Une PolySphère pour l'enseignement le mieux adapté en période COVID
Les étudiantes et étudiants ont décerné cette année une nouvelle PolySphère pour la meilleure adaptation de cours en ligne. Interview avec son lauréat, Sylvain Roy, bioingénieur et médecin, qui a également reçu la PolySphère de la Faculté des Sciences de la vie.
Chargé de cours à la Faculté des Sciences de la vie, Sylvain Roy enseigne aux étudiantes et étudiants de 3e année Bachelor la physiologie par systèmes. En parallèle, ce docteur en médecine, exerce comme ophtalmologue. Ancien pilote professionnel, il est également expert chef en ophtalmologie de l’Office fédéral de l’aviation civile. A lui donc de trancher si les futurs pilotes ont les capacités visuelles requises pour voler. Un exercice parfois difficile sur le plan humain. «Je brise des rêves, il faut donc faire preuve de tact et en même temps se montrer ferme pour ne pas entretenir un vain espoir». Sylvain Roy favorise alors le dialogue et l’écoute, comme dans son enseignement. Discussion avec un passeur de savoir aux multiples casquettes.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez reçu ces PolySphères ?
J’ai été ému aux larmes, c’est une magnifique reconnaissance de la part des étudiants, ça me touche beaucoup. Lorsque j’ai commencé à enseigner à l’EPFL en 2014, j’ai accompli un des rêves de ma vie, j’essaye d’être digne de cet honneur. J’ai toujours aimé transmettre le savoir, c’est dans mon ADN. J’ai beaucoup reçu dans ma vie, j’ai eu de la chance, maintenant c’est à mon tour de donner. J’ai du plaisir à vulgariser et à écouter les étudiants. Je les respecte et j’ai beaucoup d’égards pour eux. J’ai moi-même dû faire mes preuves, me battre pour arriver où j’en suis, je m’investis donc afin que cela marche pour eux, ils y sont sensibles je pense.
Quelles sont les caractéristiques de votre enseignement ?
Mon but est que les étudiants acquièrent un outil de réflexion pour la suite, au-delà du savoir, je souhaite leur transmettre du savoir-faire et du savoir-être. Je privilégie l’interaction, j’essaye d’alimenter leur curiosité, de stimuler leur réflexion par le biais de questions. Parfois, je m’inspire d’exemples pratiques soumis par un collègue médecin généraliste.
Je mets aussi l’accent sur la rédaction, car j’ai remarqué que beaucoup d’entre eux ont de la difficulté à clarifier leurs idées et à les restituer par écrit. Il est important pour leur future carrière qu’ils sachent réaliser cet exercice et valoriser leur propre personnalité.
Est-ce que vous vous souvenez de votre premier cours donné à l’EPFL ?
C’était dans un très grand auditoire et j’avais une pression énorme. La première année, je n’ai pas eu de très bons retours, car mon cours était trop orienté médecine et pas assez ingénierie. J’ai pris en compte les critiques des étudiants et j’ai ajusté le contenu pour être à la croisée de ces disciplines. C’est la clé de voûte de mon cours.
Le médecin pose un diagnostic sur une problématique et la traite avec les moyens existants. L’ingénieur lui doit imaginer de nouveaux moyens de traitement, trouver des solutions aux problèmes. Les bioingénieurs doivent apprendre la nomenclature liée à la médecine, comprendre le mode de raisonnement des médecins, les contraintes pratiques. Au bloc opératoire par exemple, le temps a une autre dimension, chaque seconde compte, toute attente est préjudiciable, le chirurgien est sous pression, son niveau de tolérance est faible. Parfois des solutions ont l’air stimulantes mais en pratique elles sont irréalisables.
Vous maîtrisez le dialogue entre ces disciplines puisque vous êtes à la fois ophtalmologue et chercheur en bioingénierie médicale.
