Une molécule artificielle pour tuer le virus de la grippe

Des scientifiques de l’EPFL ont conçu une molécule artificielle capable de détruire le virus de la grippe. Ils espèrent obtenir un médicament dans le futur. 

La grippe est l’une des infections virales les plus répandues et représente un problème de santé publique majeur. Pour certains, l’attraper signifie passer une semaine au lit, mais d’autres encourent un risque élevé d’hospitalisation, et dans les cas les plus graves, de décès. Les scientifiques du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces de l’EPFL, en collaboration avec ceux de Caroline Tapparel, professeure au Département de microbiologie et de médecine moléculaire de l’université de Genève, ont créé une molécule capable de détruire le virus de la grippe. Cette découverte s’avère prometteuse pour la création d’un médicament contre la maladie saisonnière. La recherche est publiée dans Advanced Science.

Symptômes tardifs

« La grippe représente un risque élevé de pandémie, souligne Francesco Stellacci, professeur à l’EPFL. Les vaccins doivent être mis à jour chaque année puisque la souche du virus mute. Et parfois, ils se révèlent moins efficaces. Il serait donc judicieux de les compléter avec des médicaments qui peuvent limiter les effets d’une contagion massive. » Des antigrippaux, il en existe déjà. Le tamiflu est le plus connu. Cependant, il possède un inconvénient : il doit être administré dans les 36 heures après l’infection. Passé ce délai, il n’est plus actif. La plupart du temps, les symptômes se développent 24 heures après la contamination. « On arrive souvent trop tard pour prendre le tamiflu, indique Francesco Stellacci. De plus, pour se montrer vraiment fonctionnels, les médicaments antigrippaux devraient être virucides, c’est-à-dire inhiber de manière irréversible l’infection virale. Or ce n’est pas le cas. »

Efficace et non toxique

Développer un médicament contre la grippe est toutefois un vrai défi : non seulement parce que le virus mute, mais parce qu’en plus de se montrer efficace, le médicament ne doit pas être toxique. « Avec cette maladie, les chances de survie sont élevées, il faut donc un médicament avec très peu, voir pas d’effets secondaires, sinon cela ne vaut pas la peine de le prendre », explique Francesco Stellacci.

Francesco Stellacci dans son laboratoire © 2020 EPFL

Le virus s’attache naturellement aux membranes des cellules pour infecter le corps humain. Puis, il se détache et en contamine d’autres. Les antiviraux existants attaquent le virus à l’intérieur des cellules et bloquent temporairement la réplication virale. Les chercheurs se sont ainsi penchés sur une nouvelle conception de molécules virucides fonctionnelles et non nocives contre la grippe. Ils ont développé une molécule de sucre modifiée qui imite la membrane cellulaire humaine. Dupé, le virus s’y accroche. « Notre molécule applique alors une pression locale qui le détruit. Cette réaction est irréversible », poursuit Francesco Stellacci.

Comme ce phénomène se passe à l’extérieur des cellules, l’efficacité du composant s’avère constante durant les premières 24 heures après l’infection, révèlent des tests sur les souris. Cela laisse présager une efficacité supérieure à 36 heures pour les êtres humains. « Sur le même modèle animal, l’efficacité de l’oseltamivir (nom scientifique du tamiflu) est presque totalement perdue », précise le scientifique. La molécule créée dans le laboratoire de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL possède aussi l’avantage d’être à large spectre, ce qui signifie qu’il agit sur plusieurs types de grippes. Cette recherche s’applique essentiellement à la grippe saisonnière et ne concerne pas le développement de traitement contre le COVID-19.

Financement

Cette recherche est rendue possible grâce au financement de la Werner Siemens Stiftung.


Auteur: Valérie Geneux

Source: EPFL