Cet article est publié dans le cadre de notre dossier «1 semaine, 1 ville» dédié à Sion.
Retrouvez ici l’intégralité de notre série avec tous les grands projets, les chiffres clés, les portraits et les micros-trottoirs.
Ronquoz: le quartier du XXIe siècle
Le futur quartier Ronquoz 21 est délimité par l’autoroute, les voies CFF et le Rhône. ©Herzog et de Meuron
Rare sont les villes qui disposent d’un tel terrain d’expérimentation. Le projet Ronquoz 21 tranche par son ampleur et sa durée. Entre le Rhône et les voies de chemin de fer, ce quartier de 60 hectares, aujourd’hui majoritairement en zone artisanale et industrielle, est appelé à devenir un lieu de vie, de commerce et de loisir. «La grandeur du périmètre est considérable pour une ville de la taille de Sion et le serait aussi pour une cité plus importante», explique Vincent Kempf. A titre de comparaison, l’urbaniste de la capitale cite «Lyon Confluence», présenté comme «un projet d’exception» qui représente 150 hectares, mais dont le foncier était essentiellement en main publique, à la différence de Ronquoz où bourgeoisie, Ville et canton ne possèdent que 40% des terrains.
L’enjeu pour la capitale est donc à la fois de donner l’impulsion en créant des espaces ouverts et de fixer aux différents acteurs les règles de développement qui feront de ce quartier celui du XXIe siècle, moins gris, plus vert et tourné vers la mobilité douce. «L’opération est appelée à s’étaler sur plusieurs phases et son achèvement complet est planifié jusqu’en 2050», conclut Vincent Kempf.
La ville s’ouvre sur le Rhône
L’idée de cette transformation apparaît en 2012. «Le plan directeur communal avait identifié la partie est de Ronquoz comme lieu de mutation urbaine, vu sa proximité avec le cœur de ville et les travaux liés à Rhône3. Les analyses menées depuis 2014 ont montré que le périmètre de transformation était bien plus large et nécessitait une planification urbaine coordonnée», explique Vincent Kempf. La troisième correction du fleuve devrait en effet le rendre plus accessible et l’ouvrir à la ville.
Pour le président de Sion, le Rhône est l’un des deux éléments déclencheurs, l’autre étant la venue de l’EPFL au sud de la gare et l’installation de la HES-SO à côté. «La création du campus Energypolis nous a fait prendre de la hauteur. Il y a, à côté de la ville historique et de celle du XXe siècle, un quartier qui peut être celui du XXIe siècle», explique Philippe Varone.
Un bureau de réputation mondiale
Pour définir ce quartier, la Ville a fait appel à ses habitants à travers un questionnaire et des ateliers participatifs. Convivial, accueillant, vert, jeune et innovant sont les adjectifs qui ressortent le plus des entretiens qui ont permis de cibler plusieurs attentes.
Suivra un concours d’architecture gagné en 2019 par le bureau bâlois Herzog et de Meuron. A l’ampleur du projet, ce choix ajoute le prestige d’une agence à la réputation internationale, récipiendaire, en 2001, du prix Pritzker, comparé à un Nobel dans la branche.
Ronquoz 21 et sa chaîne de parcs. ©Herzog et de Meuron
Les architectes-paysagistes ont dessiné une ligne arborée d’est en ouest qui doit relier différents parcs et poser les bases du futur écoquartier. «Le projet doit être optimal dans les trois axes que sont l’économie, l’environnement et le social par un travail approprié sur les espaces publics, le bâti, l’approvisionnement énergétique, la gestion de l’eau et la mobilité», explique Vincent Kempf.
Le quartier des Ronquoz, aujourd'hui. ©Sacha Bittel
Des industries devront partir
Une telle transformation se fait dans la durée. La Ville prévoit de donner l’impulsion avec les espaces publics. «Nous n’allons pas traiter 60 hectares en même temps, mais intervenir îlot par îlot», explique Philippe Varone. Quant aux privés, ils pourront s’adapter au nouveau plan de zone et aux règles de construction. «Personne ne devra transformer son bien du jour au lendemain. Mais nous offrons une vision à long terme et une orientation, en laissant le temps aux propriétaires de se positionner», précise Vincent Kempf.
Quant à la réorientation des activités, Philippe Varone se veut rassurant: «Nous ne voulons chasser personne, mais certaines activités n’auront plus leur place dans ce quartier. Nous voulons cependant garder ces entreprises sur notre territoire en les accompagnant et en ouvrant de nouvelles zones industrielles.»
