Avancée significative en plasmonique
Des scientifiques de l’EPFL ont démontré dans quelle mesure la transmission par signaux optiques ouvre la voie à l’intégration de la plasmonique dans nos circuits électroniques traditionnels.
Un rayonnement lumineux frappant un métal peut générer dans certains cas des ondes de densité d’électrons à sa surface, qui sont comparables aux effets d’une pierre jetée dans l’eau. Ces vagues portent le nom de plasmons. Petites et rapides, elles oscillent à des fréquences optiques. L’étude de ce phénomène, baptisée plasmonique, focalise désormais toutes les attentions, car elle pourrait permettre de coupler les signaux optiques et électroniques dans des technologies comme les ordinateurs, créant ce faisant des processeurs ultrarapides. L’intégration de la plasmonique dans nos circuits électroniques usuels nécessite toutefois de maîtriser les plasmons. Un article passionnant publié dans Nano Letters explique de quelle manière des scientifiques de l’EPFL collaborant avec l’Institut Max Planck ont découvert comment les contrôler en termes d’énergie et d’espace.
La fibre optique a déjà modifié nos habitudes de communication en utilisant la lumière pour le transfert de données numériques et de larges bandes passantes sur des distances conséquentes. Cependant, celle-ci requiert des « câbles » relativement volumineux qui sont essentiellement des tubes à quatre couches reflétant les rayons en interne. Les fils électriques restent plus fins et faciles à produire, mais leur vitesse de transmission est moindre. La plasmonique est susceptible de combler le fossé entre optique et électronique en combinant leurs bénéfices sans leurs inconvénients.
Le concept est simple: utiliser la lumière pour encoder et convoyer des données à des fréquences optiques sur la surface de nos câbles électriques conventionnels. Souvent considérée comme « de la lumière en fil », la plasmonique s’est développée de façon hyperrapide et promet déjà une foule d’avancées technologies fascinantes, des biocapteurs ultrasensibles aux télécommunications fortement améliorées, en passant par une toute nouvelle génération de processeurs informatiques capables de travailler à des vitesses optimales. Comme les plasmons sont en réalité des vagues d’électrons de surface excités et non des mouvements réels de particules, la transmission plasmonique peut se révéler de nombreuses fois plus rapide que son équivalent électronique.
Les chercheurs du Centre-Max-Planck-EPFL pour les nanosciences et les technologies moléculaires ont fait un pas important vers l’ère plasmonique en démontrant que les orbitales moléculaires à la surface d’un métal se comportent comme de petits portails capables de contrôler les plasmons sur le plan spatial et énergétique. L’obstacle principal de l’intégration de la plasmonique dans les circuits électroniques standard réside en effet dans la nano-construction des prototypes, qui nécessitent de maîtriser l’interface entre la nanoélectronique et la nano-optique. Or, les scientifiques ont prouvé que la solution réside dans les orbitales moléculaires individuelles, soit les fonctions mathématiques qui décrivent les nuages d’électrons en formation quand les atomes se rejoignent dans une molécule.
Dirigée par Klaus Kern, l’équipe a utilisé un microscope à effet tunnel (STM) pour examiner des complexes d’iridium refroidis près du zéro absolu (5 degrés Kelvin). La microscopie STM exploite l’effet tunnel des électrons d’une surface métallique au moyen d’une pointe de métal très affutée déplacée au-dessus de l’objet observé. En s’acheminant vers elle, quelques électrons perdent de l’énergie. Celle-ci provoque des oscillations (plasmons) sur ladite surface ainsi que sur la pointe, et peut être observée via l’émission de lumière dans un détecteur optique.
Les données recueillies ont démontré que l’excitation des plasmons peut être contrôlée activement par une seule molécule. En étudiant un complexe d’iridium, les scientifiques ont découvert que ses orbitales moléculaires – soit ses niveaux d’énergie particulaires – agissent telles de minuscules portes qui déterminent la formation de plasmons sur le plan énergétique et spatial, même à des niveaux inférieurs à la molécule elle-même. En d’autres termes, lorsque la structure des électrons est connue, l’énergie ainsi que l’emplacement des oscillations générées peuvent être prédits. Il devient donc possible de maîtriser la production de plasmons au niveau d’une molécule individuelle.
Selon les chercheurs, ce phénomène ne se limite pas à un simple complexe d’iridium, mais s’applique également à d’autres molécules organiques. Cette découverte va avoir un impact significatif sur la conception des futurs systèmes à plasmons. Elle ouvre en effet la voie au contrôle de l’excitation électrique de nanostructures plasmoniques à l’échelle d’une molécule individuelle et même au-delà, rendant leur intégration dans nos circuits électroniques conventionnels tout à fait envisageable.