Une loupe cosmique pour percer le mystère des trous noirs

© 2012 EPFL

© 2012 EPFL

Pour connaître la masse d’une galaxie, il faut… une autre galaxie. En utilisant le téléscope spatial Hubble de la NASA et de l'ESA, des chercheurs de l’EPFL ont identifié des cas de galaxies comprenant un trou noir supermassif et agissant comme lentille gravitationnelle. Une découverte qui permet d’en savoir plus sur la formation de ces fascinants objets célestes.

C’était il y a deux ans: la découverte d’un quasar – galaxie comprenant un trou noir en son centre - agissant comme loupe cosmique était annoncée par le Laboratoire d’astrophysique de l’EPFL (LASTRO). Le cas était particulier pour deux raisons: il montrait la présence d’un trou noir supermassif, ainsi que d’une autre galaxie, située en arrière plan, très éloignée et pratiquement alignée. La lumière de cette dernière, fortement déviée en passant à proximité du trou noir, permet pour la première fois de calculer la masse d’un quasar.

Depuis, les chercheurs ont pu utiliser le téléscope Hubble de la NASA et de l'ESA pour découvrir plusieurs autres de ces cas rares, sélectionnés parmi un échantillon de 20 000 quasars. Leurs recherches font l’objet d’une nouvelle publication aujourd’hui dans le journal Astronomy & Astrophysics.

Ce phénomène de loupe, appelé lentille gravitationnelle, est induit par des objets massifs situés dans l’Univers, tels qu’étoiles, galaxies, planètes. Quand la lumière d’une galaxie très lointaine voyage vers la Terre, elle peut passer à proximité de l’un de ces objets, qui la courbe. L’image de cette galaxie nous parvient alors fortement déformée. Elle apparaît soit multipliée, soit, si l’on est proche d’un alignement parfait, sous la forme d’un arc de cercle nommé anneau d’Einstein. Or, la taille apparente de cet anneau permet de déterminer la masse de l’objet situé au milieu et agissant comme loupe. Dans les cas découverts par les chercheurs de l’EPFL, cet objet au premier plan est un quasar, c’est-à-dire une galaxie comprenant un trou noir, et qu'il serait impossible de "peser" sans l'effet de lentille gravitationnelle.

Des images plus détaillées

«Nous avons trouvé des exemples beaucoup plus représentatifs que le premier, offrant des images plus nettes et plus détaillées», explique Frédéric Courbin, du LASTRO. L’intérêt d’un tel outil, ajoute le chercheur, est qu’il permet de connaître la quantité totale de matière, qu'elle soit visible ou invisible, composant un quasar.

«Pour la première fois, nous disposons d’une méthode sûre pour mesurer la masse de ces objets, trop lumineux pour être observés avec les moyens traditionnels, explique Frédéric Courbin. Nous pourrons ainsi mieux comprendre pourquoi certaines galaxies ont un trou noir et d’autres pas, de quoi est faite leur énergie formidable, comment la matière s’y distribue et y évolue. L'effet de lentille gravitationnelle nous a déjà beaucoup appris sur la distribution de matière dans les amas de galaxies et dans les galaxies elles-mêmes. Ici l'effet est produit par des objets très particuliers, dont la mesure de la masse était jusque là impossible.»