Utopique ou réaliste?
Reste qu’avec un projet aussi grand, aussi long et avec autant d’acteurs, le risque existe qu’il n’aboutisse qu’en partie ou que, dans trente ans, le résultat soit éloigné de la volonté d’aujourd’hui. «Ce risque est identifié, mais j’estime que ce quartier, tel qu’il est proposé, sera une valeur ajoutée tant pour la ville que pour les propriétaires, et se fera selon les principes établis», répond Philippe Varone.
Ronquoz 21 en bref:
Coût: non estimé
Etape actuelle du projet: planification
Conclusion: 2050
Cour de Gare: nouvelle et gigantesque porte d’entrée de la ville
Cour de Gare tel qu’imaginé par les architectes. ©Bonnard et Woeffray
Si Ronquoz sera le quartier du XXe siècle, le projet Cour de Gare fera le lien avec la ville du XXe siècle. Là aussi, les chiffres sont impressionnants. Sept bâtiments, un parking souterrain de plus de 620 places, quelque 302 logements, un hôtel d’une centaine de chambres, près de 10 400 mètres carrés de bureaux et 5600 mètres carrés de surfaces commerciales vont remodeler le quartier. Le complexe abritera également une salle de concerts et de congrès de 2000 mètres carrés.
224 millions
Au total, l’enveloppe de Cour de Gare avoisine les 224 millions de francs. Le groupe de placement CSF Real Estate Switzerland du Crédit Suisse assure le financement du projet à hauteur de 200 millions.
Le chantier de Cour de Gare. ©Sacha Bittel
La Ville, elle, injectera quelque 24 millions de francs pour la salle de concerts et de congrès dont elle sera propriétaire. «Avec Cour de Gare et ses nouvelles infrastructures, Sion va devenir une ville de séjour où l’on vient passer un week-end, et plus uniquement une ville que les touristes visitent lorsqu’il fait mauvais en station», relève Philippe Varone. Le projet sera d’autant plus important si la liaison plaine-montagne se construit. Cette télécabine doit relier le sud de la gare au bas de la piste de l’Ours. Ainsi, l’hôtel se trouverait à quelques minutes du domaine des 4 Vallées, une possibilité rare de profiter à la fois des pistes de ski et des infrastructures urbaines. Devisé à 35 millions, ce projet doit encore trouver son financement, la Confédération ne lui ayant pas accordé la qualité de transport public et les subventions qui l’accompagnent.
Nouvelle porte vers la place du Midi
Avec la gare routière, les CFF et la potentielle liaison câblée, Cour de Gare se trouvera au centre du plus important hub de transports publics du canton. Idéal pour une ville qui veut accorder moins de place au trafic routier et vise un équilibre entre les différents types de mobilité.
Vincent Kempf, urbaniste de la Ville de Sion
«L’emplacement est stratégique. C’est lui qui connecte le nord et le sud des voies de chemin de fer», souligne Vincent Kempf. A l’est du complexe, un deuxième passage sous voie sera percé, reliant les quais, le campus Energypolis et la rue de l’Industrie, modifiant l’équilibre actuel du transit, y compris pour les cyclistes. «Aujourd’hui, les voyageurs sortent devant l’avenue de la Gare qui concentre tous les passages. Une autre possibilité leur sera offerte, ils pourront sortir par l’est et monter directement vers la place du Midi, une diagonale qui amène vers la vieille ville», précise Vincent Kempf.
Une passerelle devrait compléter le dispositif pour assurer les fonctions d’échange entre le projet Cour de Gare et le campus. «C’est en cours de réflexion. Elle permettra de relier la salle de congrès au bâtiment de la HES qui n’a pas d’aula», explique Vincent Kempf. Les bâtiments devraient sortir de terre au printemps 2024.
Cour de Gare en bref:
Coût: 200 millions pour les privés, 24 millions pour la Ville
Etape actuelle du projet: construction
Mise en service projetée: printemps 2024
Un pôle santé à la pointe de l’axe du savoir
L’hôpital et son extension prévue. Au bas de l’image, le campus HES-SO Valais. ©Jordan, Comamala, Ismaïl, architectes
Avec l’arrivée de l’EPFL et la nouvelle implantation à ses côtés de la HES-SO Valais, Sion se positionne comme ville étudiante et d’innovation. Le campus Energypolis, dédié aux secteurs de l’environnement, de l’énergie et de la santé, sera bientôt complet. Courant 2022, Alpole, le centre de l’EPFL pour la recherche sur l’environnement alpin et polaire, ouvrira dans l’ancien centre d’impression des Ronquoz et devrait accueillir 200 chercheurs.
