Avec Health EU, chacun aura un avatar pour gérer sa santé

©Health EU

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Chaque individu aura-t-il à l’avenir un double virtuel pour assurer son suivi médical? C’est ce que propose Health EU. Mené par un consortium dont l’EPFL est à la tête, ce projet d’envergure est candidat au FET Flagship de l’Union européenne. A la clé, un financement d’un milliard d’euros sur 10 ans.

Et si chacun disposait de son avatar médical, un double de lui-même sous forme virtuelle, qui réunirait toutes les données personnalisées nécessaires pour mieux gérer sa santé et se soigner plus efficacement en cas de maladie? C’est l’idée audacieuse que propose Health EU - Human avatars to prevent and cure diseases. Ce projet international, mené par un consortium* dont l’EPFL est à la tête en co-coordination avec l’Institute for human Organ and Disease Model Technologies basé en Hollande, s’est récemment porté candidat à l’obtention d’un FET Flagship. Ce prestigieux programme multidisciplinaire de recherche de l’Union européenne offre un financement d’un milliard d’euros sur 10 ans.

«Ce que nous proposons est une manière totalement révolutionnaire de traiter les questions de santé», explique Adrian Ionescu, professeur de nanoélectronique à l’EPFL et l’un des initiateurs du projet. Avec son système d’avatars, Health EU vise à instaurer une meilleure prévention, des diagnostics précoces, un suivi plus précis et un ciblage individualisé de l’administration de médicaments et de traitements, surtout dans le cadre des maladies de plus en plus répandues que sont les affections cardiovasculaires, les cancers, les maladies chroniques et neurodégénératives.

«Nous offrons ainsi une solution possible au modèle de soins actuel, qui, par les coûts extrêmement élevés qu’il entraîne, n’est plus soutenable économiquement parlant», ajoute le spécialiste.

L’idée phare du projet, c’est de marier médecine personnalisée et digitalisation, en utilisant les développements technologiques les plus récents, tels que les objets connectés, l’intelligence artificielle et la notion de «digital twins». Cette dernière a pour principe de créer une réplique numérique de l’objet à étudier, sur laquelle on teste et mesure les effets de variables, processus ou scénarios qu’il serait impossible d’appliquer dans le réel. Un concept auquel les domaines de l’aéronautique, de l’automobile ou encore de l’astrophysique, notamment, font déjà recours. Mais jusque là, il n’avait encore jamais été appliqué à l’être humain. «En associant avatars physiques et numériques, Health EU créera des digital twins d'un niveau encore inégalé» remarque Chris Van Hoof, directeur de Wearable Health Solutions et membre de IMEC.

Panoplie de technologies

«Il ne s’agit pas de simples modèles digitaux, précise Adrian Ionescu. Ces avatars seront développés et calibrés en continu et sur la base de nombreuses données personnalisées, recueillies de manière expérimentale au cours de notre vie. Des modèles avancés seront implémentés en utilisant l’intelligence artificielle. En arrière plan, nous créerons l’infrastructure du futur Internet de la Santé pour gérer ces données sous forme de vrais avatars humains.» Le projet Health EU prévoit de mettre en place, autour du patient et de son double virtuel, une véritable plateforme technologique capable de générer des informations de type «big and deep data». Celle-ci tiendra compte et reliera aussi bien des données génomiques et biologiques qu’environnementales et comportementales (habitudes, style de vie, etc). Pour les collecter, toute une panoplie de technologies de pointe sont envisagées: dispositifs de capteurs portables, implants, techniques de nanomédecine, imagerie médicale, ou encore «organ-on chip».

Cette dernière sera l’un des fers de lance du projet. Consistant à transférer des cellules sur une puce électronique afin d’en observer les activités et réactions, elle donnera à l’avatar son aspect le plus physique et concret. Car cette méthode offre la possibilité de tester, hors du corps humain, les fonctions biologiques d’un organe ou les interactions de plusieurs organes entre eux. L’action d’un médicament peut par exemple être mesurée en amont, prévenant ainsi des effets secondaires parfois extrêmement nocifs et permettant d’adapter le traitement au plus près des besoins du patient.

Moins de tests sur les animaux

Meilleure anticipation des risques, conseils personnalisés, suivi médical plus précis, traitements mieux adaptés, gain de temps lors des analyses sont donc parmi les principaux avantages du projet Health EU. A un niveau plus global, on peut encore citer des coûts réduits, ainsi qu’un solide coup de pouce à l’innovation dans le domaine des medtech. «Sans oublier que les solutions que nous proposons permettraient également de remplacer une grande partie des tests réalisés actuellement sur les animaux», tient à noter le professeur Albert Vandenberg, de l’Université de Twenté, un des coordinateurs de la plateforme Organs On Chip.

Mais il y a aussi beaucoup de défis: en matière de technologies à développer ou affiner, mais également pour faire collaborer des experts issus de nombreuses disciplines et nationalités différentes, ainsi qu’en ce qui concerne la protection des données qui seront récoltées au niveau individuel. «L’Europe doit garder en la matière un approche souveraine», décrit Patrick Boisseau, VP Healthcare at CEA Tech and Chairman of the board of the European Technology Platform on Nanomedicine. Les informations seront donc stockées sur des serveurs installés sur le continent. Nous travaillons aussi sur des standards de compression de type MPEG qui seront spécifiquement adaptés au programme Health EU. Cette infrastructure sécurisée deviendra le futur Internet de la Santé, développé avec les meilleurs experts en cybersécurité du monde. «Health EU sera une sorte de Netflix des données génomiques et sensorielles, réagit Adrian Ionescu! Mais ce sera toujours, en dernier ressort, le patient qui décidera de ce qu’il souhaite rendre visible et à quel médecin.»

Plus de 90 scientifiques, issus de 47 groupes de recherches de pointe provenant d’universités, d’instituts, de cliniques et d’entreprises de 16 pays européens, sont directement impliqués dans Health EU. Une soixantaine d’autres en sont également partenaires. Le projet vient d’être soumis à l’Union européenne. La décision finale pour l’obtention d’un FET flagship devrait être prise au début de l’année 2020.

Pour en savoir plus sur le projet Health EU: https://www.health-eu.eu/

* Health EU est l’occasion d’une forte collaboration entre les deux écoles polytechniques, EPFL et ETHZ, avec la participation de plus de 25 laboratoires. Au niveau européen, les grandes plateformes technologiques du CEA-LETI et du Genopôle en France, de l’IMEC, de l'Université de Twente et de l'HDMT en Belgique et Hollande et des Instituts Fraunhofer et Max Planck en Allemagne sont également impliquées. Plusieurs hôpitaux universitaires sont hautement engagés, avec Charité en Allemagne, l’Institut Gustave Roussy en France, l’Institut Européen d’Oncologie de Milan en Italie, le Barts de Londres, et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), pour ne citer que quelques exemples.