Comment l'EPFL va valoriser ses émissions de CO2
En soutenant un projet d’envergure de capture, utilisation et stockage du CO2, l’EPFL va réduire son empreinte carbone tout en donnant un coup d’accélérateur à des technologies émergentes.
Un système véritablement durable, c’est un système gagnant sur tous les tableaux, qui mise sur l’économie circulaire, et ce, sur le long terme. Par exemple, un modèle qui permet de réduire les émissions de CO2 en les captant à la source et qui réutilise ce CO2 pour produire des vecteurs d'énergie, des matières premières chimiques pour les produits à valeur ajoutée, des matériaux de construction ou le stocker en sous-sol. Un tel système n’existe pas encore. Mais l’EPFL réunit toutes les compétences pour y parvenir. C’est pourquoi l’Initiative Solutions4Sustainability, mis en place par l’École, soutient en Valais la création d’un démonstrateur et le développement de solutions prêtes à être mises à l’échelle.
Atteindre la neutralité carbone et réduire ainsi le dérèglement climatique passe inévitablement par une réduction du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. L’expansion des énergies renouvelables permettra de diminuer les émissions, mais il convient aussi de «nettoyer» notre atmosphère de toutes les gigatonnes déjà émises. La solution passe par la capture, l’utilisation et le stockage du carbone (en anglais CCUS, carbon capture, utilization and storage). Dans ces trois domaines, les technologies émergent et il est essentiel de leur donner un coup d’accélérateur afin de les rapprocher d’une utilisation industrielle et économiquement viable.
C’est toute l’ambition du projet SusEcoCCUS, visant à créer une économie circulaire et durable pour le CCUS. Concrètement, il s’agit de construire un démonstrateur pilote à l’échelle réelle impliquant différents campus de l’EPFL et capable de capturer et traiter jusqu’à une tonne métrique de CO2 par jour. Lancé l’automne dernier, le projet est soutenu à hauteur de 9 millions de francs sur 6 ans et implique 11 laboratoires répartis sur trois campus de l’EPFL (Valais, Lausanne, Neuchâtel) et dans trois facultés (Sciences de base, ENAC et STI).
D’abord, la capture du CO2. Le principe est de le collecter à la source, en l’occurrence à l’usine d’incinération d’Enevi, à Uvrier, en Valais. C’est cette usine qui dès cette année doit chauffer le bâtiment I17 d’EPFL Valais Wallis à Sion, à travers un chauffage à distance. En contribuant à capturer le CO2 à la sortie des cheminées, l’EPFL réduit ainsi son empreinte carbone, en accord avec sa stratégie Climat et Durabilité 2030. Le procédé de capture mêle deux technologies dans lesquelles l’EPFL est à la pointe : les membranes en graphène qui filtrent le CO2, mises au point par le laboratoire de Kumar Agrawal, et les éponges, développées par la professeure Wendy Queen, capables de retenir les molécules filtrées. Le CO2 sera ensuite traité chimiquement afin d’être stocké sous une forme liquide prompte à une série d’utilisations. Le projet inclut aussi de la recherche pour améliorer les technologies de capture de CO2 directement dans l’air.
Conditions de déploiement à grande échelle
Le deuxième gros volet est celui de la conversion et l’utilisation du dioxyde de carbone. Le groupe de Jan Van Herle est spécialisé dans les procédés d’électrolyse. Alimentés par des énergies renouvelables, les électrolyseurs sont capables de décomposer les molécules d’eau en oxygène et hydrogène. Ainsi produit, l’hydrogène vert combiné à du CO2 permet de produire du gaz de synthèse, tel que le méthane, transportable, stockable et injectable dans le réseau de gaz naturel existant. Un petit démonstrateur s’attachera également à montrer comment on peut utiliser le CO2 pour produire de l’éthylène, un gaz à la base de nombre de matériaux plastiques.
Le troisième volet est celui du stockage. Le laboratoire de mécanique des sols du professeur Lyesse Laloui mène de nombreuses recherches sur l’enfouissement du CO2. Il élaborera un banc d’essai unique de stockage géologique du CO2 à l’échelle d’un mètre afin de tester notamment le stockage à court et à long terme.
Le quatrième et dernier volet, et non des moindres, aborde la question de l’intégration de ces technologies dans les processus de production et les analyses de cycle de vie. Le laboratoire de François Maréchal en collaboration avec celui de Marina Micari étudieront par exemple les conditions du déploiement à grande échelle de ces technologies dans le cadre de la transition énergétique. Sascha Nick du Laboratoire d’économie environnementale et urbaine se penchera sur les aspects économiques et financiers de la CCUS. Enfin, le projet inclut un côté éducatif, impliquant directement les étudiants et étudiantes dans les processus d’expérimentation.