Architecture / Philosophie
© 2020 André Patrão
André Patrão présent sa thèse de doctorat, réalisée sous la direction de Professeur Christophe van Gerrewey
ARCHITECTURE / PHILOSOPHIE: COMMENT, POURQUOI, ET QU'EST-CE QUE LES QUESTIONS CHERCHENT EN TROIS ÉTUDES DE CAS DE LA FIN DU 20e SIÈCLE
Jeudi, 5 mars | 18:00 | Polydome
André Patrão | Labo ACHT
L’architecture et la philosophie ne sont pas étrangères l’une à l’autre. Dans les écrits philosophiques, l’architecture apparaît citée, abordée, décrite, définie, catégorisée, et utilisée figurativement. Dans le discours architectural, tant celui des théoriciens que celui des praticiens, la philosophie apparaît dans des syllabi, des bibliographies, dans la formulation de concepts de projets, ou de leur critique, ou dans une théorie plus vaste, au moyen de citations ou de références à des noms, des travaux, et des terminologies de philosophes, sans parler de l’expression courante "une philosophie". L’architecture et la philosophie, dans leurs diverses conceptions et formulations indépendamment des auteurs, des mouvements, des styles, des écoles de pensée, et des époques, ont été et continuent de s’investir l’une l’autre.
Cependant, le fait même que l’architecture et la philosophie s’investissent mutuellement apparaît rarement comme un sujet en soi. Pourquoi est-ce que l’architecture se rapproche de la philosophie ? Pourquoi est-ce que la philosophie aborde l’architecture ? Comment cette rencontre se déroule-t-elle ou doit-elle se dérouler, le cas échéant ? Quelles sont les promesses, potentiels, et problèmes contenus dans ces intersections ? Et quelle est cette notion imparfaitement capturée par des mots aussi approximatifs qu’insatisfaisants comme "investir", "approcher", "rencontrer", "croiser", ou plutôt par une barre oblique qui à la fois divise et accole, affirme les différences en même temps qu’elle les assemble, dans "architecture/philosophie" ?
Basée sur un aperçu historique des rapprochements entre l’architecture et la philosophie, ainsi que leur thématisation encore discrète mais en nette croissance dans la littérature récente, cette thèse analyse trois études de cas d’interactions directes et conséquentes entre l’architecture et la philosophie au 20e siècle – une période d’échanges particulièrement intensive, au moment où l’autocritique des architectes a accueilli à bras ouverts la contribution de pensées philosophiques, et où l’auto questionnement des philosophes les a amenés à prendre part à des débats architecturaux.
Premièrement, le recoupement entre le projet philosophique de Martin Heidegger et des enjeux vitaux pour l’architecture, dans L’être et le temps (1927), "L’origine de l’œuvre d’art" (1935), et principalement "Bâtir, Habiter, Penser" (1951) ; que l’historien et théoricien Kenneth Frampton a intégré soigneusement dans sa propre pensée, dans l’éditorial "En lisant Heidegger" (1974), aussi bien que les textes subséquents "Vers un régionalisme critique: six points pour une architecture de résistance" (1983), "Prospects pour un régionalisme critique" (1983), et "Rappel à l’ordre : les arguments en faveur de la tectonique" (1990).
Deuxièmement, la pensée fortuite de Michel Foucault sur l’architecture, reconstituée à partir des textes "Des espaces autres" (1967), "Espace, savoir, et pouvoir" (1982), et Surveiller et Punir : naissance de la prison (1975) ; et l’impact de ce dernier, perceptible mais difficile à saisir, sur le projet de rénovation de Rem Koolhas Prison Panoptique Koepel (1979-1981), décrit dans le texte "Révisions" (1981).
Troisièmement, la collaboration entre Jacques Derrida, défiant et se laissant défié par la pratique architecturale, et Peter Eisenman, extrayant un stimulus productif des mauvaises lectures délibérées, ou "misreadings", dans le projet d’un jardin pour le Parc de la Villette (1985-1987), enregistré et développé dans son livre Chora L Works (1997).
La lecture inédite de chaque étude de cas mettra en lumière des manifestations hétérogènes d’une incessante nécessité mutuelle de la philosophie et de l’architecture pour soutenir, transformer, et enrichir les tâches spécifiques à chacune, tout en témoignant l’importance, la pertinence, et même l’urgence d’y réfléchir.