A la recherche des killer apps
Marc Gruber, professeur de management de la technologie à l'EPFL, enseigne à ses étudiants quels sont les facteurs qui permettent de trouver des “killer applications”. Une interview.
Killer applications, littéralement "applications qui tuent": c’est le terme consacré pour désigner le Graal recherché par toutes les start-up, ces applications innovantes dont la commercialisation leur assurera succès, gloire et fortune. Les killer applications, également appelées killer apps, regroupent toutes les innovations technologiques que les utilisateurs estiment devoir posséder coûte que coûte. Les téléphones portables, les télévisions ou les ordinateurs sont des killer apps, de même que toutes les applications qui sont proposées pour l'iphone, l'ipad ou par Google, Facebook ou Twitter, pour ne citer qu'eux. On ne peut expliquer comment ni pourquoi une killer apps va faire fureur, et les compagnies gagnent souvent beaucoup d’argent avec des nouvelles technologies dont ils n'avaient même pas soupçonné le potentiel et l'utilisation qui en serait faite au moment de leur création.
Marc Gruber, directeur de la chaire d’Entrepreneurship & Technology Commercialization à l’EPFL, et son équipe de doctorants essaient de mieux comprendre pourquoi certaines start-up arrivent à lancer des killers apps alors que d’autres n’y parviennent pas. Ils ont analysé plus de 140 start-ups technologiques en cherchant à comprendre quelles sont les clés de leur réussite - les résultats de cette étude sont à lire dans le Journal of Management.
Quel est le profil caractéristique d’un start-up qui réussit?
Marc Gruber: Nous avons constaté dans notre étude que les start-up qui ont du succès sont habituellement composées d’une petite équipe de trois ou quatre personnes venant chacune d’horizons différents. L’hétérogénéité joue un rôle important. C’est un atout supplémentaire si l’équipe est composée d’un “spécialiste” possédant des connaissances très spécifiques dans un domaine donné, et d’un “généraliste” qui maîtrise la vue d’ensemble du projet et possède une expérience entrepreneuriale à son actif. De même, les décisions prises au moment de la création de la start-up sont déterminantes pour trouver des killer apps porteuses - la combinaison des bonnes personnalités a pour effet de créer les conditions nécessaires pour prendre dès le début les bonnes décisions qui mèneront au succès.
Y a-t-il des exceptions à cette règle?
Marc Gruber: Steve Jobs, le fondateur d’Apple Computers, pourrait être considéré comme une exception. Il est le type même de chef d’entreprise qui possède à la fois les connaissances spécifiques pour arriver à l’excellence technologique et les connaissances nécessaires pour faire des choix précurseurs et décisifs qui mèneront à la réalisation de killer apps très porteuses. Technologie et Management sont les deux facettes d’une même médaille.
Dans quelle mesure la culture joue-t-elle un rôle dans la formation de l’esprit entrepreneurial?
Marc Gruber: La culture joue un rôle essentiel. Nous attendons avec impatience les résultats de notre prochaine étude où nous analysons 500 start-up technologiques européennes afin de mieux comprendre l’influence du facteur culturel dans leur réussite. Nous avons observé que de nombreux critères contribuent à la réussite et que parfois l’un d’entre eux vient à manquer suivant la culture. Prenez par exemple la Suisse. Nous avons d’extraordinaires ressources technologiques et humaines, mais en matière de croissance les start-up suisses se trouvent souvent en deçà de leur potentiel. De nombreux entrepreneurs suisses préfèrent garder leur liberté et ne pas avoir la charge d’un trop grand nombre d’employés. Nous espérons qu’en mettant en lumière toutes ces particularités, nos cours à l’EPFL permettront d’enseigner aux futurs entrepreneurs la manière de maîtriser la croissance de leur entreprises et de valoriser leur créativité.
Marc Gruber donnera un cours aux étudiants de bachelor de l’EPFL sur l’Entrepreneurship au printemps 2011. Il organise également régulièrement des séminaires pour les étudiants de master et les doctorants de l’EPFL.