Contrôler les propriétés de solides avec des ondes acoustiques

Illustration d’un exciton de TiO2 en interaction avec une onde acoustique cohérente qui se propage. Crédit: Adriel Dominguez (Max Planck Institute, Hambourg)

Illustration d’un exciton de TiO2 en interaction avec une onde acoustique cohérente qui se propage. Crédit: Adriel Dominguez (Max Planck Institute, Hambourg)

Des physiciens de Suisse, d’Allemagne et de France ont découvert que des ondes acoustiques de grande amplitude émises par des impulsions laser ultrarapides permettent la manipulation dynamique de la réponse optique de semiconducteurs.

Un des principaux défis de la recherche en science des matériaux, c’est d’atteindre une accordabilité élevée des propriétés optiques de semiconducteurs à température ambiante. Ces propriétés sont régies par des «excitons», des paires liées d’électrons négatifs et de trous positifs dans un semiconducteur.

Les excitons ont gagné en importance en optoélectronique et, ces dernières années, on a assisté à un essor des recherches visant à contrôler les paramètres (température, pression, champs électrique et magnétique) qui permettent d’ajuster les propriétés excitoniques. Toutefois, des changements modérément importants n’ont été obtenus que dans des conditions d’équilibre et à basse température. Jusqu’à présent, les changements considérables à température ambiante, qui sont importants pour les applications, ont fait défaut.

Le laboratoire de Majed Chergui, de l’EPFL, au sein du Lausanne Centre for Ultrafast Science, y est désormais parvenu, en collaboration avec les groupes de théorie d’Angel Rubio (Max-Planck Institute, Hambourg) et de Pascal Ruello (Université du Mans). Pour la première fois, l’équipe internationale a réussi à contrôler les propriétés excitoniques au moyen d’ondes acoustiques. Leur travail est publié dans Science Advances. Pour y parvenir, les chercheurs ont émis une onde acoustique de grande amplitude à haute fréquence (centaines de gigahertz) dans un matériau à l’aide d’impulsions laser ultrarapides. Cette méthode rend en outre possible la manipulation dynamique des propriétés excitoniques à vitesse élevée.

Ce résultat remarquable a été obtenu sur du dioxyde de titane à température ambiante, un semiconducteur bon marché et abondant utilisé dans une large gamme de technologies de conversion lumière/énergie telles que la photovoltaïque, la photocatalyse et les substrats transparents conducteurs.

«Nos conclusions et la description complète que nous proposons ouvrent des perspectives captivantes pour des applications telles que des dispositifs acousto-optiques bon marché ou une technologie de capteur de contrainte mécanique externe, explique Majed Chergui. L’utilisation d’ondes acoustiques à haute fréquence, telles que celles générées par des impulsions laser ultrarapides, comme moyen de contrôle d’excitons ouvre la voie à une nouvelle ère en excitonique acoustique et en excitonique active, de manière analogue à la plasmonique active, qui exploite l’excitation des plasmons dans des métaux.»

«Ces résultats ne sont que le début de ce qu’on peut étudier en émettant des ondes acoustiques à haute fréquence dans des matériaux, ajoute Edoardo Baldini, auteur principal de l’article, qui est actuellement chercheur postdoctoral au MIT. Nous espérons les utiliser à l’avenir pour contrôler les interactions fondamentales qui régissent le magnétisme ou pour déclencher de nouveaux changements de phases dans des solides complexes.»

Autres contributeurs

  • Université du Pays basque
  • Max Planck Institute for the Structure and Dynamics of Matter
  • Fondation Simons (Institut Flatiron)
  • Unités Mixtes de Recherche du CNRS
Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (NCCR: MUST et R’EQUIP), Conseil européen de la recherche (Advanced Grant DYNAMOX), Horizon 2020

Références

Edoardo Baldini, Adriel Dominguez, Tania Palmieri, Oliviero Cannelli, Angel Rubio, Pascal Ruello, Majed Chergui. Exciton control in a room temperature bulk semiconductor with coherent strain pulses. Science Advances, 29 novembre 2019. DOI: 10.1126/sciadv.aax2937