A l'EPFL, une volonté de mieux maîtriser l'IA pour l'éducation

Selon l’enquête, les étudiantes et étudiants utilisent notamment l’IAG comme aide à l’apprentissage. © Alain Herzog 2024 EPFL

Selon l’enquête, les étudiantes et étudiants utilisent notamment l’IAG comme aide à l’apprentissage. © Alain Herzog 2024 EPFL

En 2024, deux enquêtes ont été menées à l’EPFL pour en savoir plus sur l’usage de logiciels d’intelligence artificielle générative (IAG) dans le cadre de l’éducation et des études. Côté enseignant, 61,5% des répondantes et répondants font usage de l’IAG, contre 79% côté étudiant. Si l’IAG est appréciée, il y a aussi un besoin de renforcer les compétences l’utiliser de manière plus efficiente dans le cadre éducatif.

Dans une université dédiée à la science et la technologie, comment le corps enseignant et la communauté étudiante utilisent l’IA générative (IAG)? Pour mieux identifier les pratiques et les besoins vis-à-vis de l’IAG dans le milieu académique, le Centre pour l’éducation à l’ère digitale (CEDE) et le Centre pour les sciences de l’apprentissage (LEARN) ont mené en 2024 deux enquêtes au sein de l’EPFL. L’une au semestre de printemps, à laquelle ont répondu 524 étudiantes et étudiants et l’autre au semestre d’automne, à laquelle ont répondu 109 enseignantes et enseignants. Côté enseignant, 61,5% des répondantes et répondants font usage de l’IAG, contre 79% côté étudiant. ChatGPT a conquis le corps enseignant et la communauté étudiante puisque 93% des personnes qui utilisent l’IAG le mentionnent.

Soutien à l’apprentissage

Selon l’enquête menée, les étudiantes et étudiants utilisent en priorité l’IAG comme aide à l’apprentissage, par exemple pour mieux comprendre des concepts vus en cours, comme aide au codage ou à l’écriture. Les enseignantes et enseignants quant à eux ont principalement recours à l’IAG pour créer des supports pédagogiques et soutenir l’apprentissage des étudiantes et étudiants. « Nous avons été surpris par le fait que 86% des enseignantes et enseignants ont exprimé la volonté d’utiliser plus l’IAG qu’actuellement. Pour ce faire, ils ont besoin de lignes directrices claires, de bonnes pratiques basées sur la recherche, de formations et d’accompagnement. Il s'agit là d'un appel à l'action massif », relève Jessica Dehler Zufferey, directrice exécutive du Centre LEARN.

Près de la moitié des enseignantes et enseignants ont en effet indiqué qu’ils n’avaient pas ou peu de compétences dans l’utilisation de logiciels d’IAG. Dans ce contexte, l’EPFL est en train de plancher sur des lignes directrices, et des ateliers sont en cours d’élaboration. De plus, un chapitre sur l’IA a été intégré au Guide des enseignant·es . Des conseiller·ères pédagogiques se tiennent également à disposition des personnes qui souhaitent utiliser l’IAG dans le cadre de leurs cours.

«Une attention particulière est nécessaire pour accompagner le corps enseignant dans la formulation de consignes adaptées pour les étudiantes et étudiants, afin de les guider vers une utilisation responsable d’outils d’IAG dans le cadre de leurs exercices, projets et autres situations d’évaluation, souligne Kim Lynn Uittenhove, collaboratrice scientifique au Centre LEARN et coauteure du rapport de l’enquête menée auprès du corps enseignant.

Esprit critique et inquiétudes

Les enseignantes et enseignants qui ont répondu à l’enquête ont d’ailleurs la volonté de mieux aider la communauté étudiante à faire un usage adapté de l’IAG. La majorité d’entre eux (62.8%) ne fournissant actuellement aucune instruction spécifique dans ce sens. «La formation des enseignant·es permettra de sensibiliser les étudiant·es aux limitations de l’IA et de clarifier les conditions acceptables d’utilisation dans le cadre des études, remarque Patrick Jermann, responsable du Centre pour l’éducation à l’ère digitale. Même si j’ai été étonné de constater que les étudiant·es utilisent l’IA de façon à ne pas court-circuiter leur apprentissage. Ils font preuve de sens critique et sont très au fait des limitations des modèles de langage en matière de mathématiques et de physique. Il est d’ailleurs frappant de lire leurs nombreuses inquiétudes par rapport aux transformations du monde à venir.»

Opportunités d’amélioration

Touchés de plein fouet par l’arrivée de l’IAG, les étudiantes et étudiants évoquent notamment la transformation du marché de l’emploi, la crainte d’une IA qui surpasse les compétences humaines, la production de faux médias, des préoccupations éthiques sur un usage de l’IA à des fins malveillantes, les questions d’équité et de biais, mais aussi le manque d’une régulation au niveau légal. Une récente étude de l’EPFL a mis aussi en évidence le fait qu’actuellement les étudiantes et étudiants ne font pas confiance à l’IA pour un feedback. Pourtant, comme le note Kim Lynn Uittenhove, «les outils d’IAG peuvent offrir un soutien incomparable à l’apprentissage, en multipliant les situations d’apprentissage actif, de feedback et de personnalisation.»

Comme le montre l’enquête, ces outils poussent aussi les enseignantes et enseignants à modifier le contenu de leur cours et leurs méthodes d’évaluation. Ainsi, 52% des répondantes et répondants voient une opportunité d’innover et d’améliorer les méthodes d’évaluation des connaissances. «Est-ce que vous monteriez à bord d’un avion conçu entièrement par des ingénieur·es évalués durant leurs études uniquement à l’aide d’examens avec des questions à choix multiples ? Probablement non … Une partie essentielle de l’apprentissage se passe par des projets qui sont évalués à travers des rapports et des défenses orales. Dans ce cadre, impossible de se faire remplacer par une IA » , conclut Patrick Jermann.