Vers des infrastructures événementielles, temporaires et durables
La défense publique de la thèse de doctorat présentée par Loïc Fumeaux a eu lieu le 9 septembre dernier à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Réalisé sous la supervision du Prof. Emmanuel Rey au sein du Laboratoire d’architecture et technologies durables (LAST), ce travail de recherche porte sur l’intégration des critères de durabilité dans le processus de conception des infrastructures temporaires à vocation événementielle.
Au premier abord, les notions d’architecture temporaire et de durabilité semblent contradictoires. En effet, la pensée de développement durable reposant fondamentalement sur l’idée d’agir sur le long terme, il peut sembler incongru de songer à l’associer à des pratiques qui par essence s’inscrivent plutôt dans l’idée de répondre à un besoin immédiat et provisoire.
Cependant, le terme "durable" ne doit pas être ici compris au sens de la pérennité mais à l’inverse, comme une recherche constante d’un équilibre entre les besoins et les moyens mis en œuvre, qui sous-entend de répondre aux besoins présents sans compromettre ceux des générations qui nous suivront. Les générations suivantes auront en effet des impératifs à prendre en compte. Afin que leurs possibilités d’action ne soient pas hypothéquées par les activités humaines des générations précédentes, il apparaît nécessaire de ménager des marges de manœuvre, notamment du point de vue de l’environnement construit transmis en héritage.
Parallèlement à ces considérations théoriques générales, il s’observe aujourd’hui une inadéquation flagrante entre l’évolution rapide des pratiques socioculturelles et le renouvellement extrêmement lent du cadre bâti. Que ce soit dans la manière d’habiter ou de travailler, d’occuper les espaces construits ou dans la nécessité d’une recherche de flexibilité, le bâti se caractérise par une notion d’impermanence de plus en plus importante, qui contraste avec le caractère pérenne couramment admis et mis en œuvre dans les pratiques actuelles. La plupart des édifices sont construits pour durer, mais s’inscrivent dans une société où tout évolue rapidement et font donc face à des situations de décalage fréquent entre la forme et la fonction des espaces qu’il proposent.
Dans ce contexte, l’architecture temporaire peut donc constituer un potentiel intéressant pour chercher à répondre aux enjeux des temporalités multiples et proposer un potentiel de mutation. Une telle approche architecturale s’inscrit ainsi pleinement dans les préoccupations de durabilité évoquées précédemment, puisqu’elle vise à offrir un potentiel d’adaptation plutôt que des solutions figées.
Conscient de l’étendue de la question et de la complexité des réflexions portant sur la question de l’impermanence du bâti, notamment au regard de la nature des pratiques architecturales, le présent travail se concentre plus particulièrement sur un domaine très peu exploré à ce jour au niveau de la recherche et pour lequel la notion de temporalité courte est une donnée intrinsèque : le domaine des constructions temporaires à vocation événementielle.
Au travers d’une approche exploratoire, la méthodologie de recherche convoque un des archétypes de la conception architecturale éphémère et temporaire pour l’examiner comme un objet d’étude pouvant traduire idéalement les enjeux d’une conception associée à une approche basée sur des temps d’usage restreints. Le travail de recherche observe d’abord de manière détaillée ces pratiques considérées parfois à la marge de la discipline architecturale. L’analyse structurée de quatre cas représentatifs permet de mettre en évidence leurs limites en matière de durabilité. Partie intégrante de la recherche, l’approche évaluative inclut le développement d’une méthodologie inédite, spécifiquement adaptée à ce type de constructions et intitulée STAGE (Sustainable Temporary Arenas Global Evaluation).
La démarche propose ensuite le développement d’une solution alternative, qui optimise ses multiples performances dans une optique de durabilité et de qualité globale. Au travers d’une approche de « recherche par le projet », un processus de conception intégrée (PCI), à la fois interdisciplinaire et participatif, est expérimenté des premières esquisses jusqu’à l’élaboration détaillée d’un prototype.
Enfin, à partir du produit de cette réflexion, la recherche monte en généralité et explore de multiples possibilités d’utilisation de ce nouveau système. Cette approche permet de démontrer le potentiel de contribution à des sphères fonctionnelles multiples, illustrant ainsi ce que pourraient être les bases conceptuelles d’une "architecture de l’événement".
La présente recherche doctorale permet ainsi d’appréhender de manière structurée les multiples enjeux inhérents à l’application du concept de durabilité aux constructions temporaires à vocation événementielle. Il en résulte une méthodologie de recherche à la fois "multi-scalaire" et "multidisciplinaire", qui démontre le grand potentiel d’optimisation de ce type de constructions et la nécessité pour y parvenir d’en appréhender la conception simultanément à plusieurs échelles et en intégrant l’ensemble des acteurs concernés.