Attaquer les lymphomes à la source

Le masitinib (coloré en rouge) se lie et inhibe l’activité de LYN (en rose), FYN (en bleu) et BLK (en jaune). Crédit: E. Oricchio/EPFL

Le masitinib (coloré en rouge) se lie et inhibe l’activité de LYN (en rose), FYN (en bleu) et BLK (en jaune). Crédit: E. Oricchio/EPFL

L’efficacité de thérapies ciblées pour le lymphome est limitée à des sous-groupes de patients. Des scientifiques de l’EPFL ont identifié un mécanisme qui confère une résistance face une thérapie courante utilisée contre le lymphome. Ils proposent un traitement alternatif qui cible le lymphome en le signalant à sa racine, et montrent qu’il peut s’avérer efficace dans un groupe plus large de patients. L’étude est publiée dans la revue Blood.

Les lymphomes non-hodgkiniens sont des cancers qui affectent les globules blancs du système immunitaire appelés lymphocytes-B ou cellules B. Comme les cellules de tous les cancers, les lymphocytes B se mettent à croître hors de contrôle, créant des tumeurs dans les ganglions lymphatiques, la rate ou d’autres tissus. En 2010, on estime que les lymphomes non-hodgkiniens ont provoqué la mort de 210'000 personnes dans le monde.

L’une des forces à l’œuvre derrière les lymphomes non-hodgkiniens est la sur-activation d’un récepteur à la surface des cellules B. Normalement, ce récepteur stimule la croissance de ces cellules seulement lorsque c’est nécessaire, mais dans le lymphome non-hodgkinien, le signal de croissance est activé de manière permanente, ce qui fait croître les cellules B de manière anarchique.

Dans le but de bloquer ce signal, de récentes études cliniques se sont concentrées sur l’inhibition de l’activation du récepteur de la cellule B, comme traitement pour des patients atteints de lymphomes non-hodgkiniens, mais avec des succès divers. Par exemple, un médicament appelé ibrutinib a été testé dans des essais cliniques pour traiter une forme agressive de lymphome non-hodgkinien, le lymphome diffus à grandes cellules B (DLBCL). L’ibrutinib bloque l’enzyme BTK (la tyronise kinase de Bruton), qui est impliquée dans la maturation et l’activation des cellules B en tant qu’élément de la voie de signalisation du récepteur de la cellule B. Malheureusement, la réponse à l’ibrutinib s’est limitée à un sous-groupe de patients seulement.

Le laboratoire d’Elisa Oricchio à l’EPFL vient de réaliser une étude visant à identifier les mécanismes de résistance à l’ibrutinib. A partir de cellules tumorales de patients DLBCL, les scientifiques ont découvert que l’inactivation de la BTK dans les tumeurs résistantes déclenche la sur-activation de signaux alternatifs qui favorisent la survie et la prolifération de la tumeur.

Afin de prévenir ce mécanisme de résistance et de bloquer le signal du récepteur de la cellule B à sa racine, Elena Battistello, doctorante qui a dirigé le projet, a ciblé les trois enzymes (LYN, FYN et BLK) qui déclenchent la propagation des signaux.

Représentation de la voie de signalisation du récepteur de la cellule B (à droite). Le traitement au masitinib inhibe la croissance des tumeurs dans les tumeurs dérivées de patients (à gauche). Crédit: E. Oricchio/EPFL

Les scientifiques ont découvert que le fait de bloquer ces enzymes avec un médicament nommé masitinib supprimait complètement les signaux protumorigéniques du récepteur de la cellule B. De plus, le masitinib entravait fortement la croissance de la tumeur dans tous les tissus issus de patients DLBCL testés par l’équipe.

Les auteurs, qui projettent de commencer des essais cliniques sur la base de cette étude, affirment que les trois enzymes peuvent constituer des cibles thérapeutiques prometteuses pour un groupe de patients DLBCL étendu et varié.

Ont contribué:

  • Université e Lausanne
  • Institut suisse de bioinformatique
  • Dana-Farber Cancer Institute
  • Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
  • Ludwig Institute for Cancer Research (UNIL)
  • Les installations de l'EPFL en matière d'animaux, de cytométrie en flux, d'histologie et de séquençage
Financement

Fondation ISREC

Fonds National Suisse

Ligue suisse contre le cancer

Emma Muschamp Foundation

Giorgi-Cavaglieri Foundation

Helmut Horten foundation

Références

Elena Battistello, Natalya Katanayeva, Elie Dheilly, Daniele Tavernari, Maria C. Donaldson, Luca Bonsignore, Margot Thome-Miazza, Amanda L. Christie, Mark A. Murakami, Olivier Michielin, Giovanni Ciriello, Vincent Zoete, Elisa Oricchio. Pan-SRC kinase inhibition blocks B-Cell Receptor oncogenic signaling in Non- Hodgkin Lymphoma. Blood 22 March 2018. DOI: 10.1182/blood-2017-10-809210