Un urbanisme adapté aux événements extrêmes pour le Haut-Valais

Dans le cadre de son projet de master en architecture à l’EPFL, Olivier Lalancette propose des aménagements légers qui permettraient à l’agglomération de Brigue-Viège-Naters de mieux résister aux sécheresses et aux fortes pluies attendues d’ici 2050. Son étude vise à ouvrir le débat sur le futur de cette région.


La Suisse est et sera vulnérable face aux événements extrêmes causés par le changement climatique. Si aucune réduction du taux d’émissions de gaz à effet de serre n’est effectuée d’ici le milieu du siècle, les températures pourraient encore augmenter de 1,8 à 3,3°C en hiver, et de 2,3 à 4,4°C en été, indique MétéoSuisse. Les régions alpines sont amenées à se réchauffer davantage que le reste des territoires.

Les précipitations sous forme de pluie pourraient diminuer de 20% lors d’un été moyen, créant de longues périodes de sécheresse, dont l’été 2022 a déjà donné un aperçu, et augmenter de 25% durant l’hiver. La neige, quant à elle, se fera de plus en plus rare.

Résilience et bien-être

Comment adapter rapidement l’aménagement de villes suisses au fort passé industriel, aux sols peu perméables et aux rares espaces publics, face aux sécheresses et aux fortes précipitations attendues? Quel rôle peut jouer l’architecte dans l’aménagement du territoire et la prévention des risques, des domaines laissés majoritairement jusqu’ici entre les mains du génie civil? Dans le cadre de son projet de master en architecture à l’EPFL, Olivier Lalancette a identifié deux lieux d’intervention situés en plaine pour favoriser l’habitabilité d’espaces urbains, faire dialoguer différents niveaux du territoire et relever ces défis.

Ses propositions d’aménagements légers sont situées dans le Haut-Valais: l’une à Brigue et l’autre, sur l’ancien site industriel de Lonza. Elles visent à rendre ces territoires plus résilients et adaptés aux événements météorologiques extrêmes, tout en privilégiant les espaces de rencontres et le bien-être de ses habitantes et habitants. Durant son étude préparatoire, l’étudiant a consulté plusieurs spécialistes, dont Tony Arborino, ingénieur responsable de la troisième correction du Rhône, et les cheffes de projets de l’agglomération Brigue-Viège-Naters, afin d’inscrire ses propositions dans la réalité du contexte analysé.

Trois interventions à Brigue

A Brigue, Olivier Lalancette propose tout d’abord de rendre les sols plus perméables aux pluies en créant une noue végétalisée le long des rails, dans une zone ferroviaire vétuste où la circulation sera réaménagée. Cette fosse herbée vise à créer un bassin de récupération d’eau pour favoriser son infiltration dans le sol et dans la nappe phréatique. Ce qui est actuellement un parking serait recouvert d’arbres et le sol transformé en graviers, toujours dans le but d’absorber les eaux de pluie abondantes. Dans un deuxième temps, les bâtiments adjacents, partiellement vides, seraient réinvestis en espaces communautaires.

Une partie du centre-ville pourrait être aménagée en corridor écologique et être ainsi mieux reliée aux zones agricoles, selon l’architecte. Celui-ci indique que l’ajout d’espaces de permaculture et d’arbres limitera l’apparition d’îlots de chaleur tout en créant un refuge aux citadines et citadins lors de grandes chaleurs. Dans une zone résidentielle du sud de la ville, l’architecte a changé le bitume en matière absorbante et ouvert certains espaces afin de favoriser la rencontre entre les personnes du quartier.

Mes propositions montrent que certains travaux sont à anticiper. Elles visent à ouvrir le débat.

Olivier Lalancette, diplômé en architecture EPFL

Cordon écologique et piéton

Et si l’un des plus grands sites contaminé de Suisse devenait un havre de biodiversité? C’est avec cette idée en tête qu’Olivier Lalancette s’est attaqué au réaménagement de l’ancienne décharge de Gamsenried. Une partie de ce terrain de 290'000 m2, situé entre Brigue et Viège, fait l’objet d’un assainissement par l’entreprise Lonza qui durera plusieurs décennies.

Une fois ce lourd travail terminé, l’architecte propose d’y planter tout un ensemble d’essences d’arbres résistants aux fortes chaleurs et d’y aménager une zone de mobilité piétonne et cyclable, afin de favoriser les déplacements entre Viège et Brigue à vélo. «Mes propositions restent hypothétiques face à des territoires très complexes. Mais elles montrent que certains travaux sont à anticiper. Elles visent à ouvrir le débat», commente le diplômé d’origine québécoise tombé amoureux des Alpes.

Stations de ski transformées en forêts

Les aménagements proposés sont inséparables d’un lourd travail de transformation du paysage en amont. Et c’est toute l’identité d’une région liée à son territoire qui en sera bouleversée, prévient l’architecte: «Les changements climatiques vont nous forcer à réinvestir certaines infrastructures déjà présentes sur le territoire.»

Concrètement, afin de retenir et ralentir l’eau et de prévenir l’érosion des sols, il faudra par exemple imaginer planter des arbres sur le bas des pistes de ski désaffectées, renaturaliser le lit des rivières et utiliser l’eau des barrages pour d’autres usages que celui de la production d’énergie durant les périodes de sécheresse. «Ces sujets ne sont pas tabous dans le domaine, même si ces changements paraissent énormes et concerneront beaucoup de personnes», précise Olivier Lalancette.