Comment habiter à la sortie du logement étudiant?
Pour sa thèse de doctorat en architecture, Fiona del Puppo s’est penchée sur les difficultés des jeunes à se loger après leurs études. Elle détaille ses observations dans une chronique parue dans trois quotidiens romands.
L’habitat reflète de nombreuses transformations de société. Dans le cadre de ma thèse de doctorat menée à l’EPFL au sein du Laboratoire de Sociologie Urbaine, je me suis penchée sur la manière dont les logements s’adaptent à ces évolutions. A partir d’entretiens menés auprès de jeunes adultes résidant à Genève, ma recherche montre que la fin des études soulève des difficultés inédites en termes de logement, et que l’incertitude liée à cette période de transition a tendance à se prolonger à l’âge adulte.
Les difficultés des étudiantes et étudiants à se loger sont bien connues. Cependant, celles et ceux qui parviennent à obtenir un logement étudiant satisfaisant bénéficient d’une stabilité qui se voit ébranlée à la fin de leur formation. Ce changement de statut, souvent synonyme d’un congé du logement étudiant, est source d’inquiétude. Celle-ci est particulièrement lisible à travers les stratégies mises en place: parmi les jeunes adultes rencontrés, certaines et certains font le choix de prolonger leurs études, de privilégier un stage à un emploi pérenne, voire de demander un salaire moindre pour la même charge de travail, de manière à conserver le droit de demeurer dans leur logement.
Situations précaires et insatisfaisantes
Ces observations font écho aux réelles difficultés rencontrées sur le marché du logement conventionnel. Malgré leur diplôme, les jeunes rencontrés peinent également à fournir les garanties exigées par les régies, ou ne peuvent pas s’appuyer sur leur réseau de connaissances, souvent décisif pour accéder à la location à Genève. Par conséquent, beaucoup se tournent vers la sous-location. Même si cette option offre une flexibilité bienvenue au début d’une carrière, ces situations se révèlent souvent précaires. Les sous-locataires ont peu de recours face aux conditions imposées par les locataires, que cela soit en termes de durée de séjour, d’organisation de la vie quotidienne ou de l’espace habité. C’est d’autant plus vrai dans le cadre d’un accord de sous-location informel. Cette solution ne leur permet finalement ni de s’approprier leur espace ni de s’y projeter.
Ces expériences résidentielles précaires font subir aux jeunes adultes l’incertitude face à l’avenir à travers leurs conditions de logement
Alternatives explorées collectivement
Certains jeunes adultes rencontrés dans le cadre de cette recherche contournent les difficultés du marché en se mobilisant collectivement ou en se constituant en coopérative. Cela demande cependant des ressources significatives qui ne sont pas accessibles à tout le monde: du temps, un réseau social dense, des compétences administratives, et même un savoir-faire architectural, quand il s’agit de réhabiliter des espaces vacants en logements. Même si elles offrent plus d’autonomie aux jeunes dans leur habitat, ces solutions restent souvent transitoires.
La thèse met ainsi en lumière des expériences résidentielles qui sont souvent invisibilisées par leur informalité même, et qui traduisent pourtant de réelles difficultés, faisant subir aux jeunes adultes l’incertitude face à l’avenir à travers leurs conditions de logement.
Fiona del Puppo, doctorante, Laboratoire de sociologie urbaine (LASUR), EPFL
- Cette chronique est parue en décembre 2024 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître auprès du grand public la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction.
Fiona Del Puppo, "Passing through home : a renewed domesticity theory based on young middling migrants coliving or housesharing in Geneva and London", Dir. Luca Pattaroni (LASUR EPFL) & co-dir. Garance Clément (Morgan Centre, University of Manchester), 2024.