«Au fil du temps, je suis devenu un raconteur d'histoires»

Philippe Wieser © Murielle Gerber / EPFL

Philippe Wieser © Murielle Gerber / EPFL

Préparer les étudiantes et étudiants à la réalité de l’industrie: tel est le credo de Philippe Wieser. Pour le plus grand plaisir de son auditoire, qui profite de sa rare expertise en matière de logistique/supply chain. Et le lui rend bien: en 2022, le professeur honoraire a été désigné meilleur enseignant de la section du management de la technologie de l’EPFL.

«Une fois leur diplôme en poche, la majorité des étudiants de l’EPFL se tournent vers l’industrie, pas vers la recherche», constate Philippe Wieser. Cela tombe bien: l’industrie figure au cœur de l’enseignement de ce professeur honoraire du Collège du management de la technologie (CDM). «L’entreprise, c’est mon laboratoire à moi», plaisante celui qui a été désigné meilleur enseignant 2022 de la section du management de la technologie de l’EPFL.

L’industrie, Philippe Wieser n’a pas attendu d’être enseignant pour s’y intéresser. Au début des années 1980, à peine a-t-il bouclé ses études en génie mécanique et son doctorat (dans le domaine de la résistance des matériaux appliquée aux coques) à l’EPFL qu’il rejoint un bureau d’ingénieurs conseils dans le canton d’Argovie. Il y officiera pendant deux années, notamment dans la division nucléaire, avant de rejoindre le corps enseignant de l’EPFL. Durant son expérience de terrain pur, il a engrangé une bonne dose d’anecdotes dont il fait volontiers profiter ses étudiants.

«Mon enseignement a beaucoup évolué; au début, il était très mathématique mais au fil du temps, je suis devenu un raconteur d’histoires, la théorie et les développements mathématiques étant consignés dans mes supports de cours.» Un raconteur d’histoires au sens noble du terme, s’empresse-t-il de préciser. «J’utilise aussi bien les exemples positifs que négatifs pour essayer de préparer au mieux les jeunes à leur future réalité d’ingénieurs.» Les cours de Philippe Wieser comportent d’ailleurs toujours un volet académique et un volet projet. «Pour l’examen final, je leur laisse peu de temps et peu d’espace; ils doivent apprendre à écrire peu mais juste, à être ‘punchy’ et directs.»

Dans le domaine de la santé aussi

C’est dans les années 1990 que la logistique/supply chain a fait une entrée fracassante dans la vie du professeur aux quelque 170 publications et conférences. «Dans le cadre de mes activités au sein de la section de génie civil de l’EPFL, pour laquelle je travaillais à l’époque, j’ai été en contact avec la gestion des flux, qui m’a littéralement captivé.» Le spécialiste note au passage que le terme «logistique», utilisé au départ, «a malheureusement été dégradé pour céder la place à la notion de ‘supply chain’». Malheureusement? «A mon avis, le terme est mal choisi car plutôt que la notion de chaîne, il devrait véhiculer celle de réseau de valeur du produit ou du service.»

Désormais, Philippe Wieser fait figure de ponte en matière de logistique/supply chain. Il faut dire qu’il a activement participé à la création de l’IML (International institute for the management of logistics and supply chain), conjointement mis sur pied par l’EPFL, l’Ecole des Ponts ParisTech, ainsi qu’une cinquantaine d’entreprises et d’organisations internationales. Depuis 2000, il est le directeur de cette structure. Il a par ailleurs contribué au lancement du CDM, au sein duquel il évolue en tant que professeur depuis 2008. A noter que depuis plus d’une trentaine d’années, il enseigne parallèlement à l’Ecole des Ponts ParisTech.

Sans surprise, le domaine logistique/supply chain a beaucoup évolué – et gagné en importance - au fil des décennies. «Actuellement, un des principaux défi des entreprises consiste à intégrer les concepts de recyclage, d’élimination et/ou de valorisation des produits.» Dans ce contexte, «la fonction supply chain joue un rôle essentiel». La crise Covid-19, puis la guerre en Ukraine (et les problèmes d’approvisionnement liés), «lui ont donné une face publique, ont fait prendre conscience de sa place centrale». Une place qui ne concerne pas seulement le domaine de l’industrie. «Durant mes dernières années de carrière, j’ai beaucoup collaboré avec des hôpitaux et des réseaux de soins afin de transposer mes savoirs dans le monde de la santé, montrer que la logistique/supply chain y a également une carte à jouer.»

Être à la hauteur

Philippe Wieser souligne que la gestion de la supply chain «est multidisciplinaire, puisqu’elle implique de la logique, des mathématiques, de la stratégie, de la simulation, etc.». Il ne cesse de le rappeler à son auditoire: «C’est la fonction transversale par excellence!» Les cours qu’il dispense à l’EPFL sont d’ailleurs ouverts aux étudiantes et étudiants de la plupart des sections. «Ce mélange de talents est un vrai plus.»

Depuis la fin 2019, Philippe Wieser jouit d’une retraite bien méritée après près de trois décennies passées à préparer les logisticiennes et logisticiens du futur. Une retraite active, devrait-on écrire, puisque l’ingénieur continue à dispenser deux cours au sein du CDM. «Les échanges réguliers avec mes homologues à l’étranger m’en ont convaincu: c’est un vrai privilège d’enseigner à l’EPFL, tant en ce qui concerne le cadre que les ressources à disposition, ou encore la liberté.» Les élèves aussi sont «de grande qualité», se réjouit le professeur honoraire. Une qualité qui a un prix pour les enseignants: «Avec l’avènement des nouvelles technologies et l’accès facilité à l’information, les jeunes ont non seulement gagné en ouverture d’esprit, mais aussi en exigence face à leurs enseignants; il faut ainsi constamment se former et s’informer pour être à la hauteur…».


Auteur: Patricia Michaud

Source: People

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