Une plateforme pour faire parler les images satellites

Franck de Morsier, CTO, et Pierrick Poulenas, CEO de Picterra © 2018 Alain Herzog

Franck de Morsier, CTO, et Pierrick Poulenas, CEO de Picterra © 2018 Alain Herzog

Faire parler les images prises par des drones ou des satellites : la start-up Picterra propose une plateforme intelligente qui permet en quelques clics, d’obtenir des informations, des statistiques ainsi qu’une représentation des changements intervenus sur un territoire choisi. La start-up présentera sa plateforme dès demain aux professionnels du secteur ainsi qu’au grand public, lors du « GeoSummit », salon suisse de la géoinformation, qui se tiendra à Berne.

Qu’ont en commun la surveillance d’un parc national, l’identification d’emplacements propices à la construction d’un bâtiment et la gestion d’un vignoble ? Toutes ces missions, ainsi qu’une vaste palette d’autres, peuvent être effectuées de manière plus rapide et globale sur la base de prises de vues aériennes ou satellite. La plateforme d’intelligence artificielle développée par la start-up Picterra permet à tout un chacun de faire parler les images prises par un drone ou un satellite, dont une grande partie est en libre accès, en quelques clics. Elle sera présentée dès demain au grand public ainsi qu’aux professionnels au GeoSummit, salon suisse de la géoinformation, qui se tiendra à Berne.

La plateforme, dont les algorithmes de base ont été développés par le CTO, Frank de Morsier, est capable de repérer et compter des éléments choisis par l’utilisateur ainsi que des changements spatio-temporels après un apprentissage interactif rapide des objets à repérer. La machine compare à toute vitesse les charactéristiques de l’objet avec les autres éléments de l’image ou l’image de base avec les autres prises de vues de l’endroit pour détecter les changements. « Si l’intelligence artificielle (IA) a fait d’énormes progrès dans les domaines du langage « naturel » ou de l’analyse de texte, l’IA dédiée à l’exploitation de l’imagerie terrestre est un territoire quasi inexploré », souligne le chercheur, également chargé de cours au Laboratoire de systèmes d’information géographique de l’EPFL.

L’expertise humaine au cœur de l’intelligence artificielle

Pour l’utilisateur cela se traduit par le téléversement de son orthomosaïque, soit la juxtaposition des images aériennes pour n’en faire qu’une seule. Il accède également directement à plusieurs sources d’images satellites correspondant à sa zone d’intérêt. Il choisit quelques sélections dans un menu déroulant puis le pointage sur l’image de quelques exemples du type d’éléments choisis. Le procédé peut être ensuite enrichi d’autres prises de vues. Le champ des applications est donc vaste : l’agriculture, la défense, la finance, les transports maritimes, les administrations publiques, les universités et les laboratoires de recherche. D’autres plateformes d’agrégation et d’exploitation des images prises du ciel existent, mais la start-up rend le système simple et utilisable par tout un chacun, selon ses besoins. C’est donc l’expertise humaine qui donne la direction à suivre à l’apprentissage de la machine.

L’entreprise fondée en 2016 a confronté son système à plusieurs situations réelles comme la surveillance des coupes illégales de bois dans plusieurs pays africains, asiatiques ou encore en Amérique du Sud, des ceps d’un vaste vignoble, ou encore, la détection des arbres risquant de toucher les lignes à haute tension. Forte de ce savoir-faire, la start-up s’est orientée également vers cette nouvelle plateforme personnalisable et utilisable par tout un chacun. La grandeur du territoire à observer peut aller jusqu’à 2000 km2 , soit la taille d’une image satellite. Mais la couverture est globale, il est donc possible de scanner une surface allant de quelques hectares à un continent entier. « Par exemple on peut tout à fait imaginer qu’une association de citoyens entraine une intelligence artificielle à différencier sur une plage les déchets organiques de ceux d’origine humaine, ou encore qu’une entreprise suive, grâce à son intelligence artificielle personnalisée, sa cargaison à travers le monde », souligne Pierrick Poulenas, CEO de la start-up.

L’entreprise profite d’autre part de la libéralisation du secteur spatial. L’arrivée de nombreuses entreprises capables de construire, de lancer et d’opérer à moindres coûts des satellites d’observation, mais aussi des engins d’un nouveau genre tels que les drones solaires en orbite basse. Cela a un impact direct sur le coût des images, qui a chuté tandis, que leur résolution spatiale et temporelle a explosé. « Dans les cinq prochaines années, des images de la Terre en haute résolution et en temps réel seront disponibles. Le marché, d’ici 10 ans est estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars», se réjouit le CEO de la start-up de l’Innovation Park de l’EPFL.