Une startup garde « le secret » de l'analyse des données sensibles

Jakob Odersky, Dimitar Jetchev, Manohar Jonnalagedda et Iraklis Leontiadis d'Inpher à la conférence Scala Days en juin © Dimitar Jetchev

Jakob Odersky, Dimitar Jetchev, Manohar Jonnalagedda et Iraklis Leontiadis d'Inpher à la conférence Scala Days en juin © Dimitar Jetchev

Inpher, une startup de l'EPFL Innovation Park, a développé une plate-forme informatique qui maximise la sécurité en permettant aux utilisateurs de voir uniquement les résultats des analyses effectuées sur des données distribuées et privées (et de ne pas voir les données elles-mêmes). Des collaborateurs provenant de la Faculté informatique et communications (IC), qui ont apporté leur expertise en cryptographie, sécurité, compilateurs et langages de programmation à Inpher, sont au cœur du succès de l’entreprise.

La plate-forme cryptographique Secret Computing® d’Inpher, basée sur le calcul multipartite sécurisé, a des applications pour la finance, la santé et la fabrication. Le logiciel pourrait-être particulièrement utile pour des entreprises dans des pays comme la Suisse, où les lois interdisent le partage transfrontalier des données des clients.

« Cette technologie garantit que vous n'apprenez rien sur les données, mais seulement sur la fonction exécutée sur les données. Par conséquent, il n’est pas touché par la réglementation générale de l'Union européenne en matière de protection des données [GDPR] » explique Dimitar Jetchev, cofondateur et CDT d'Inpher.

De la fintech à l'aviation

La plate-forme informatique secrète d'Inpher permet aux modèles d'intelligence artificielle de tirer des conclusions à partir de données cryptées provenant de multiples sources de données privées distribuées sans compromettre la sécurité.

Afin d’expliquer le concept de calcul multipartite sécurisé, Dimitar Jetchev en donne un exemple : « Imaginez que vous avez un numéro secret et que vous jouez avec deux autres joueurs. Si vous générez trois nombres aléatoires dont la somme est votre numéro secret, et distribuez deux des nombres aléatoires aux deux autres joueurs, aucun joueur à part vous - le détenteur des données - ne connaîtra jamais le numéro secret lui-même».

Une telle approche permet de former des modèles du machine learning sur des données provenant de régions ou de pays différents. Résultat : des meilleurs algorithmes, sans compromis de la confidentialité. Les aperçus des données peuvent également être monétisés, sans les vendre ou les révéler.

Dans le secteur financier, qui a souffert jusqu'à présent d'un manque de données agrégées pour l’analyse en toute sécurité, de tels modèles de machine learning pourraient être utilisés pour effectuer des analyses du risque de crédit ou détecter la fraude. La technologie d'Inpher offre également un potentiel dans le domaine de la maintenance prédictive : l’estimation du temps restant avant qu'un produit doive être remplacé, basé sur des données concernant la façon dont ce produit est utilisé. La maintenance prédictive est particulièrement importante dans l'industrie de l’aviation, afin d’assurer que toutes les pièces de l'avion sont sûres et conformes au code. 

Des racines suisses

Dimitar Jetchev, professeur soutenu par le Fonds national suisse à la Faculté des sciences de base de l'EPFL, a effectué ses recherches postdoctorales dans le Laboratoire de cryptologie algorithmique (LACAL) d’IC. En 2015, il a cofondé Inpher avec le PDG Jordan Brandt, dans l'EPFL Innovation Park.

Aujourd'hui, l'entreprise a un bureau à New York et a fait l'objet d'articles dans le Wall Street Journal. En fin de l'année dernière, la startup a franchi une étape importante de son développement avec l'obtention d'un financement de série A de dix millions de dollars de JP Morgan Chase & Co.

La plupart des collaborateurs d'Inpher ont amené leur expertise en cryptographie et en sécurité de l'EPFL. Aujourd'hui, il y a environ 18 collaborateurs, qui ont aussi des compétences complémentaires en statistique, en machine learning et dans la conception du compilateur. La technologie de base de l'entreprise est encore développée dans l’Innovation Park.

« La plate-forme informatique secrète d'Inpher exige beaucoup d'expertise dans les compilateurs et les langages de programmation, et nous avons eu beaucoup de chance d'être à proximité de l'EPFL » dit Dimitar Jetchev. Il souligne les collaborations en cours avec les laboratoires de méthodes de programmation (LAMP), de systèmes décentralisés et distribués (DEDIS), des communications informatiques et leurs applications (LCA), et de sécurité et de cryptographie (LASEC), ainsi que le Swiss Data Science Center (SDSC).