«Ça me donne de l'espoir d'avoir 18 ans aujourd'hui»

Dans 20 ans? « J’aimerais avoir créé quelque chose moi-même.» © Alain Herzog/ EPFL

Dans 20 ans? « J’aimerais avoir créé quelque chose moi-même.» © Alain Herzog/ EPFL

Natacha Romanens poursuit à l’EPFL sa troisième année d’apprentissage de laborante en physique au Laboratoire de mécanique des sols.

Le bureau de Natacha Romanens se situe dans un immense atelier, au sous-sol du bâtiment de Génie civil de l’EPFL. Partout des machines et des outils complexes dont il est difficile pour des profanes d’en imaginer l’usage. Plusieurs sont en fait des instruments de torture… pour des sols. « Ici, on prend des sols et on les soumet à différents traitements pour voir comment ils réagissent », résume la jeune fille, en troisième année d’apprentissage de laborante en physique au Laboratoire de mécanique des sols. Un choix professionnel qu’elle ne regrette pas une seconde.

« J’ai toujours été attirée par beaucoup de choses et aucune voie évidente ne s’est imposée. » Seule certitude après l’école obligatoire : elle n’empruntera pas l’autoroute vers le gymnase. « Le côté pratique me manquait à l’école ; alors j’ai cherché autre chose et j’ai découvert laborant en physique. Je n’ai postulé qu’à une seule place, ici à l’EPFL. J’ai été prise. Ça m’a tout de suite plu et je ne suis pas du tout déçu ! »

Carottes et saucissons

En général, les « clients » apportent leur sol au Laboratoire de mécanique des sols (LMS). On ne parle pas ici d’une benne de terre occupée par des vers et clairsemée de cailloux. Mais plutôt d’un sac d’une dizaine ou vingtaine de kilos de poudre plus ou moins grise, de glaise plus ou moins grasse, de roche plus ou moins compacte. Les échantillons peuvent aussi arriver sous forme de carotte qui, pour les besoins des tests, finissent en saucisson.

« Le processus de caractérisation des sols est très normé », explique Natacha. Certains tests visent à les caractériser, d’autres à les éprouver. Par exemple, on les compresse avec des tonnes de poids, on les regorge d’eau, on les gèle bien au-dessous de zéro. Natacha aide ainsi les doctorants à (mal)mener leurs objets de recherche. Étant donné le matériel de pointe dont dispose le laboratoire, il travaille également pour des clients externes, souvent des bureaux d’ingénieurs qui souhaitent connaître la nature d’un sol sur lequel ils vont ériger un bâtiment, une voie de chemin de fer ou un pont.

Mêmes bases, avec des spécialisations

« Chaque essai a sa propre physique et sa propre théorie, ce qui rend le travail très varié. Je ne fais jamais deux fois de suite la même chose, assure-t-elle. En outre, chaque sol étant différent, il faut savoir comment le travailler. Certains essais nécessitent une heure et demie de travail continu, tandis que d’autres se déroulent sur quatre jours, mais ne requièrent aucune intervention durant leur déroulement. C’est par exemple le cas quand on gèle et dégèle plusieurs fois un sol. »

Parallèlement aux trois jours qu’elle passe au LMS avec son unique collègue et superviseur, Patrick, Natacha suit des cours à Lausanne. Ils sont huit en tout en Suisse romande, elles sont trois. C’est là qu’elle mesure toute la diversité de la profession de laborant en physique : « Personne ne fait la même chose : un fait des cristaux, un autre de l’électronique, une autre des contrôles de soudure. Les cours complètent bien le travail en entreprise ou laboratoire et l’on finit tous avec les mêmes bases de physique et des domaines de spécialisation. »

Une vraie envie de se lever le matin

Entrer à 16 ans dans le monde du travail lui a appris la persévérance face à l’échec. « À l’école obligatoire, quand on ne réussit pas dans une branche, on peut se rattraper avec les autres, détaille-t-elle. Au laboratoire, il faut persévérer jusqu’à ce que l’essai réussisse. » Contrairement à celles et ceux qui ont pris l’autoroute gymnasiale, faute savoir quoi faire d’autre, Natacha a aussi découvert l’envie d’être là, au labo, même s’il faut quitter sa campagne fribourgeoise tôt le matin.

Qu’est-ce que ça fait d’avoir 18 ans aujourd’hui ? « Oui, j’aime bien, j’ai l’impression d’être la génération qui va changer les choses. Ça me donne de l’espoir d’avoir 18 ans aujourd’hui. Je partage les combats pour l’écologie et l’égalité et avoir 18 ans aujourd’hui, c’est pouvoir y participer. » Elle apprécie d’autant de se trouver dans l’environnement engagé de l’EPFL.

Dans un peu plus d’un an, Natacha aura terminé sa formation, un CFC couplé d’une maturité professionnelle. La première porte qu’elle souhaite ouvrir est celle… de l’armée. « J’ai toujours été motivée à faire mon armée. J’y vois un aspect d’égalité, ce n’est juste que seuls les hommes la fassent. C’est aussi une occasion de pousser mes limites, de déconnecter, de marcher dans la montagne en choisissant l’infanterie. » Et après ? « Je suis très intéressée par beaucoup de choses… » Et dans 20 ans ? « J’aimerais avoir créé quelque chose moi-même. Je ne sais pas encore quoi (écrire un livre ? Créer une entreprise ?…), mais j’aimerais pouvoir dire, avec mes compétences, mes qualités, mes défauts, j’ai pu réaliser ce projet et il servira aux générations futures. »