Aventure scientifique et humaine en Arctique
Trois semaines dans le cercle polaire russe pour étudier les effets du changement climatique: vingt-trois étudiants de l’EPFL, de l’UNIL et de l’UNIGE ont récemment pu faire cette expérience unique en son genre, certains à bord d’un bateau, d’autres dans une station de recherche.
«J’ai attrapé le virus! J’aimerais être amené à faire d’autres expéditions, en Arctique comme en Antarctique.» «Ce voyage extraordinaire a confirmé mon envie de travailler dans le domaine de l’océanographie.» Jocelyn Roth et Amélie Séchaud font tous deux leur master à l’EPFL. Avec d’autres étudiants suisses, ils ont vécu un été exceptionnel, qui pourrait même s’avérer décisif pour leur avenir professionel. En juillet, ils ont pris le chemin du grand Nord russe. De là, ils ont embarqué à bord d’un bateau polaire, le Professor Molchanov, pour une expédition scientifique de trois semaines dans le cercle polaire, à moins de mille kilomètres du pôle.
En tout, une vingtaine d’étudiants issus de l’EPFL, des Universités de Genève et de Lausanne ainsi que plusieurs scientifiques russes, ont participé à ce projet. Appelé Arctic Floating University, il a été organisé grâce à un partenariat inédit entre ces trois institutions, l’Université d’Arkhangelsk et le programme Geneva Global.
Les six étudiants EPFL embarqués à bord du navire polaire Professor Molchanov, de gauche à droite: Solange Leblois, Jocelyn Roth, Amélie Séchaud, Mélanie Gaillet-Tournier, Alexia Rousseau, Eric Sauvageat. ©A. Rousseau
«L’idée de cette expédition est d’offrir à ces étudiants l’opportunité de vivre une expérience globale, ainsi que de porter un autre regard sur une région spécifique du monde et sur sa culture», relève Eric Hoesli, professeur à l’EPFL, spécialiste de la Russie et l’un des organisateurs de l’expédition. Etudier les impacts du changement climatique dans cette zone particulièrement vulnérable de la planète était le fil rouge du projet. Les étudiants étaient divisés en deux groupes. L’un a fait le trajet en bateau, l’autre a séjourné dans une station de recherche russe sur l’île de Samoïlov, dans le delta du fleuve Lena.
Multidisciplinaire
Réalisé dans le cadre du Mineur Science, Technology and Area studies (STAS) du Collège des Humanités de l’EPFL, ce voyage était l’aboutissement d’une année de travail. Avant de rejoindre le grand Nord, les participants ont suivi deux semestres de cours sur la Russie et sur la problématique environnementale de l’Arctique. Une fois à bord ou en station, ils ont mené leur propres recherches ou participé au prélévement et à l’analyse d’échantillons pour celles des scientifiques russes. Tous les matins, ils suivaient également des cours touchant de nombreuses disciplines, telles que la géopolitique, le droit international, la géographie, les sciences sociales, la météorologie, l’océanographie, la biologie, la géologie, la glaciologie, l’ornithologie, la zoologie.
«Nous avons appris plein de choses, des plus théoriques aux plus concrètes, comme le maniement de certains instruments», relève Amélie Séchaud, étudiante en section d’environnement. «C’était très enrichissant, ajoute Jocelyn Roth, étudiant en génie chimique et biotechnologie. Non seulement pour les connaissances dispensées, qui nous ont offert une vision complète de cette région, mais aussi pour tous les échanges que ce voyage a rendus possibles, tant avec les autres étudiants qu’avec les participants russes».
Premier albatros
L’expédition a de plus permis de faire de véritables trouvailles scientifiques, notamment en matière de géologie et d’ornithologie. Un albatros photographié par un étudiant lors de travaux systématiques d'observation pourrait bien être le premier de son espèce jamais observé au Nord du cercle polaire. D’autre part, certains prélèvements réalisés sur l'archipel François-Joseph par les pédologues semblent témoigner d’un accroissement notable de matériaux organiques en profondeur, accréditant l’hypothèse d’une modification de nature des sols, passant du désert polaire à une toundra. La présence d’une espèce de moustique jamais recensée à une telle latitude a aussi surpris les zoologues. Si elles sont confirmées, ces observations seront autant d’indications d’un changement climatique notable dans ce secteur de l’Arctique.
Les étudiants de l’EPFL ont plus spécifiquement étudié la question des échanges de CO2 entre l’atmosphère et la mer. Jocelyn Roth et Amélie Séchaud étaient également impliqué dans un second projet consistant à mesurer la biomasse du zooplancton entre la ville d’Arkhangelsk et l’archipel François-Joseph. «Les bouleversements physio-chimiques ont un effet direct sur la chaîne alimentaire aquatique, explique Jocelyn. Or, le zooplancton, qui y occupe la deuxième place, y tient un rôle important. Si sa diversité et sa quantité viennent à changer, cela a des conséquences sur l’ensemble de la chaîne.»
Amélie Séchaud et Jocelyn Roth analysent les données sur la biomasse du zooplancton.
Suite au succès de cette première édition, l’expérience arctique sera reconduite en 2018. Une nouvelle volée aura donc l’occasion de faire ses expériences dans cet environnement particulièrement inaccessible.
Article réalisé en collaboration avec Garance Aymon, Jeremy Stanning et Luca Serafin, de l'Université de Genève.