Le Campus Santé prendra place sur ces terrains. ©Sacha Bittel
Dernier maillon de cette chaîne, un bâtiment de 17 000 mètres carrés de locaux répartis sur deux étages sortira de terre en 2025, à côté de l’hôpital du Valais, pour accueillir la Haute école de santé et l’Ecole supérieure de domaine social. En considérant l’agrandissement prévu de l’hôpital, ce «pôle santé» pourrait concentrer 5000 personnes contre 3000 aujourd’hui et participe au basculement de la ville vers l’est et le sud, avec des incidences sur les quartiers de Vissigen et de Champsec.
Recherche et création de valeur
Hormis les filières de la Haute école de santé et de la Haute école de travail social, le bâtiment jouxtant l’hôpital de Sion accueillera également des start-up et PME actives dans le domaine de la santé, des chercheurs de l’EPFL, SpArk, plateforme dédiée au sport et à la performance, ainsi que l’Observatoire valaisan de la santé. Pour le canton qui porte ce projet, cette concentration d’acteurs du domaine permettra de créer des synergies. «Ces étudiants étaient disséminés sur plusieurs sites vétustes et inadaptés à un enseignement moderne, ce qui n’est pas idéal. Une partie des locaux seront par ailleurs mutualisés afin de favoriser les collaborations. Demain, la formation et la recherche se feront au plus près des besoins dans ce nouveau Campus pôle santé.», explique Philippe Venetz, architecte cantonal.
«Les pratiques et la technologie évoluent très vite dans le monde de la santé. Ce partage de ressources, d’espaces et de réflexions permettra de développer des concepts de formation et de maintien des compétences en lien avec les progrès», ajoute Anne Jacquier-Delaloye, directrice de la filière santé de la HES-SO Valais. La stratégie est la même que pour le reste du campus Energypolis, créer une chaîne de valeur ajoutée, rappelle François Seppey, directeur de la HES-SO Valais: «Recherche fondamentale et appliquée se côtoient pour amener à la création d’entreprises. D’où la présence de The Ark qui doit accompagner ces concrétisations.»
Renouveau de Vissigen et de Champsec?
Le développement du pôle santé n’est pas sans conséquences pour les quartiers voisins. La population de Vissigen et de Champsec est déjà en augmentation et cela devrait continuer. «Que ce soit pour étudier, pour des stages ou plus durablement, des gens s’y installent», affirme le président de Sion, Philippe Varone. Il ajoute: «Nous sommes en train de construire dix salles de classe et deux salles de gym supplémentaires dans l’école de Champsec. De plus, nous pouvons nous attendre à ce que des entreprises issues du campus s’installent à Sion.»
Le futur collège sédunois, près du cours Roger Bonvin. ©Graeme Mann & Patricia Capua Mann
Ces quartiers profiteront aussi d’un autre chantier qui va s’ouvrir prochainement. Le nouveau collège accueillera 1200 étudiants dès 2025, à côté du cours Roger Bonvin. «L’extrémité sud-ouest de cet espace public est aujourd’hui globalement peu animée, car éloigné du tissu urbain, même si le skatepark amène ponctuellement un public jeune et dynamique. Avec les élèves et les équipements qui y sont prévus, notamment pour le sport, son rayonnement sera plus grand», explique Vincent Kempf.
Favoriser la mobilité douce
Ces évolutions auront cependant un impact sur la mobilité. La bretelle d’autoroute est déjà aujourd’hui saturée lors des heures de pointe. «S’agissant du pôle santé, des places de parc supplémentaires ne seront pas créées au regard du parking silo déjà aménagé. L’objectif de l’ensemble des acteurs est de renforcer le maillage en mobilité douce afin de créer une alternative à la voiture», explique Vincent Kempf. Premier élément concret de cette stratégie, une passerelle à 8,8 millions dédiée aux piétons et aux vélos enjambera l’autoroute à l’automne 2023. Avec, en plus, une nouvelle ligne de bus qui reliera le pôle santé à la rue de l’Industrie et à la gare, la Ville de Sion reste cohérente avec la stratégie verte qu’elle développe au quartier des Ronquoz.
Pôle santé en bref:
Coût: 85,9 millions
Etape actuelle du projet: la construction débute en mars.
Mise en service projetée: août 2025