A la recherche du «moi»
Une équipe de l’EPFL essaie de comprendre le «moi» en étudiant l’activité du cerveau grâce à une expérience impliquant une chaise tournante. Cette recherche sera présentée lors du plus grand évènement médiatico-scientifique de l’année prochaine aux Etat-Unis.
Des interrogations telles que «qui suis-je ?» ou «qu’est-ce que le moi et quelles en sont les limites?» sont récurrentes dans les domaines de la philosophie et de la psychologie. Olaf Blanke, neurobiologiste du comportement, et son équipe du Brain Mind Institute de l’EPFL étudie la question du «moi» sous un angle différent et notamment au travers d’une série d’expériences empiriques non conventionnelles. Ces recherches seront présentées à la conférence AAAS 2011 qui a lieu en février à Washington DC. L’une d’elles utilise notamment une chaise tournante – comme celles employées pour entraîner les pilotes de combat et les astronautes – pour découvrir comment le cerveau traite la perception du corps.
Centrifugeuse humaine
La chaise tournante, également appelée centrifugeuse humaine, est utilisée par Olaf Blanke et son équipe pour étudier le système vestibulaire, une sorte de sixième sens qui prend sa source dans l’oreille interne et est essentiel pour le maintien de l’équilibre et la coordination spatiale. En provoquant mécaniquement des expériences vestibulaires et en enregistrant simultanément l’activité cérébrale, les scientifiques espèrent trouver comment et où ce système est représenté dans le cerveau,
«C’est ainsi une nouvelle théorie, contrastant avec les notions conceptuelles traditionnelles de la conscience de soi, basée sur la collecte de données et l’imagerie neurologique durant une grande variété d’expériences, qui est en train d’émerger», confirme Olaf Blanke.
Un modèle neurobiologique du moi
Des travaux menés antérieurement dans le laboratoire du professeur Blanke ont permis de comprendre que plusieurs sens différents, mais essentiellement le système vestibulaire, donnent en fait au cerveau une référence pour reconnaître le «moi» et sa localisation dans l’espace. Comment le «moi » est-il relié au système de l’équilibre ? Et que se passe-t-il quand les données visuelles et spatiales ne coïncident pas, comme c’est le cas lorsqu’on se trouve dans un train à l’arrêt dans une gare et que l’on a la sensation qu’il se met à bouger lorsque c’est en réalité celui de la voie d’à côté qui se met en mouvement dans le sens opposé ?
Dans l’obscurité totale de la chambre de la chaise tournante, le sujet peut toujours sentir le mouvement de son corps grâce à son système vestibulaire, bien qu’il n’y en ait aucune confirmation visuelle. Le professeur utilise cette chaise pour sonder la relation entre informations visuelles et spatiales dans l’espoir de résoudre quelques-uns des mystères de la conscience de soi.
Olaf Blanke est convaincu qu’une meilleure compréhension de ces phénomènes pourrait mener à des résultats thérapeutiques intéressants. «Découvrir comment le cerveau traite la perception du corps nous permet de mieux comprendre les différents de maladies neurologiques et psychiatriques », explique-t-il.
Après trois ans de recherches minutieuses sur l’expérience de la centrifugeuse humaine, l’équipe du Laboratoire de neuroscience cognitive (LNCO) publiera ses résultats au début de l’année prochaine.