Vers des édifices plus adaptables pour une société en transition ?

Working Space © Olivier Wavre / LAST / EPFL

Working Space © Olivier Wavre / LAST / EPFL

Le professeur Emmanuel Rey du Laboratoire d'architecture et technologies durables (LAST) a été invité à rédiger une chronique sur l’architecture modulaire, diffusée simultanément dans plusieurs journaux suisses à l’instar du Nouvelliste, d’Arcinfo et de La Côte. L’article met en évidence les enjeux et potentialités de ce type d’approche, entre recherche d’adaptabilité et transitions vers la durabilité.

L'observation de notre patrimoine bâti montre que ce dernier se renouvelle selon des cycles relativement lents. Sa transformation nécessite souvent des interventions complexes, qui monopolisent d’importantes ressources environnementales et financières. A l'inverse, notre société se caractérise par des évolutions socioculturelles de plus en plus rapides et imprévisibles. Ce phénomène se manifeste tant dans le domaine de l’habitation, notamment par l'éclatement de la cellule familiale traditionnelle et la réduction de la taille des ménages, que dans celui des activités par l’accélération des évolutions d’ordre socioéconomique ou technologiques.

Face à ce double constat, les acteurs de l'environnement construit sont à la recherche de nouvelles stratégies pour répondre de manière durable à ces besoins changeants. Les nouveaux bâtiments devraient en particulier être à la fois plus évolutifs, plus adaptables et plus performants. Dans ce contexte, l’architecture modulaire offre une perspective prometteuse, dans la mesure où elle intègre dès les premiers pas du processus de conception les notions d’adaptabilité, de durabilité et de qualité architecturale.

Intimement liée à la préfabrication, elle se distingue par une conception qui repose sur la fabrication de macroéléments en atelier, qui sont ensuite transportés, déposés, montés ou empilés sur le site de construction. Ces macroéléments peuvent être bidimensionnels ou tridimensionnels, jusqu’à constituer parfois des unités spatiales entièrement équipées. S’inscrivant dans une continuité de préoccupations remontant aux débuts du mouvement moderne, à l’instar du Bauhaus dont le centenaire est célébré cette année, un tel art de bâtir nécessite de penser en systèmes. Cela suppose, dès les premiers pas conceptuels du projet, une intense prise en compte de la manière dont il sera construit.

A l’ère de l’urgence climatique, ce type d’approches entre aujourd’hui en résonance avec des attentes accrues en matière de bilan carbone et de gestion circulaire des ressources. Elles peuvent en effet favoriser la valorisation de ressources locales, en particulier le bois indigène, ou encore le réemploi de composants récupérés. 

Le fait qu'une part accrue de la construction se fasse en atelier décuple les potentialités de processus digitaux intégrés. Dans un contexte de densification urbaine, de tels chantiers présentent par ailleurs l’avantage d’une faible durée et de nuisances moindres pour le voisinage. Compte tenu de ces atouts convergents, un foisonnement de démarches innovantes peut être observé actuellement, qui concerne un nombre grandissant d’affectations, bien au-delà des seules structures événementielles, habitations d’urgence ou pavillons temporaires.

Ces considérations furent au cœur des échanges de la 10ème édition du Forum Ecoparc, qui a réuni le 6 septembre dernier plus de 120 participants à Microcity, l’antenne de l’EPFL à Neuchâtel. Moyennant une qualité architecturale à la hauteur des enjeux, un intéressant changement de paradigme pourrait ainsi émerger pour la conception de nouveaux édifices, en complémentarité des multiples interventions sur l’important parc bâti déjà existant.