Une journée pour questionner l'éducation

La remise du LEARN Award. ©DR/EPFL 2019

La remise du LEARN Award. ©DR/EPFL 2019

Dans le cadre de son 50e anniversaire, l’EPFL a organisé vendredi 17 mai une journée dédiée à l’enseignement et à la formation. Remis pour la première fois, le LEARN Award a récompensé des projets novateurs au niveau gymnasial.

«Osez apprendre». Inspirée de Kant, l’injonction de Pierre Vandergheynst, vice-président de l’EPFL pour l’éducation a fait des émules vendredi 17 mai. Au cours de la journée de l’éducation, au Swiss Tech Convention Center, plus de trois cents personnes, en grande majorité actives dans le milieu de la formation, se sont interrogées sur l’éducation et plus spécifiquement sur l’enseignement des sciences et la transition gymnase-université. «Nous sommes ravis que nos partenaires de l’enseignement gymnasial issus de toutes les régions de Suisse aient répondu à notre invitation», se réjouit Sabrina Rami Shojaei, cheffe du Service de promotion de l’éducation (SPE) qui a organisé cette journée.

Comment capter l’attention des étudiantes et étudiants et surtout leur permettre d’assimiler des connaissances ? Expert en la matière, Eric Mazur, professeur de physique à Harvard a fait la brillante démonstration de sa méthode d’apprentissage par les pairs, en réussissant le tour de force de faire d’une plaque de métal trouée en son centre le sujet de conversation d’une salle entière. Le secret ? Questionner et surtout impliquer les personnes dans le processus d’apprentissage. «Ce n’est pas en regardant que l’on apprend, mais en pratiquant », a souligné la «rock star de l’éducation», selon les termes du président de l’EPFL Martin Vetterli.

Dans la peau de chercheurs

Cette maxime, les récipiendaires du LEARN Award, initié par le SPE en collaboration avec le Centre LEARN, l’ont bien intégrée. Ce prix, remis pour la première fois à l’occasion de la journée de l’éducation, a récompensé des projets novateurs au niveau gymnasial. Le vainqueur, Sébastien Morard, géographe et enseignant au Collège St-Michel à Fribourg, a placé ses sept élèves de l’option complémentaire géo dans la peau d’ingénieurs-géographes. Comment ? En les amenant à analyser les pratiques de mobilité douce dans les collèges de la Ville de Fribourg. «Ils ont géré tout le projet, de la collecte des données à la proposition de mesures d’amélioration, en passant par l’analyse des résultats», remarque l’enseignant. Et le retour des élèves a été à la hauteur de l’investissement de l'enseignant. «Lorsqu’on opte pour la pédagogie de projet, cela implique dix fois plus de temps de préparation qu’un cours classique et il faut être prêt à prendre des risques, car le résultat n’est pas forcément celui auquel on s’attend», souligne Sébastien Morard qui a travaillé dix ans comme géographe avant d’enseigner. Avec les 20'000 francs du LEARN Award, il souhaite étendre son approche aux classes de deuxième année, à plus large effectif, et acquérir des instruments de mesure permettant aux élèves de mener de nouvelles études en lien avec l’impact environnemental. «Par exemple des capteurs pour mesurer le taux de CO2 ou la qualité de l’eau.»

Placer les étudiantes et étudiants dans une posture de chercheur pour aiguiser leur curiosité, c’est aussi la méthode empruntée par Thibaud Rossel. Troisième lauréat du LEARN Award, cet enseignant au Gymnase français de Bienne fait avec ses étudiantes et étudiants de la recherche en chimie. «L’objectif est de créer des bio-senseurs colorimétriques pour détecter des substances problématiques. Cette année, nous travaillons sur des capteurs dirigés contre le glyphosate, car il y en a encore très peu. C’est un vrai processus de recherche, je partage la position de mes élèves dans le sens que je ne sais pas à l’avance ce que l’on va trouver.» Avec les 10'000 francs reçus, le docteur en chimie bioorganique souhaite acquérir une station de pipetage automatisée pour permettre aux élèves de travailler avec les dernières techniques et développer leur pensée computationnelle. Et il souhaite diffuser plus largement le kit de recherche qu’il a élaboré, pour que d’autres enseignantes et enseignants puissent suivre sa voie.

Escape game scientifique

Opérer le changement à large échelle, c’est la direction prise par l’Ecole cantonale de Soleure (Kantonsschule Solothurn), seconde lauréate du LEARN Award. Observant au fil des évaluations que de nombreux élèves de l’école présentaient des difficultés d’apprentissage lors de leur arrivée dans une haute école, la direction a décidé de revoir sa manière d’enseigner. Avec l’objectif d’encourager les élèves à devenir indépendants dans leur apprentissage. «Nous voulons notamment alléger le programme pour que les élèves puissent mieux se concentrer sur les branches enseignées, donner plus de liberté aux étudiantes et étudiants pour les amener à être plus indépendants. Mais aussi revoir le processus d’évaluation, faire des examens plus réguliers et mieux évaluer les différentes compétences», explique Stefan Zumbrunn, directeur de l’école. Le challenge pour cette école comptant 1800 élèves et 200 enseignantes et enseignants est d’impliquer tout le monde dans ce changement. «Nous voulons une école en accord avec son temps, heureusement nous cultivons un esprit dynamique et notre projet a eu un écho positif», souligne Dieter Müller, co-recteur. Les 15'000 francs obtenus grâce au LEARN Award serviront au développement de ce projet de grande envergure.

Finalement, le public (prix de 5000 francs) a choisi de récompenser le projet de Gabriel Palacios. Pour aiguiser la curiosité de ses élèves et éveiller leur envie d’en savoir plus, cet enseignant de physique au Gymnase d’Hofwil à Berne a décidé en 2013 de créer un jeu d’aventure constitué de différents phénomènes scientifiques. Durant huit mois, aidé de collègues, il a aménagé une cave bernoise pour la transformer en escape game scientifique pour ses élèves. Ces derniers ont ensuite posé une foule de questions sur les expériences vécues, ce qui lui a permis d’aborder de nombreux concepts physiques. Désormais, il utilise toujours cette manière ludique d’enseigner et il a décliné son projet dans le monde entier avec plus de 180 jeux, dont 38 en Suisse. Plus d’une centaine de ses anciens élèves ont participé à leur développement. Une nouvelle preuve du pouvoir de l’implication des étudiantes et étudiants dans le processus d’apprentissage. Après tout, comme l’a relevé Eric Mazur, «nous sommes tous des scientifiques nés». De quoi oser apprendre.