Une molécule qui vaut de l'or pour lutter contre le cancer

Détail de la molécule du cisplatine © Benjamin Mills

Détail de la molécule du cisplatine © Benjamin Mills

Les chercheurs de l’EPFL ont montré comment le cancer peut être combattu avec des molécules non organiques, qui contiennent du métal. La découverte ouvre un nouveau champ de recherche.

Certaines chimiothérapies s’attaquent à l’ADN des cellules cancéreuses. Leur efficacité est souvent limitée par le développement de résistances. C’est là qu’une protéine appelée PARP intervient. Elle initie une réaction qui permet de réparer les lésions que les médicaments ont provoqué sur l’ADN des cellules malades. Pour diminuer ces effets indésirables, les médecins utilisent des traitements complémentaires. Angela Casini du Laboratoire de chimie organométallique et médicinale et Yury Tsybin du Laboratoire de spectrométrie de masse de biomolécules viennent de montrer comment certaines molécules inhibent efficacement cette protéine, dont la mission habituelle est paradoxalement de protéger l’ADN contre les agressions.

Les traitements du cancer provoquent des lésions sur l’ADN. La protéine PARP entre alors en jeu. Elle se fixe sur ces lésions pour les signaler et lancer un processus de réparation. Les chercheurs ont montré que les composés basés sur du métal peuvent inhiber le PARP en altérant une partie de cette protéine. Ils ont d’abord étudié du cisplatine qui contient du platine. Cette thérapie déjà connu des oncologues pour son effet anti-cancéreux, mais pas pour ses propriétés contre les effets secondaires. Ensuite, ils ont mis en évidence l’efficacité des molécules comprenant de l’or. « Ces nouveaux résultats sont très encourageants pour contourner les résistances des cellules cancéreuses », commente Angela Casini.

Vérifier une intuition

La chercheuse a été guidée par son intuition de chimiste. « Nous avons postulé que les molécules avec du métal en leur centre étaient efficaces comme agent inhibiteur du PARP sur la base des propriétés chimiques des éléments. Mais il fallait encore vérifier expérimentalement au niveau moléculaire. »

C’est avec l’aide de Yury Tsybin que la chercheuse a pu publier les premiers résultats. Le chimiste a utilisé un appareil particulièrement précis, appelé spectromètre de masse à haute résolution. Ce dispositif permet aux scientifiques faire des mesures en particulier avec les molécules dans une solution liquide, ce qui est nécessaire pour faire interagir le composant métallique avec l’ADN, comme dans les cellules.

« Pour comprendre quelles sont les interactions entre les différentes molécules et comment elles se combinent, il est indispensable de connaître leur masse exacte ainsi que celle de leurs fragments. Cela nous permet de déduire les réactions qui se sont produites », explique Yury Tsybin. C’est ainsi que les chercheurs ont pu comprendre l’action du composant métallique avec la protéine PARP.

De nouvelles perspectives thérapeutiques

Les chimistes espèrent également ouvrir un nouveau champ de recherches en testant d’autres molécules métalliques. Grâce à leur méthode, il devient possible d’imaginer des applications pour d’autres thérapies. « C’est un pari, il n’y a rien dans les publications », explique Angela Casini. Mais les enjeux sont importants, comme en témoignent les efforts déployés dans la lutte contre le cancer.

Source :
Metal-Based Inhibition of Poly(ADP-ribose) Polymerase – The Guardian Angel of DNA, Filipa Mendes, Michael Groessl, Alexey A. Nazarov, Yury O. Tsybin, Gianni Sava, Isabel Santos, Paul J. Dyson, and Angela Casini, Journal of Medicinal Chemistry.

Liens :
http://lsmb.epfl.ch/
http://lcom.epfl.ch/


Auteur: Nicolas Guérin

Source: EPFL