Créer des expériences culturelles pour une société post-pandémique
Un nouveau projet interdisciplinaire, hébergé par le Centre des humanités digitales UNIL-EPFL (dhCenter), tente de développer des outils numériques afin d’aider les musées, les festivals de musique, et les théâtres à poursuivre leurs activités – et même à prospérer – à une époque des restrictions telles que la distanciation sociale.
La pandémie de coronavirus, qui a frappé la Suisse au printemps, a obligé les institutions culturelles à repenser leur programmation estivale, et notamment à décider quels événements devraient être reportés, ou quels événements pourraient être organisés en ligne. Cependant, en raison des problèmes logistiques et de l’incertitude entourant les conséquences de la pandémie, la plupart des événements culturels – tels que le concert Balelec de l’EPFL et le célèbre Montreux Jazz festival – les autorités compétentes avaient complètement annulé ces événements dès la fin avril.
Comme il devient clair que le COVID-19 aurait un impact à plus long terme sur la vie publique de la scène musicale estivale, il est également devenu clair que de nouvelles solutions sociales et technologiques seraient nécessaires afin de permettre aux gens de s’engager dans ces événements culturels, sans risque pour leur santé et celles des autres.
Alexandre Camus, chargé de cours au Collège des Humanités (CDH) et à l’Institut des sciences sociales (ISS) de l’Université de Lausanne (UNIL), estime que les solutions à court et long terme doivent être développées dans le cadre d’une collaboration approfondie entre chercheurs, artistes et institutions culturelles. Pour faciliter ces échanges, Alexandre Camus organise un événement Open Lab les 8, 11, 15, et 18 juin, qui fera guise également de coup d’envoi du nouveau programme UNIL-EPFL d’innovations culturelles qu’il coordonne. Ce programme vise à réunir des chercheurs et des étudiants des sciences sociales et des humanités digitales, ainsi que de l’informatique et de l’ingénierie, et des acteurs des mondes de l’art, de la performance et du patrimoine culturel.
Alexandre Camus, également chef de projet au Centre d’innovation dans les patrimoines culturels de l’EPFL, explique que le programme se concentrera non seulement sur les nouvelles technologies, mais également sur le développement de nouveaux usages pour des technologies préexistantes.
« L’usage est vraiment central en matière d’innovation numérique. De nombreuses possibilités d’améliorations existent sur des technologies déjà connues, qui faciliteraient l’engagement du public ou la présence digitale ».
Il ajoute que les participants au programme exploreront les modèles économiques, ainsi que les modalités d’usage ouvertes et de partage des outils et des plateformes.
Réinventer les arts
Pour Véronique Mauron, qui dirige le programme d’arts et de culture du CDH, de nombreuses expériences et un engagement du public pour la culture à distance nécessiteront plus que des diffusions en direct ou des vidéos YouTube. En effet, elle estime que la distanciation sociale remet profondément en cause la nature de ce qu’est performer.
« L’art c’est le direct; c’est une relation immédiate que des vivants nouent entre eux et avec des objets. L’art qui n’a pas de lieu n’existe pas, et pour l’instant, Internet est un espace et non un lieu », explique Véronique. Mauron. « Créer un lien entre le virtuel et le réel ne consiste pas seulement à inventer de nouveaux outils numériques, mais aussi à reconfigurer les arts de performances ; en agissant sur le virtuel comme sur le réel pour crée de nouvelles connexions. »
Comme l’a rapporté un article récent dans The Guardian, de nouvelles approches pour apporter des expériences culturelles aux gens, plutôt que l’inverse, pourraient être une aubaine pour les personnes âgées ou handicapées. Véronique Mauron ajoute qu’il est essentiel de renforcer les liens entre les mondes de l’art et de la science afin d’achever de telles solutions.
« Plus que jamais, les artistes et les scientifiques peuvent travailler ensemble pour reconstruire une société affaiblie de tous les côtés », exprime-t-elle.
Alexandre Camus estime également que le programme d’innovations culturelles pourrait avoir un impact positif qui va au-delà de l’adaptation à la pandémie de coronavirus. Il précise que les objectifs à long terme du programme incluent la collaboration avec la Vice-présidence pour l’innovation de l’EPFL (VPI) pour incuber certains projets issus de ces discussions et les amener à maturité avec l’aide de plusieurs partenaires, notamment le dhCenter, le ColLaboratoire de l’UNIL, le Centre d’innovation dans les patrimoines culturels, et le programme doctoral en études numériques de swissuniversities. Alexandre Camus ajoute que le Service des affaires culturelles du canton de Vaud a également manifesté son intérêt pour le projet.
« Nous travaillerons ensemble ouvertement à court terme pour relever les défis de cette période intense d’incertitude, mais en fin de compte, nous voulons faire plus que répondre à la crise COVID-19 : nous voulons réfléchir de manière critique sur la façon dont nous pouvons soutenir la transition numérique et créer un avenir durable pour la culture », déclare Alexandre Camus.