Chelsea Manning et Carmela Troncoso parlent de vie privée à l'EPFL

Chelsea Manning © Chelsea Manning

Chelsea Manning © Chelsea Manning

Chelsea Manning, ex-analyste du renseignement de l’armée américaine, et Carmela Troncoso, professeure à l’EPFL, a discuté lundi sur le campus de la vie privée et de la sécurité des données pour le bien commun, dans le cadre d’un débat public diffusé en direct.

Nous vivons dans un monde de big tech et de big data. La tendance est encore plus manifeste depuis le début de la pandémie de COVID-19. Presque tous les aspects de notre vie interagissent d’une manière ou d’une autre avec le monde numérique. Il est donc de plus en plus important de discuter de l’usage et de la confidentialité de nos données personnelles.

Chelsea Manning, militante américaine connue pour la divulgation de 75 000 documents sensibles à propos de la seconde guerre en Irak, et la professeure assistante Carmela Troncoso de la faculté Informatique et communication de l’EPFL, nommée en 2020 parmi les principaux jeunes leaders mondiaux de la tech par le magazine Fortune, sont toutes deux passionnées par les questions de confidentialité des données.

Chelsea Manning travaille actuellement pour la startup basée en Suisse Nym Technologies, comme conseillère en optimisation hardware et en sécurité. L’entreprise protège les données avec ce qu’elle appelle un « cryptographic shroud » — une enveloppe cryptographique, appelée aussi mixnet. Chelsea Manning étudie comment améliorer la vitesse et l’efficacité des systèmes de protection de la vie privée du côté hardware.

« La confidentialité est violée à tout bout de champs par divers acteurs et approches ou méthodes de surveillance et de contrôle, explique-t-elle. Les gens commencent à être fatigués d’apprendre que leur vie privée est transgressée, et je pense qu’à long terme cela aura un impact sur la santé. Les gens sont plus épuisés que jamais, ils ont le sentiment de devoir travailler plus que jamais, parce qu’ils sont constamment sous surveillance. »

Carmela Troncoso qui a dirigé la conception de DP-3T, un protocole de traçage de proximité garantissant le respect de la vie privée, s’accorde avec Chelsea Manning. « Les données, c’est le nouvel or noir. Tout comme avec le pétrole, nous assistons à une décadence de la révolution des données, à cause de tous les problèmes qui découlent des technologies axées sur ces données. Les défis techniques et sociaux [autour de la protection de la confidentialité dans les systèmes IT] me valent parfois des nuits sans sommeil. »

Chelsea Manning et Carmela Troncoso travaillent toutes deux à la décentralisation des données, qui évite de laisser à un seul groupe l’accès et le contrôle exclusif de l’information. C’est important pour le bien commun, estime Chelsea Manning. Certaines données sont de l’ordre du bien public, mais je pense que d’autres sont inutiles et certaines sont même dangereuses. Le problème, c’est comment on les utilise, qui les utilise, et dans quelle intention. »

Au bénéfice d’une formation militaire, Chelsea Manning observe également l’invasion russe de l’Ukraine avec attention — tout particulièrement le rôle des données et de l’internet. Le conflit a été décrit comme le premier à introduire une nouvelle ligne de front, celle du monde numérique, mais Chelsea Manning réagit : « Je ne suis pas tout à fait d’accord sur ce point. J’ai bien sûr une formation militaire, avec un entraînement spécifique à la guerre conventionnelle moderne. J’ai été formée en 2007 pour ce problème particulier, à savoir une invasion russe de l’Europe, une invasion terrestre. Je pense que ce n’est pas le premier exemple de “combat de l’information” auquel nous faisons face — nous avons vu cela en Irak et en Afghanistan. Mais ce qui a été significatif, à mon sens, c’était le volume brut de désinformation auquel nous avons été soumis pendant la période précédant l’invasion, et les 12 à 14 heures suivantes. »

Chelsea Manning vient en Suisse avec le soutien de Tech4Trust, l’un des programmes de Trust Valley, une initiative conjointe des Cantons de Vaud et de Genève, du monde académique et des entrepreneurs suisses des multinationales actives dans les domaines de la confiance numérique et de la cybersécurité.

Carmela Troncoso et Chelsea Manningdébattront à propos du futur des données, et comment civils et journalistes peuvent continuer à communiquer en sécurité dans les zones de conflit. Lancée par C4DT, l’EPFL et Trust Valley, la discussion se tiendra le lundi 7 mars 2022 à 17 h 30 au Rolex Learning Center.

Plus d’information sur cet événement:https://memento.epfl.ch/event/campus-lecture-with-chelsea-manning/

Liens pour suivre la conférence en streaming:https://www.youtube.com/watch?v=PhOk3vVa6zE

Merci de vous enregistrer (gratuitement) pour participer à l’événement en présentiel: https://trustvalley.swiss/events/future-privacy-data-public-goods