« Avec une start-up, tout peut arriver, même après huit ans »

Raphaël Gindrat, alumni de l'EPFL et CEO de Nuavo © 2025 Alain Herzog

Raphaël Gindrat, alumni de l'EPFL et CEO de Nuavo © 2025 Alain Herzog

À peine son Master en poche, Raphaël Gindrat cofonde la start-up Bestmile en 2014, dont le covid et la conjoncture ont eu raison en 2021. Fort de toutes les compétences acquises dans l’aventure, il crée en 2024 une nouvelle entreprise active dans l’acquisition et l’aide au développement de PME.

Certaines start-up naissent presque par hasard, émergeant d’un mélange d’opportunité, de savoir-faire et d’enthousiasme. Bestmile, spécialisée dans l’orchestration de flotte de véhicules en temps réel, était de celles-là. « J’ai toujours été très actif dans diverses associations durant mon parcours à l’EPFL, notamment comme président de l’AGEPoly. Professionnellement, j’avais envie de faire quelque chose de différent, mais la création d’une start-up n’était pas mon premier objectif », se souvient Raphaël Gindrat. En 2014, l’École était impliquée dans deux projets européens autour des véhicules autonomes. « Personne ne se focalisait sur la gestion de flotte. Nous avons eu l’idée de créer une plateforme qui s’en occupe ». Bien décidés, avec sa collègue Anne Mellano, à profiter de cette avance sur le marché, ils créent leur start-up.

L’entreprise visionnaire se développe rapidement et entre dans le groupe restreint des scale-up, ces start-up à forte croissance. Elle remporte de multiples prix, signe des contrats à l'étranger, notamment en Angleterre, en France, en République tchèque ou encore aux États-Unis, tout en concluant d’importantes levées de fonds. En 2019, un investissement de 16,5 millions de dollars pouvait lui permettre de voir l’avenir avec optimisme. Mais en 2020 le covid a frappé : les déplacements ont cessé, les entreprises de transport ont ralenti leurs activités. Tous les plus gros contrats tombent à l’eau. « Nous nous sommes battus jusqu’au bout pour trouver des solutions », se souvient l’alumni. Le processus dure plus de neuf mois.

En dernier recours, les cofondateurs cherchent un acquéreur. « De nombreux acteurs du domaine se montrent intéressés. Mais la crise sanitaire avait gelé les grands projets, rendant impossible toute décision rapide. Au printemps 2021, un acquéreur se dégage avec une offre très attractive, mais il se retire la veille de la signature ». La faillite de l’entreprise ne peut alors être évitée. « Nous avions un grand sentiment de gâchis, cette période a été très dure », déplore l’entrepreneur. Lorsqu’il regarde la situation avec dix ans de recul, pourtant, c’est avec un sentiment de devoir accompli. « L’industrie des véhicules autonomes ne s’est pas développée aussi vite que prévu, mais si nous devions reprendre la décision dans le contexte de l’époque, c’était la bonne opportunité et le bon moment pour lancer la société ».

Il y a un gros potentiel d’innovation sous-exploité, car les détentrices et détenteurs d’un Master sont le plus souvent embauchés par de grosses structures, alors que deux tiers de l’économie suisse sont constitués de PME

Raphaël Gindrat, CEO de Nuavo

Booster des entreprises rentables

Raphaël Gindrat se relève rapidement de ce cataclysme. Dix ans à penser stratégie financière et technologique, à engager et gérer une équipe, à parer aux urgences sous-jacentes à toute jeune entreprise, c’est acquérir une multitude de compétences par la pratique. « Alors que le cœur de l’entreprise était basé sur la programmation, aucun des cofondateurs n’était issu du domaine. Cela nous a obligés à monter rapidement une équipe, et à nous concentrer sur la stratégie, les relations commerciales, ou encore les levées de fonds ». Une situation peu commune pour une entreprise de deeptech où les nouveaux entrepreneurs sont très souvent passionnés par la technologie qu’ils développent eux-mêmes et embauchent des personnes pour s’occuper de la partie commerciale.

Suite à cette expérience, il explore de nouvelles opportunités. Cependant, il se rend rapidement compte que ses compétences acquises en dehors des sentiers battus et non validées par un diplôme peinent à rentrer dans les cases définies par les employeurs. « Les postes sont en général prévus pour des spécialistes dans un domaine précis, par exemple en ressources humaines, en finance, ou encore en stratégie. Je suis plus polyvalent, mais moins spécialiste. Il n’y a jamais de description de poste qui colle avec mon expérience. L’alternative est donc de « créer son job » en proposant ses compétences aux potentiels employeurs ». Mais l’alumni, indépendant dans l’âme, préfère reprendre son envol en créant une nouvelle entreprise. Peu enclin à revivre les risques inhérents au démarrage d’une start-up, il décide de les contourner en apportant son expérience à des sociétés rentables dont les produits sont déjà commercialisés.

« Avec mes cofondateurs, dont un était d’ailleurs le premier investisseur de Bestmile, nous achetons et nous occupons de PME rentables qui ont encore un fort potentiel de développement ». Fondée il y a un an, Nuavo vient d’acquérir sa première entreprise. « Notre objectif vise le long terme. L’idée est de soutenir la direction qui est en place avec une nouvelle dynamique, de nouvelles idées et de travailler main dans la main afin de les amener encore plus loin ».

Rendre les PME plus attractives pour les nouveaux diplômés

À moyen terme, l’objectif de cette nouvelle société est également de rendre les petites entreprises plus attractives pour les nouveaux diplômés des hautes écoles. « Il y a un gros potentiel d’innovation sous-exploité, car les détentrices et détenteurs d’un Master sont le plus souvent embauchés par de grosses structures, alors que deux tiers de l’économie suisse sont constitués de PME », estime l’entrepreneur, qui souligne que les opportunités sont souvent méconnues, car les petites et moyennes entreprises investissent leurs forces ailleurs que dans leur mise en valeur auprès des jeunes diplômés. Nuavo compte s’attaquer à ce problème en faisant des PME un choix de carrière attirant pour les jeunes alumni.