Une nouvelle technique pour concentrer un engrais issu des eaux usées

Océane Hames et Lucas Ott dans un laboratoire de l'EPFL. © Alain Herzog/ 2019 EPFL

Océane Hames et Lucas Ott dans un laboratoire de l'EPFL. © Alain Herzog/ 2019 EPFL

Série d'été: Dans le cadre d’un projet de semestre, deux étudiants de l’EPFL en ingénierie de l’environnement sont parvenus à adapter une nouvelle technologie appliquée jusqu’ici aux jus de fruits à un engrais fabriqué à la station d’épuration d’Yverdon-les-Bains (VD).

A l’EPFL, les étudiants de master en environnement Océane Hames et Lucas Ott se sont intéressés aux techniques de pointes utilisées à la station d’épuration (STEP) d’Yverdon-les-Bains. La STEP du nord vaudois est pionnière en Suisse en matière de traitement et de revalorisation de l’azote présente dans les eaux usées en exploitant depuis 2016 la première installation de «stripping membranaire» du pays.

Cette technique permet de fixer l’azote grâce à une membrane en polypropylène qui agit comme un filtre, à la suite de plusieurs étapes de prétraitement des eaux usées. Le procédé permet de limiter la quantité d’azote rejeté dans le milieu naturel et de créer un engrais de haute qualité, certifié par l’Office fédéral de l’agriculture. Le volume d’engrais produit annuellement (140 m3) est redistribué à un agriculteur local qui l’épand sur ses cultures, refermant ainsi le cycle de l’azote.


Afin de mieux valoriser cet engrais liquide, une concentration supérieure aux 40 g/L d’azote actuel serait souhaitable afin de limiter les coûts de stockage et de transport du produit. C’est là que sont entrés en scène, le temps d’un projet de semestre, Océane Hames et Lucas Ott. Les étudiants se sont penchés sur la possibilité d’intégrer une étape de concentration d’azote au processus existant.


Pour ce faire, ils se sont inspirés du procédé de «distillation osmotique», actuellement appliqué, entre autres, pour concentrer les jus de fruits. Après plusieurs jours d’expérience en laboratoire, les étudiants ont été en mesure de concentrer l’engrais à un état proche du point de saturation. Leurs essais ont également permis de quantifier le flux de vapeur d’eau transférée, offrant des perspectives de dimensionnement précises pour une installation à grande échelle de cette technologie.

Collaboration avec l’industrie
Pour tester la distillation osmotique sur l’engrais existant, les deux étudiants ont travaillé en étroite collaboration avec l’entreprise Membratec, basée à Sierre et spécialisée dans le traitement d’eau à l’aide de technologies membranaires. L’entreprise leur a mis à disposition un prototype muni de pompes, de deux réservoirs de 25 litres et de deux cylindres en métal contenant une membrane. La machine a permis aux étudiants de créer un circuit dans lequel ils ont fait passer une formule chimique équivalente à celle de l’engrais actuellement mis à la disposition de l’agriculteur vaudois.


«La distillation osmotique permet de concentrer le jus de fruits à température ambiante, ce qui a l’avantage d’en conserver les saveurs et les apports nutritionnels», explique Océane Hames, étudiante en master. «Le transfert d’eau s’opère grâce à la filtration qu’opère la membrane, qui est hydrophobe mais perméable aux composés gazeux. Elle permet donc à la vapeur d’eau de traverser la membrane, poursuit Lucas Ott. Le principe de concentration repose sur la différence de pression partielle de vapeur entre les deux liquides mis en contact par la membrane. Nous avons appliqué le même principe à l’engrais liquide.»

Complément à la formation théorique
Appelés «Design Projects», ces travaux sont imposés aux futurs ingénieurs en environnement de niveau master. Ils permettent aux étudiants de se plonger dans la recherche tout en échangeant avec le monde professionnel. «J’ai beaucoup aimé l’aspect expérimental de ce travail et aussi d’avoir eu la possibilité de partager nos avancées chaque semaine avec un ingénieur de Membratec», note Lucas Ott. «Passer six heures par jour dans un laboratoire, ça nous a vraiment changés de nos études», souligne pour sa part Océane Hames, et l’idée qu’il y avait potentiellement une application concrète de notre recherche était très motivante.»


A noter que leurs travaux ont été encadrés à l’EPFL par Christof Holliger, professeur ordinaire et directeur du Laboratoire de biotechnologie environnementale (LBE). L’apport des étudiants est aussi valorisé du côté de l’industrie: «Nous avons beaucoup apprécié coacher les étudiants. Lorsque les limites du projet sont clairement définies et que les étudiants sont motivés et bien encadrés à l’interne, c’est vraiment du win-win», indique pour sa part Christophe Bonvin, qui a suivi les travaux des étudiants de l’EPFL pour Membratec.