration.
«J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer Alison et Josua», confie Mark Pauly. «C’est le résultat rêvé.»
La collaboration avec Josua Putzke est aussi un hasard. «Je venais de clore un grand chapitre de ma vie après avoir fermé un studio de design qui m’a donné toute mon énergie pendant de nombreuses années», explique l’artiste. « Après avoir réfléchi à la manière de concentrer mon énergie, j’ai décidé de revisiter un projet sur la géométrie qui attendait dans un tiroir depuis ma thèse. Au moment où je m’y suis pleinement engagé, l’appel à candidatures “Enter the Hyper-Scientific” a été publié, puis j’ai reçu l’e-mail de Mark confirmant que mon projet avait été sélectionné. J’ai pris cela comme un signe que c’était le moment de passer au chapitre suivant.»
Enthousiasme et inspiration mutuelle
La résidence de Josua Putzke s’est déroulée sur trois mois, de mars à mai. Durant cette période, il a été intégré au laboratoire de Mark Pauly, partageant l’espace de travail du groupe et des discussions avec les chercheurs et chercheuses, et créant des choses ensemble.
«C’était vraiment formidable de constater l’enthousiasme de Mark pour les thèmes sur lesquels le laboratoire et lui-même travaillent», raconte Josua Putzke. «L’équipe est très motivée et c’était une grande source d’inspiration de voir comment elle aborde les sujets et développe des outils dans ses processus. C’était un privilège d’avoir le temps, le budget, le soutien de l’équipe du laboratoire et les installations nécessaires pour me concentrer sur ce qui me préoccupait depuis longtemps.»
Ce sentiment d’enthousiasme et d’inspiration était réciproque puisque Mark Pauly et son équipe ont commencé à développer de nouveaux domaines de recherche grâce à leur collaboration avec les artistes. Le concept original de Josua Putzke pour son ouevre est issu de sa thèse, dans laquelle il a exploré les systèmes synergétiques modulaires. Il envisageait de créer une «sphère respirante» cinétique et l'utilisation du mouvement dans son travail a également inspiré Mark Pauly et son équipe.
«L’un des nouveaux domaines que nous commençons à étudier de plus près est la composante mouvement elle-même», dit Mark Pauly.
Ils étudient actuellement les propriétés mathématiques des formes polyédriques, dans la lignée des formes introduites par Josua Putzke dans son installation cinétique, et rédigent actuellement un article de conférence qui s’appuie sur sur ces résultats. Leurs recherches portent notamment sur la manière dont la dualité des solides platoniques - tels que le dodécaèdre et l'icosaèdre - peut être réalisée dans un objet qui conserve une structure cohérente et interconnectée tout au long de la transformation d'un état à l'autre.
«Il nous faut maintenant étudier cela sous l’angle des mathématiques et voir si cela se vérifie», explique Mark Pauly. «Et c’est assez intéressant, car ce n’était pas quelque chose que nous recherchions au départ. C’est quelque chose d’important pour moi dans ce type de collaboration avec des artistes. Nous voulons créer ensemble quelque chose qu’aucun d’entre nous ne pourrait réaliser seul. Nous avons donc permis à l’artiste de transcender ses capacités, et nous avons acquis des connaissances que nous n’avions pas auparavant et que nous n’aurions probablement pas pu acquérir par nous-mêmes.»
«Regarder la même chose sous des angles et des directions différents»
L’œuvre que Josua Putzke a créée lors de sa résidence sera exposée du 18 octobre au 9 novembre au Pavillon A, avec une vernissage le 17 octobre. L’exposition Aetherocohdron est une installation cinétique, un imposant polyèdre suspendu dans l’espace, qui se transforme constamment tout en conservant une structure cohérente.
Ils ont nommé cette nouvelle classe de structures géométriques Aetherocohedra, un mot composé de «Aether», «Co» et «Hedra».
«Dans la mythologie grecque ancienne et dans les débuts de la physique, l'éther était considéré comme le cinquième élément, une substance pure et éthérée qui s'entremêle dans le cosmos. ‘Co’ introduit le principe de cohérence dynamique dans la continuité, et ‘Hedra’ fait référence aux polyèdres, comme les solides platoniques», explique Josua Putzke. «Cette synthèse crée un symbole puissant qui englobe la sagesse ancienne, les principes géométriques et les concepts modernes d'interconnexion et de corrélation».
Josua Putzke poursuit: «La science et l’art sont des moyens d’exprimer cela et ont toujours évolué ensemble. L’art s’inspire des découvertes scientifiques, tout comme les artistes prévoient ou pressentent parfois des dynamiques et des développements qui sont ensuite scientifiquement prouvés. Je crois que toutes les sciences et tous les arts, tout comme les chercheuses et chercheurs spirituels et les esprits curieux et ouverts qui travaillent vraiment à donner un sens à tous les aspects de la réalité telle que nous la vivons, regardent essentiellement la même chose sous des angles et des perspectives différents.»
Expositions: Aetherocohedron par Josua Putzke et el.ba par Alison Martin
17 octobre – 9 novembre 2024
Vernissage: 17 octobre, 18h00 – 20h00
Lieu: EPFL Pavilion A