A la source des actions dans le cerveau

Une image IRM du striatum (Crédit: Lindsay Hanford, Geoff B Hall/Wikimedia Commons)

Une image IRM du striatum (Crédit: Lindsay Hanford, Geoff B Hall/Wikimedia Commons)

Des chercheurs de l’EPFL ont identifié les neurones qui déclenchent des comportements tels que le mouvement. Une recherche qui pourrait aider à développer de nouveaux traitements pour des maladies comme celle de Parkinson.

La plus importante fonction du cerveau est peut-être de traiter l’information sensorielle pour prendre des décisions, comme bouger pour attraper un objet. Une partie du cerveau dédiée à cet effet est une large zone centrale appelée «striatum». Grâce à des techniques de pointe, des neuroscientifiques de l’EPFL ont découvert comment une sorte de neurone spécifique du striatum contribue à un mouvement volontaire. Cette découverte apporte une pièce au puzzle du cerveau, améliorant notre compréhension d’une zone étroitement impliquée dans des maladies neurodégénératives comme Parkinson et la maladie d’Huntington. Cette recherche est publiée dans la revue Neuron.

Le striatum est souvent décrit comme le «centre de coordination» pour plusieurs fonctions cognitives supérieures, comme la planification motrice et la préparation de l'action, la prise de décision, la motivation, le renforcement et la perception de la récompense. Pour faire tout cela, le striatum doit d'abord intégrer l'information provenant d'autres parties du cerveau, puis répondre en conséquence.

Le striatum intègre ainsi deux signaux, l’un sensorimoteur et l’autre de récompense, pour guider le comportement. L’information sensorielle et motrice atteint le striatum surtout à travers les neurones provenant du néocortex, la plus grande partie externe du cerveau. Ces neurones utilisent le glutamate pour transmettre leurs signaux. D’autre part, l'information de récompense arrive au striatum principalement via les neurones utilisant la dopamine comme transmetteur.

A chacun son rôle

Le striatum contient différents types de neurones, mais leurs rôles distincts sont largement méconnus. Pour trouver des réponses, les chercheurs de l’EPFL Tanya Sippy, Damien Lapray, Sylvain Crochet et Carl Petersen ont étudié le striatum chez la souris. L’animal a été conditionné pour lécher un récipient à chaque fois qu’on lui touchait une moustache. Cette tâche simple a permis aux chercheurs d’observer des groupes de neurones spécifiques dans le striatum, et de voir lesquels étaient actifs.

La première partie de l’expérience a utilisé une technique qui permet de lire les variations électriques dans des neurones individuels. Dans ce cas, il s’agissait de neurones projetant depuis le striatum jusqu’à une zone proche, la substance noire. Cette petite région sombre joue un rôle important dans la récompense, la dépendance et le mouvement. Les chercheurs ont aussi introduit un marqueur dans des neurones spécifiques, ce qui leur a permis d’identifier quel type de neurones ils observaient à chaque instant.

Cette expérience a montré que lorsque l'on touche les moustaches de l’animal pour lui faire lécher le récipient, certains neurones répondent avec ce qui semble être un signal pour initier l’action. Ces neurones appartiennent au striatum, mais projettent depuis celui-ci jusqu’à la substance noire. Grâce à cette découverte, les chercheurs ont localisé la partie du cerveau qui donne vie aux actions.

Optogénétique

Les chercheurs ont ensuite fait l’expérience inverse : ils ont stimulé des neurones spécifiques dans le striatum pour voir si cela provoquerait l’action de lécher de la part des souris. Pour cela, ils ont employé une technique dans laquelle l’équipe de Petersen est devenue experte: l’optogénétique.

L’optogénétique consiste à insérer le gène d’une protéine sensible à la lumière dans des neurones vivants. Ces neurones génétiquement modifiés produisent ensuite la protéine sur leur membrane externe. A cet endroit, elle agit comme une porte électrique qui s’ouvre quand on dirige une lumière sur le neurone. Des ions entrent dans le neurone, l’activant et lui faisant émette une impulsion électrique. L’optogénétique peut être très précise, en stimulant des types spécifiques de neurones.

L’équipe de chercheurs a découvert qu’en stimulant les mêmes neurones qui sont responsable du signal déclencheur - celles qui projettent dans la substance noire – ils obtenaient la réaction de léchage. En d’autres termes, les chercheurs ont contourné le circuit, causant la même réponse (le léchage) sans le stimulus externe (le contact sur la moustache). Ces expériences d’optogénétique ont ajouté des preuves que ces neurones suffisent à initier une action.

C’est une découverte importance pour la neuroscience fondamentale, car elle identifie un type de neurones spécifique dans le striatum où l’information se transforme en action, apportant un éclairage sur une fonction essentielle du cerveau. Elle a également un potentiel à long terme, car cette étude met en relief un moyen de traitement possible pour des maladies qui touchent l’initiation d’action et le contrôle moteur, comme les maladies de Parkinson et d'Huntington.

Cette recherche a été financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, le Conseil européen de la recherche, et une bourse collaborative entre l’EPFL et l'Université hébraïque de Jérusalem.

Source :

Sippy T, Lapray D, Crochet S, Petersen CCH. Cell-type-specific sensorimotor processing in striatal projection neurons during goal-directed behavior. Neuron 21 October 2015. DOI: 10.1016/j.neuron.2015.08.039