Construire un bio-capteur à nanotubes

Edward Honein tenant un bio-capteur microfluidique à nanotubes ©Alain Herzog/EPFL

Edward Honein tenant un bio-capteur microfluidique à nanotubes ©Alain Herzog/EPFL

Série d'été: De l'Université américaine de Beyrouth, Edward Honein a rejoint le Laboratoire de Technobiologie de l'EPFL. Son projet d'été, surpervisé par la Prof. Ardemis Boghossian, consiste à développer un bio-capteur à base de nanotubes.

Les bio-capteurs sont des dispositifs capables de détecter des molécules biologiques («analytes») dans l'air, l'eau ou le sang. Ils sont largement utilisés dans le développement de médicaments, les diagnostics médicaux, la recherche biologique, et même la sécurité. Malgré des améliorations constantes, le besoin se fait sentir d'appareils de bio-détection portatifs améliorés, faciles à utiliser pour les médecins comme pour les patients. Le développement de tels dispositifs devrait offrir les moyens d'effectuer un contrôle continu et en temps réel des niveaux de bio-détection, caractéristique importante pour de nombreuses maladies comme le diabète.

C'est ici qu'intervient le projet d'été d'Edward Honein: il développe un bio-capteur optique et micro-fluidique capable de détecter des biomolécules uniques d'une manière ajustable et à haut débit.

Le bio-capteur lui-même est constitué de nanotubes de carbone, qui sont des feuilles de graphènes enroulées. Les nanotubes ont des diamètres aussi faibles qu'un nanomètre et des longueurs atteignant plusieurs centimètres. Leurs propriétés physiques uniques ont ouvert un tout nouveau monde de technologies. L'une de ces propriétés est l'émission de lumière dans le spectre du proche-infrarouge (700-2500 nm de longueur d'onde) lorsqu'on les excite avec un laser.

Le projet de Honein s'inspire des recherches de la Prof. Ardemis Boghossian, qui dirige le laboratoire et combine l'optique des nanotubes et les molécules biologiques pour explorer toute une gamme de ressources émergentes, y compris la bio-détection dans le proche infrarouge. Dans ses recherches, Boghossian a développé des nanotubes enveloppés d'ADN à un seul brin, qui agit comme la véritable molécule détectrice pour l'analyte visé.

«Dans notre application, nous utilisons des nanotubes semi-conducteurs possédant une barrière énergétique spécifique, appelée la «bande interdite», dit Honein. «Lorsqu'on excite les nanotubes avec un laser, un électron est excité par-dessus cette barrière dans la bande de conductance. Finalement, cet électron se relâche, et ce faisant libère un photon – c'est ce que nous voyons comme lumière émise.»

Lorsque l'ADN ou une protéine détecte la présence d'une molécule-cible à proximité d'un nanotube de carbone, l'interaction qui en résulte provoque des changements dans la configuration 3D de l'ADN ou de la protéine, ce qui affecte ensuite les propriétés de surface du nanotube. Ces modifications ont un impact sur la lumière en proche-infrarouge émise par le nanotube, et déclenchent des modifications dans le signal enregistré.

Honein s'applique désormais à simplifier le bio-capteur afin de le rendre modulable pour un usage commercial. Cela implique un énorme travail: d'abord, il faut construire le bio-capteur, puis définir sa sensibilité et sa sélectivité, et enfin l'intégrer dans un dispositif fonctionnel. L'une des possibilités explorées actuellement est d'utiliser des nanotubes enrobés d'ADN immobilisés dans un gel, puis d'incorporer ce gel dans un appareil micro-fluidique.

Le bio-capteur microfluidique ©Alain Herzog/EPFL

«Lorsque vous ajoutez votre analyte, le signal de la lumière émise change – ainsi vous savez que vous avez détecté quelque chose», dit Honein. «Mais selon la manière dont les nanotubes sont répartis dans le gel, l'intensité peut varier d'une expérience à l'autre, ce qui n'est pas cohérent.»

«Nous avons ces capteurs, ils arrivent, ils sont prometteurs, ils peuvent détecter des biomolécules intéressantes, donc ils ont dépassé la validation du concept», dit Boghossian. «Et à ce stade, ce que nous essayons de faire est de les intégrer dans quelque chose d'accessible, et même de portatif, comme un appareil microfluidique.»

Au bout du compte, les limites en termes de design et d'applications des appareils dépend des capacités des nanotubes. Des nanotubes de diamètres différents émettent de la lumière dans différentes longueurs d'onde. «Puisque qu'ils ont des bandes interdites différentes, ils émettent une fluorescence à des longueurs d'ondes différentes», dit Honein. «Vous regardez donc dans cette longueur d'onde lumineuse, et vous savez que vous avez détecté la molécule X, et dans telle autre longueur d'onde, la molécule Y».

En exploitant cette propriété, les capteurs peuvent être conçus de manière à détecter simultanément de multiples molécules en recourant à différentes longueurs d'ondes lumineuses. C'est un avantage particulier lorsque l'on conduit des analyses multianalytes sur des échantillons complexes tels que l'urine, le sérum sanguin, le liquide céphalo-rachidien, et même des fluides opaques comme le sang.



Images à télécharger

©Alain Herzog/EPFL
©Alain Herzog/EPFL
©Alain Herzog/EPFL
©Alain Herzog/EPFL

Partager sur