Cancer : la peau de banane révèle les stades du mélanome

© 2016 Thinkstock

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La peau humaine et celle de la banane ont un point commun : elles vont produire la même enzyme lorsqu’elles sont agressées. C’est en étudiant les fruits que des chercheurs ont développé un outil permettant de diagnostiquer précisément le stade du cancer.


En vieillissant, les bananes se couvrent de taches noires causées par la présence d’une enzyme, la tyrosinase. Il s’agit d’un processus naturel de brunissement de certains organismes, comme la nourriture. Cette même enzyme joue également un rôle dans le cancer de la peau de type mélanome. Les taches caractéristiques de la tumeur sont le fait d’un dysfonctionnement dans la régulation de l’enzyme tyrosinase. Elle est responsable de la perturbation de la pigmentation par la mélanine - protection naturelle de la peau humaine contre le rayonnement solaire. La chimiste Tzu-En Lin a profité de cette analogie, entre la présence de tyrosinase dans les fruits mûrs et le mélanome humain, pour développer une technique d’imagerie permettant de mesurer la présence de tyrosinase et sa distribution dans la peau.



Les recherches ont été effectuées d’abord sur des fruits mûrs, puis sur des échantillons de tissus cancéreux. Elles ont prouvé que le niveau de présence et la distribution de l’enzyme tyrosinase renseigne sur le stade de la maladie. En effet, au stade 1 elle apparaît peu, au stade 2 elle est présente en grande quantité et de façon homogène. Au stade 3, elle est distribuée de façon hétérogène. L’équipe, menée par Hubert Girault au Laboratoire d’électrochimie physique et analytique à Sion (EPFL Valais/Wallis), a découvert que cette enzyme est un marqueur fiable du développement des mélanomes.

«Les taches sur la peau humaine ou d’une banane ont à peu près la même taille. Travailler sur les fruits nous a permis de mettre au point un outil de diagnostic que nous avons pu tester avant de le faire sur des biopsies humaines», explique-t-il.

Les scientifiques ont développé un scanner doté de 8 microélectrodes, alignées comme les dents d’un peigne et souples comme les doigts d’une main. Ces minuscules capteurs peuvent se promener sur la surface inégale de la peau sans l’endommager, et mesurer la réponse électrochimique des quelques millimètres carrés de la zone balayée. Les électrodes calculent la quantité et la distribution de l’enzyme tyrosinase. De cette façon, les chercheurs sont capables de prédire jusqu'à quel stade s’est développé le mélanome. Un système qui pourrait éviter de procéder à des tests invasifs comme une biopsie.

La prochaine étape sera d’utiliser ce même scanner afin de visualiser les tumeurs et les éliminer. «Nos premiers essais en laboratoire nous ont montré que les cellules pouvaient être détruites à l’aide de notre outil», conclut Hubert Girault.

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Cette recherche a été menée dans un laboratoire de l’EPFL Valais/Wallis, antenne valaisanne du campus étendu.
Le résultat a été publié dans Angewandte Chemie.
Tzu-En Lin, Alexandra Bodarenko, Andreas Lesch, Horst Pick, Fernando Cortés- Salazar, Hubert H. Girault.