«Une CNC 5 axes, ça vend du rêve!»

Lucie Sandoz, apprentie à l'Atelier de l'Institut de génie mécanique, avec un des ses formateurs, Christophe Zurmühle. © Alain Herzog/EPFL

Lucie Sandoz, apprentie à l'Atelier de l'Institut de génie mécanique, avec un des ses formateurs, Christophe Zurmühle. © Alain Herzog/EPFL

Lucie Sandoz a commencé mi-août un apprentissage de polymécanicienne à l’Atelier de l’Institut de génie mécanique. Un métier qui la passionne.

Ses yeux pétillent au-dessus du masque qui lui mange la moitié du visage. Elle parle vite et déborde d’énergie. Lucie Sandoz a tout juste 16 ans, mais elle sait ce qu’elle veut et surtout comment y parvenir. Mi-août, elle a commencé un apprentissage de polymécanicienne dans l’Atelier de l’Institut de génie mécanique de l’EPFL où on la sent comme un poisson dans l’eau. Ce cursus la mènera dans quatre ans à un CFC polymécanicienne avec maturité technique intégrée.

Le chemin qui l’a menée à ce choix s’est quasi dessiné tout seul. A 13 ans, Lucie sait qu’elle veut travailler dans l’horlogerie. Elle a accumulé les mouvements de montres, démonté les mécanismes et ne s’en lasse pas. Mais elle perçoit que les débouchés ne sont pas très larges et décide d’y parvenir par une voie détournée. « J’ai découvert le métier de polymécanicienne à travers le copain de ma sœur qui a fait son apprentissage à l’EPFL. » Lucie effectue alors un stage de 3 jours dans l’Atelier de génie civil qui la conforte dans ce choix. Elle tente encore un autre stage dans une autre entreprise. L’avenir n’étant jamais sûr, elle postule des deux côtés pour une place d’apprentissage. Et décroche les deux ! Séduite par la polyvalence, mais surtout la variété des possibilités de l’EPFL, elle n’hésite pas longtemps.

Lucie découvre alors une mécanique plus grosse, « mais tout aussi précise et intéressante ». Elle se passionne pour la production des pièces et plus généralement pour ce métier qu’elle apprend en théorie comme en pratique. « J’ai la chance d’être dans un atelier où chaque élément que je vois au cours, je peux le revoir ici avec mes formateurs. Je peux vraiment faire le lien entre cours et travail ici. » A raison de deux journées hebdomadaire, Lucie apprécie cette formation très poussée dans la science des matériaux, l’électrotechnique ou la physique (à venir en troisième année).

Un métier plein de diversité

Dans l’atelier, il n’a pas fallu longtemps pour qu’elle mette les mains à la pâte. « Au début, je faisais des pièces pour moi, mais désormais mes collègues me laissent faire des pièces de commande assez simples sur des petites machines. Ce qui me plonge dans la réalité. » Lucie a ainsi déjà réalisé des écrous en matière spécifique, des pièces de tournage et d’autres qui ne ressemblent à rien. Les principaux « clients » de l’atelier sont les laboratoires, essentiellement issus de la faculté des Sciences et techniques de l’ingénieur, mais pas uniquement. Ainsi, l’équipe de Swiss Solar Boat a sollicité l’atelier.

La jeune fille est fascinée par ce travail qui consiste à partir d’un matériau brut pour en faire une pièce sophistiquée à l’aide de l’outil adéquat. « La diversité du métier me plait énormément: ne jamais refaire la même pièce, rencontrer d’autres problèmes, devoir régler de nouvelles situations, toujours devoir s’adapter, développer de nouvelles techniques et apprendre plus de choses. » Les journées passent à la vitesse de l’éclair, satisfaisant la jeune fille pressée.

La perspective de posséder toutes ces connaissances lui ouvre l’imagination. « Quand je vois une CNC 5 axes, j’imagine toutes les possibilités qu’elle offre et toutes les pièces que l’on pourrait créer. Ça vend du rêve, c’est sûr ! » Mais il faut plusieurs années de métier pour en acquérir l’expérience.

"Il faut faire bouger les choses!"

Comment la jeune apprentie, qui a suivi la voie prégymnasiale, a-t-elle vécu cette plongée en eaux professionnelles ? « Très bien ! J’avais déjà l’habitude de fréquenter des gens plus âgés que moi, donc ça n’a pas été un choc. Et surtout, l’équipe qui m’a accueillie ici, dans une ambiance bon enfant, est très à l’écoute et ouverte que ça n’a pas été difficile ! Mais j’apprécie aussi de me retrouver aux cours et de pouvoir partager mes expériences. Le mix des deux est parfait. »

En revanche, le mix entre filles et garçons l’est un peu moins dans cette carrière. « On me pose souvent la question. C’est vrai qu’aux cours, il n’y a que des garçons. J’ai la chance d’être dans une classe où ils sont à l’écoute et très ouverts d’esprit. A l’atelier aussi, je suis la seule fille et ça se passe très bien. Les gens sont parfois surpris de voir une fille ici, alors j’explique que la mécanique me plait… » Une réflexion pesante ? « Il est vrai qu’en 2021, on aimerait mieux ne plus entendre cela. Mais je sais que l’intention n’est pas mauvaise. » Lucie se déclare féministe et, comme d’autres choses chez elle, ce n’est pas un vain mot : l’an dernier elle s’est engagée par exemple pour qu’il y ait des protections menstruelles en libre-service dans les écoles. Un succès. « Il faut faire bouger les choses et il y a un bon élan dans notre génération pour le faire ! »

Bouger et avancer. Lucie ne manque de dynamisme ni dans son travail ni dans ses loisirs. Le vendredi soir, elle n’hésite pas à aller grimper au Centre sport et santé. Amoureuse de la montagne, elle y dépense et puise son énergie, été comme hiver, dans l’escalade et le snowboard. Ou en plongée dans les eaux du Léman.