Vers une guérison plus rapide et efficace des blessures

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Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point un procédé qui booste l’efficacité du processus de cicatrisation et pourrait mener au développement de nouveaux traitements en médecine régénérative.

En présence d’une blessure, le corps humain sait de lui-même réparer les tissus endommagés. Le processus est orchestré par des molécules appelées "facteurs de croissance". Ces protéines, présentes à l’état naturel dans les cellules, interviennent dans de nombreux mécanismes, allant de la cicatrisation au développement embryonnaire. Leur rôle régénératif les rend particulièrement intéressantes pour des applications dans des situations d’urgence, où ils pourraient permettre de guérir les plaies plus rapidement, d’éviter une trop grande perte de sang et de prévenir d’autres complications. Pourtant, l’utilisation de ces facteurs de croissance dans le développement de médicaments n’a jusque-là rencontré que peu de succès. Un groupe de recherche de l’EPFL a développé une méthode permettant d'augmenter leur efficacité dans le domaine de la régénération des tissus et des os, à des doses faibles et sûres. Leur travail est publié aujourd’hui dans Science.

Dans le domaine clinique, les facteurs de croissance sont étudiés et testés pour de nombreuses applications en médecine régénérative, la discipline traitant de la réparation des tissus et la guérison des blessures. Mais les essais menés en vue de créer des médicaments se sont avérés plutôt décevants. Visant à soutenir la formation des os, voire même à générer du tissu de granulation – la couche de peau riche en collagène se formant à la surface d’une blessure - ces tentatives n’ont pas permis d’obtenir une régénération aussi efficace à l’état clinique qu’à l’état naturel.

Chercher la liaison

Les facteurs de croissance agissent en liant les protéines à une «matrice extracellulaire», une structure entourant et subvenant aux besoins des organes et des tissus. Plus la force de cette liaison est grande, plus le facteur de croissance - et donc également le processus de guérison – sera efficace.

Une équipe de l’EPFL, dirigée par Jeffrey A. Hubbell, a étudié les liaisons de vingt-cinq facteurs de croissance à des protéines-clé de la matrice extracellulaire. Au terme d’une série de tests, les chercheurs ont identifié qu’un de ces facteurs, appelé PIGF-2, présentait l’adhérence la plus forte avec toutes les protéines. Ce qui signifie qu’il pouvait aussi être le plus efficace du lot.

Les scientifiques ont pu isoler la section d’ADN responsable de cette liaison particulièrement forte avec la matrice extracellulaire. En fusionnant cette séquence avec celles de trois autres facteurs de croissance moins efficaces, les liaisons de ces derniers s’en sont trouvées de deux à cent fois plus puissantes, laissant ainsi présager que des doses moins massives pourraient être suffisantes à l’avenir. Il est également apparu que ces facteurs de croissance conçus en laboratoire pouvaient reproduire les interactions nécessaires à la formation d’un caillot, ce qui représente un avantage non négligeable dans le processus de cicatrisation.

Petite dose, grands effets

Le groupe a également réalisé des applications locales et à faibles doses de facteurs de croissance sur des souris. Comparativement aux versions non modifiées, les échantillons combinés avec les séquences de PIGF-2 ont mené à une cicatrisation plus rapide des blessures et une production de tissu de granulation, et favorisé une formation plus importante de nouveaux vaisseaux sanguins. Des effets de même ampleur ont été relevés en matière de reconstruction des os. Testés sur des rats, les facteurs de croissance modifiés ont notamment engendré une plus grande accumulation de tissu osseux.

Les résultats de cette recherche montrent qu’une transformation relativement simple de ces facteurs de croissance permet d’améliorer fortement leur potentiel clinique, en les rendant plus performants, rentables et sûrs. «Au fil de l’évolution, la matrice extracellulaire et les facteurs de croissance ont développé une interaction étroite, explique Jeffrey Hubbell. Nous pouvons en tirer profit en modifiant les molécules et les traduisant cliniquement par la mise au point de nouveaux médicaments.» Les chercheurs poursuivent leurs études en combinant, grâce à une méthode bien rodée, la séquence de PIGF-2 à d’autres facteurs de croissance. Ils prévoient également d’étendre leurs expériences à d’autres espèces animales, puis d’entreprendre des essais préliminaires sur des êtres humains.

Source:
Martino MM, Briquez PS, Güç E, Tortelli F, Kilarski WW, Metzger S, Rice JJ, Swartz MA, Hubbell JA. 2014. Growth Factors Engineered for Super-Affinity to the Extracellular Matrix Enhance Tissue Healing. Science Feb 21 2014. Vol. 343 no. 6173 pp. 885-888 DOI:10.1126/science.1247663