C’est vrai que j’ai un parcours particulier. A la fin de mes études au gymnase, j’ai hésité entre l’EPFL et des études en médecine. J’ai opté pour ces dernières. A environ 30 ans, avec un associé, j’ai ouvert un cabinet d’ophtalmologie, mais il me manquait quelque chose, mon esprit n’était pas fait pour cette routine, j’avais besoin de nouveaux challenges intellectuels et j’étais super motivé à faire de la recherche. Après un doctorat en médecine, j’ai donc effectué un diplôme d’études spécialisées en ingénierie biomédicale à l’EPFL. Et un post-doctorat dans le laboratoire d’hémodynamique et de technologie cardiovasculaire durant lequel j’ai travaillé sur le développement de l’implant eyeWatch pour le traitement du glaucome.
En mars, de quelle manière avez-vous vécu l’annonce de la fermeture du campus?
En tant que médecin, j’observais déjà depuis plusieurs semaines que la situation se péjorait. Le jeudi 12 mars, lorsque j’ai donné mon cours, où nous étions en train d’aborder le chapitre dédié au système respiratoire, j’ai eu le pressentiment que je ne reverrais peut-être plus les étudiants en présentiel. Le vendredi 13 mars, le Conseil fédéral a prononcé le semi-confinement, et nous avons dû organiser l’enseignement à distance en 48 heures. J’ai contacté quelques étudiants pour leur demander leur avis sur les adaptations à effectuer. Ils m’ont dit faites comme d’habitude et continuez à nous poser des questions.
Et l’adaptation a bien fonctionné ?
J’ai donné mon cours en live à l’heure habituelle, car je sais à quel point les rituels sont importants surtout dans une période comme celle-ci. J’avais 100 étudiants inscrits à mon cours, je me demandais si la connexion Internet allait tenir le coup et comment allait passer le message. C’est déstabilisant de parler sans voir les visages des étudiants.
Régulièrement, je les ai sondés pour savoir comment cela s’était passé et les difficultés rencontrées. J’ai aussi mis en place des sessions zoom pour échanger avec eux. J’ai remarqué via celles-ci que certains étudiants avaient juste besoin de parler, d’être rassurés en cette période particulière. Tous les étudiants ne sont pas logés à la même enseigne, certains se sont retrouvés isolés sans personne à qui parler. Grâce à la discussion, j’ai voulu minimiser l’impact du COVID sur leur capacité à étudier.
Quelles difficultés principales les étudiants vous ont partagées ?
La fatigue surtout, tenir des heures devant un écran. Après, il y a eu plusieurs inquiétudes par rapport au fait que l’examen se déroulerait en août alors que le cours finissait fin-mai. J’ai promis de les accompagner et durant tout le mois de juillet j’ai organisé une fois par semaine des séances de préparation à l’examen. Durant l’été, j’ai également enregistré en vidéo les cours donnés avant le semi-confinement. Les étudiants me l’avaient demandé afin de bénéficier de tout mon enseignement en ligne. Au final, j’ai fait un examen standard, je ne l’ai pas rendu plus facile mais il n’était pas compliqué non plus. Il y a eu un bon taux de réussite, ils étaient largement préparés.
D’un point de vue personnel, comment avez-vous vécu cette période du semi-confinement ?
D’un point de vue sociétal, je pense que cette période a été critique pour tout le monde. Humainement, cette situation était extraordinaire, contre nature. Lors d’événements difficiles, l’être humain a l’habitude de se réunir, de faire corps. C’est la première fois qu’on lui impose une distance avec ses semblables. C’est très brutal pour la psychologie humaine.
En tant qu’indépendant, il y avait aussi l’aspect économique, puisque toutes mes opérations ont été annulées et que j’avais très peu de patients.
Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur: Anna Fontcuberta i Morral
Faculté des sciences de la vie et meilleure adaptation de l'enseignement: Sylvain Roy
Faculté informatique et communications: Sabine Süsstrunk
Faculté de l'environnement naturel, architectural et construit: Luca Rossi