«C'est un pays très accueillant et toujours en reconstruction»
Aline Bönzli et Caroline Heitmann sont parties en Croatie afin d’aider à évaluer deux bâtiments touchés par le séisme dévastateur de décembre 2020.
C’était en pleine période de confinement, juste après Noël, le 29 décembre 2020 un séisme d’une magnitude de 6,4 dévastait le centre de la Croatie et frappait durement la ville de Petrinja. Aujourd’hui encore, les travaux de réhabilitation, de consolidation ou de reconstruction sont toujours en cours.
Aline Bönzli et Caroline Heitmann, en 2ème année de master en génie civil, ont choisi de se rendre une semaine en Croatie afin d’amorcer leur projet de master qui débutera en septembre et s’achèvera cet hiver. Elles vont suivre deux projets distincts de réhabilitation de bâtiments, encadrées par Igor Tomic, post-doctorant au Laboratoire de génie parasismique et dynamique des structures, dirigé par la professeure Katrin Beyer. «Nous nous sommes activement impliqués, Katrin Bayer et moi-même, depuis les tremblements de terre en 2020, explique Igor. D'abord comme conseillers, puis en tant que consultants pour les analyses statiques-dynamiques de la cathédrale de Zagreb, par exemple. Nous avons tissé des liens de coopération qui ont permis aux deux étudiantes de partir en Croatie.»
Aline avait envie d’un projet appliqué. Travailler sur l’état post sismique d'une maison paroissiale située à Petrinja l’a tout de suite séduite. « Mon père est architecte, j’ai donc grandi avec quelqu’un qui était souvent sur des chantiers. Cela m’a beaucoup plu, même si le côté esthétique de l’architecture n’est pas ce que je préfère.»
Caroline, elle, se concentre sur l'évaluation des mécanismes de défaillance et proposera des solutions de rénovation d'une église historique, l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, située à Pokupsko, à quelques kilomètres de là. Son objectif principal sera de déterminer comment l'ancien bâtiment peut être restauré. «Du point de vue de la durabilité, je pense qu'il est important de travailler sur des structures existantes», déclare-t-elle. «Je m'intéresse également à l'architecture, c'est donc une excellente occasion de faire quelque chose qui couvre les deux disciplines.»
Les deux étudiantes commencent leur périple à Zagreb, un dimanche de Pâques. «Nous avons profité des fêtes pour visiter la ville puis nous sommes parties à Petrinja, où se trouve le bâtiment sur lequel je travaille. Le loueur de voitures nous a demandé ce que nous pouvions bien aller faire dans un lieu si perdu», sourit Aline. En effet, le centre du pays n’est pas touristique, c’est une région rurale. «En tant qu’Américaine, explique Caroline, la découverte d’une région et d’une architecture différente de la mienne présentait un réel intérêt. J’ai été touchée par l’accueil très chaleureux des habitants.» Les jeunes ingénieures ont en revanche été surprises par l’ampleur des dégâts, toujours visibles, plus de 2 ans après le séisme, car chaque immeuble est fissuré ou en reconstruction. Manquant de moyens, les gens ont appris à s’adapter.
Rempli du sol au plafond
La maison paroissiale à Petrinja est l’exemple parfait du système D. Si la cure n’est plus habitable, car fragilisée par le séisme, les habitante et habitants de la communauté ecclésiastique l’ont convertie en entrepôt. Aline doit composer avec des meubles déposés dans toutes les pièces, parfois du sol au plafond. «Pour ce projet, tout était à faire. Je me suis demandé comment j’allais m’y prendre pour mesurer les murs, créer les plans et photographier les lieux afin de documenter les dommages, les fissures et modéliser le bâtiment.» À terme, Aline devra pouvoir calculer les forces qui ont été présentes pendant le séisme, comprendre comment ces dommages se sont passés et de quelle manière renforcer le bâtiment pour le sauver, afin qu’il résiste lors de prochains tremblements de terre.
Guerre et tremblements de terre
À 40 km de Petrinja, Caroline découvre l’église meurtrie de Pokupsko, également connue sous le nom d'église Saint-Ladislas, son saint patron. Construite entre 1736 et 1739, l'église n’en est pas à ses premières affres. Endommagée lors du tremblement de terre de 1909, d'une magnitude de 6,0 sur l'échelle de Richter, elle a été réhabilitée puis considérablement abîmée en 1991, lors d'une attaque d'artillerie serbe pendant la guerre d'indépendance croate. Le tremblement de terre de décembre 2020 l’a ébranlée, une fois encore, jusqu’à ses fondations. «La population locale a un fort attachement émotionnel à l'église. En conséquence, il est important de pouvoir reconstruire la structure en toute sécurité et de la restaurer», conclut Caroline.
Depuis le tremblement de terre, une société d'ingénierie locale, Studio Arhing, a pris les choses en main et a commencé à analyser le bâtiment, les dégâts causés aux murs et aux plafonds, l'état de la structure du toit en bois et effectué des tests thermographiques. Le rôle de Caroline sera de faire son propre diagnostic. «C’est une structure très particulière avec beaucoup de murs et des voutes. Je dois faire plusieurs études afin de comprendre comment elle a été endommagée, comment elle pourrait s’effondrer et comment la structure va se comporter. Je suis aussi très bien soutenue par l’équipe d’ingénieurs croates qui travaille à la réhabilitation de l’église. Pour moi, cette expérience me permet de voir les types de défis que je serai susceptible de rencontrer dans ma carrière.»