Une lumière plus puissante grâce à l'air

Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point une technologie qui amplifie la lumière dans les nouvelles fibres optiques creuses. Une découverte prometteuse pour le futur de la communication.


« Cela fait quinze ans que cette idée me trotte dans la tête, mais faute de temps et de moyens, j’ai pris du temps à la réaliser ». Luc Thévenaz, directeur du Groupe pour la fibre optique (GFO), a finalement réalisé son projet : une technologie qui amplifie la lumière dans les nouvelles fibres optiques à cœur creux.

La quadrature du cercle

Aujourd’hui, l’intérieur des fibres optiques se constitue de verre plein. Il n’y a pas d’air. La lumière s’y propage, mais perd la moitié de son intensité au bout de quinze kilomètres. Puis, elle faiblit continuellement pour être à peine détectable à 300 kilomètres. La lumière doit alors être régulièrement amplifiée afin de poursuivre son chemin.

Une fibre à coeur creux © Malak Galal, Fan Yang, Flavien Gyger, Luc Thévenaz/2020 EPFL

Les nouvelles fibres creuses, avec lesquelles travaille Luc Thévenaz, renferment de l’air ou du gaz. « L’air permet d’avoir moins d’atténuation et donc une propagation à plus longue distance. Il s’agit d’un grand avantage », explique le professeur de la faculté des Sciences et techniques de l’ingénieur. Cependant, dans un milieu ténu comme l’air, la lumière est bien plus difficile à amplifier. « C’est la quadrature du cercle : la lumière se propage mieux lorsqu’elle a moins d’interaction avec la matière. En contrepartie, la possibilité d’agir sur la lumière se restreint d’autant. Notre découverte a résolu ce problème », révèle le scientifique.

De l’infrarouge à l’ultraviolet

Comment les chercheurs ont-ils procédé ? « Nous mettons simplement l’air de la fibre sous pression. On crée ensuite une perturbation bien ordonnée. A l’aide du principe de la pince optique, les molécules d’air sont comprimées et forment de petites concentrations espacées régulièrement. Une onde sonore se développe et prend de l’amplitude, diffractant efficacement la lumière d’une source puissante vers le faisceau affaibli, jusqu’à l’amplifier 100'000 fois », déclare Fan Yang, postdoctorant. Grâce à cette nouvelle technologie, la puissance de la lumière est considérablement multipliée. « Notre découverte s’applique à toutes les lumières, de l’infrarouge à l’ultraviolet, et à tous les gaz », ajoute le scientifique. Cette recherche est publiée dans la revue Nature Photonics.

Les scientifiques Luc Thévenaz, Flavien Gyger et Fan Yang © Alain Herzog/2020 EPFL

Thermomètre ultra précis

A l’avenir, ce système ne servira pas seulement à amplifier la lumière. Les fibres optiques à cœur creux et à gaz comprimé pourront également être utilisées comme thermomètre ultra précis. « Nous serons capables de mesurer la distribution de température à n’importe quel endroit de la fibre. Par exemple, si un feu apparaît dans un tunnel, nous saurons exactement où il s’est déclenché en fonction de l’augmentation de la chaleur à un point donné », indique Flavien Gyger, doctorant. Cette technologie sera aussi utile pour créer une mémoire optique temporaire. La lumière pourra être stoppée dans la fibre durant une microseconde, soit dix fois plus longtemps qu’actuellement.

Financement

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