Au cœur de la cellule, une protéine passe certains gènes sous silence

© EPFL/iStock (quantic69)

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Dans une étude qui met en lumière les mécanismes complexes de la régulation des gènes, des scientifiques de l’EPFL ont révélé qu’une protéine spécifique joue un rôle indispensable dans la désactivation de certains groupes de gènes en les ancrant dans le nucléole cellulaire.

Notre ADN n’est pas seulement une chaîne de gènes. C’est une structure complexe et dynamique où l’organisation spatiale au sein du noyau joue un rôle essentiel dans la régulation des gènes, qui sont activés ou désactivés. L’un des principaux éléments de ce processus complexe est le nucléole. Il s’agit d’une structure sphérique qui se trouve à l’intérieur du noyau de la cellule, le compartiment où l’expression des gènes est orchestrée et réalisée.

Le nucléole est principalement connu comme le site de production des ribosomes, qui jouent un rôle clé dans la fabrication des protéines. Cependant, des études récentes ont montré que le nucléole est également impliqué dans la régulation de l’expression des gènes.

Contrôler l’activité des gènes

Le nucléole est entouré de régions du génome appelées domaines associés aux nucléoles (NAD), qui abritent des gènes réprimés – ou «silencieux». Selon les scientifiques, les NAD jouent un rôle clé dans le maintien sous contrôle étroit des gènes disposés en amas le long des chromosomes, ce qui est essentiel au bon fonctionnement des cellules et à leur développement. Cependant, les mécanismes qui ciblent des groupes de gènes spécifiques aux NAD sont restés un mystère.

Comprendre comment les gènes sont réprimés dans ces compartiments est essentiel non seulement pour la biologie fondamentale, mais aussi pour appréhender les maladies où la répression génétique ne fonctionne pas. Par exemple, une mauvaise régulation des amas de gènes a été impliquée dans divers cancers et troubles du développement ou psychiatriques.

La protéine ZNF274: la cheffe d’orchestre des gènes silencieux

Une équipe de scientifiques de l’EPFL, dirigée par Martina Begnis et Didier Trono, a découvert qu’une protéine appelée ZNF274 aide à contrôler certains groupes de gènes, y compris ceux nécessaires au développement du cerveau, en les enfermant dans des parties spécifiques de la cellule où ils restent silencieux, garantissant ainsi que ces gènes ne s’activent que lorsqu’ils sont censés le faire.

Comment la ZNF274 fait-elle cela? En faisant office de liaison entre les composants NAD et ces amas de gènes, qu’elle reconnaît parce qu’ils portent un motif de séquence critique. La ZNF274 ancre des gènes cibles, y compris ceux impliqués dans le développement neuronal, au sein des NAD, ce qui maintient leur répression.

L’absence de la ZNF274 et ses conséquences

Les chercheuses et chercheurs ont combiné l’édition génomique CRISPR/Cas9 et les techniques de séquençage avancées pour créer des cellules dépourvues de la protéine ZNF274, dans lesquelles ils ont pu étudier les effets sur l’expression des gènes et l’organisation du génome.

L’absence de la ZNF274 a conduit à l’activation d’amas de gènes précédemment réprimés, par exemple ceux codant pour les protocadhérines, qui sont essentiels au développement neuronal. Ils ont également remarqué des changements dans la structure de la chromatine – le complexe d’ADN et de protéines qui forme les chromosomes – entraînant une altération de l’architecture du génome 3D.

L’étude a révélé que la ZNF274 aide à maintenir certains groupes de gènes désactivés en les fixant au nucléole. Lorsque la ZNF274 est absente, ces gènes deviennent actifs alors qu’ils ne devraient pas l’être.

Les chercheuses et chercheurs ont également découvert que la ZNF274 utilise une partie spécifique de celle-ci, appelée domaine SCAN, pour entrer en contact avec le nucléole. Cette connexion maintient les gènes en mode désactivé, évitant qu’ils ne soient activés par inadvertance.

L’étude a de vastes implications pour notre compréhension de la régulation des gènes, fournissant des informations sur les processus fondamentaux qui garantissent l’expression correcte des gènes au cours du développement. Elle suggère également que les perturbations de ce système pourraient contribuer à des troubles du développement et à des maladies comme la schizophrénie et le syndrome de Prader-Willi, où la régulation des gènes est affectée.

Financement

Conseil Européen de la Recherche (KRABnKAP et Transpos-X)

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Fondation Aclon

Références

Martina Begnis, Julien Duc, Sandra Offner, Delphine Grun, Shaoline Sheppard, Olga Rosspopoff, Didier Trono. Clusters of lineage-specific genes are anchored by ZNF274 in repressive perinucleolar compartments. Science Advances, 13 septembre 2024. DOI: 10.1126/sciadv.ado1662


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: Sciences de la vie | SV

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