Architecture: un logiciel évalue la qualité de la lumière naturelle

Marilyne Andersen, professeure à l'EPFL et Siobhan Rockcastle, qui vient de terminer un postdoc au LIPID, sont les conceptrices du logiciel OCUVIS © 2017 Alain Herzog

Marilyne Andersen, professeure à l'EPFL et Siobhan Rockcastle, qui vient de terminer un postdoc au LIPID, sont les conceptrices du logiciel OCUVIS © 2017 Alain Herzog

OcuVis, un logiciel de visualisation développé par une spin-off de l’EPFL sur le point de démarrer, permet de représenter et évaluer la qualité de la lumière naturelle pour les futurs occupants sur la base d’une modélisation 3D. Selon les conditions extérieures choisies, l’utilisateur peut se rendre compte des paramètres visuels et non visuels de l’éclairage.

Magnifiée par les variations de luminosité, l’architecture des bâtiments se joue des heures et des saisons. Mais l’intensité, la couleur ou encore l’angle d’incidence des rayons ont des effets parfois inconscients ou insoupçonnés sur les utilisateurs. Certains environnements lumineux peuvent par exemple avoir un effet calmant, d’autres une influence négative sur l’état d’alerte ou la sécrétion d’hormones. OcuLight Dynamics, une spin-off de l’EPFL, offre une expertise pointue unique au monde en se basant sur des travaux préalables qui ont permis de quantifier ces effets. Une étape supplémentaire a été franchie en intégrant le tout dans un logiciel de visualisation inédit. Ce dernier permet aux architectes d’anticiper les conditions lumineuses du point de vue des futurs utilisateurs et selon trois critères : le confort visuel en fonction du risque d’éblouissement, le bien-être en fonction de la dose lumineuse à laquelle on s’expose au fil du temps, et les émotions en fonction de sa composition spatiale et sa variabilité.

Observer les conditions lumineuses en immersion

Le processus d’évaluation commence par un modèle 3D du projet considéré et de sa position géographique. À partir de là, sur la base des conditions météorologiques les plus pertinentes à évaluer, les conditions lumineuses à hauteur du regard peuvent être observées en immersion en se plaçant en une multitude d’emplacements à l’intérieur du bâtiment. Des paramètres tels que les effets des heures, des jours et des saisons, ainsi que la variation de ces conditions dans l’espace donnent une perspective encore plus réaliste.

Un système de repères visuels - huit petites flèches représentant la direction du regard - indique pour chaque position par un jeu de couleurs si la luminosité est plutôt propice au calme ou à l’excitation, si elle présente un risque pour la santé à long terme ou encore s’il y a un risque d’éblouissement. Un même emplacement pourra donc être éblouissant, excitant et bénéfique pour la santé si le regard est tourné vers la fenêtre, alors qu’il sera tout l’inverse si la personne se trouve dos à la fenêtre ou par temps couvert en hiver. L’architecte pourra ainsi apporter des modifications à ses plans de manière à améliorer le confort visuel et les effets induits sur la santé des futurs occupants. La luminosité idéale dépend bien entendu également de l’activité à laquelle est destiné l’espace.

Rythme circadien : un nouveau type de récepteurs en jeu

Trois chercheuses du Laboratoire de Performance Intégrée au Design (LIPID) ont uni leurs compétences pour développer les modèles sous-jacents à ces aspects de performance, la plateforme de visualisation et créer la spin-off. Celle-ci offre un service de conseil spécialisé et avant-gardiste avec Marilyne Andersen, professeure et directrice du laboratoire, Siobhan Rockcastle et Maria Amundadottir, qui ont chacune réalisé leur doctorat au LIPID et ont continué leur carrière comme professeure tenure-track aux USA, et comme machine learning developer en Islande.

Deux thèses et de nombreux articles ont posé les bases de la quantification de ces paramètres. Une étude en ligne sur la manière dont les différents environnements lumineux sont perçus a par exemple permis de jeter les bases pour leur quantification, c’est-à-dire à « déterminer dans quelle mesure une majorité des gens aura plutôt tendance à les considérer calmes, ou au contraire excitants » explique Siobhan Rockcastle. Les réponses des participants ont été comparées à diverses mesures sur la lumière effective. Ces résultats ont permis de mettre au point un algorithme qui peut être utilisé comme modèle de prédiction pour les modélisations.

L’aspect non visuel, encore peu connu du grand public, semble pourtant avoir un impact non négligeable sur de nombreux aspects liés à la santé. « Il existe un type de récepteurs connu depuis relativement peu de temps au fond de l’œil: la mélanopsine. Ces cellules entrent en jeu, par exemple, dans le fonctionnement de l’horloge interne, la sécrétion de mélatonine, l’état d’alerte, la performance ou la température du corps », souligne Maria Amundadottir. Les résultats montrent que les facteurs ayant un impact important sur le système non visuel sont des facteurs tels que la couleur ou plutôt la longueur d’onde (la lumière bleue a une influence plus importante) par exemple.

Les cofondatrices ont obtenu un Venture Grant du programme InnoSeed ENAC, qui leur a permis de financer les étapes essentielles de développement de cet outil de visualisation d’ores et déjà en ligne. Les fonctionnalités incluent entre autres la capacité de visualiser la performance lumineuse d’un espace de manière interactive, de comparer des options de design ou les différents aspects de performance, et de soumettre le projet aux normes d’éclairage en vigueur. Une analyse centrée sur l’humain, qui tient compte des aspects de santé, de confort et d’émotion, peut ainsi être confrontée à des critères plus conventionnels d’évaluation.